La vague ALF de la rentrée 2019

Il existe depuis la rentrée 2019 une véritable vague d’actions illégales en France dans le cadre de la libération animale. Il ne s’agit pas de commenter ces actions, qui sont précisément ce qu’elles sont.

Il faut toutefois quelques mots pour noter que, de par leur nombre important, c’est un certain signe des temps, car avec l’évolution de cette dernière année, il y a eu une forme de basculement. Déjà, les gens en ont assez de n’arriver à rien dans la cause animale et il y a une forme de prise de conscience de la vanité de nombreuses initiatives.

Car bon, c’est bien joli, mais rien ne change. Et en même temps les associations s’installent : L214 a reçu quasiment quatre millions d’euros en 2018 et cette association dispose maintenant de 70 salariés… PeTA est repris par la presse people, 269 Libération animale s’est replié sur un discours littéraire d’ultra-gauche (antispécisme décolonial etc.)…

Tout ça pour ça? Donc au final, forcément, l’ALF apparaît comme une base saine empêchant les principaux défauts bien connus : le sectarisme, la personnalisation à outrance, la manipulation par des activistes structurés par en haut sans aucune base démocratique, etc.

Cela est d’autant plus vrai alors qu’on s’aperçoit que le cinéma recommence avec les mêmes ingrédients recyclés, puisqu’on a ainsi en France deux nouvelles structures anglo-saxonnes de désobéissance civile faisant la même chose que les autres, mais prétendant tout changer : « DXE (Direct action everywhere) », ainsi que « Animal Rebellion » qui compte surfer sur Extinction Rebellion.

Il y a une certaine maturité qui apparaît également, dans un contexte de condition animale qui n’a, il faut le rappeler, cessé d’empirer dans une société en déliquescence. Cela joue énormément sur l’acceptation de l’ALF dans de nouveaux milieux, mais également en un certain sens sur une meilleure compréhension d’un besoin de mise en perspective.

Certains s’en réjouiront. Mais souvenons-nous toujours de l’exemple de Barry Horne. Rien ne doit nous satisfaire tant qu’on ne sera pas arrivé à changer le monde dans le sens de la libération animale. Le seul critère qu’il faut avoir, c’est le basculement de l’ensemble de la société. L’avenir dira si l’ALF « nouvelle vague » est une expression en ce sens ou un simple repli.

Action de la mi-octobre

« Mi octobre en France, les membres d’ALF ont détruit 8 maisons de chasse ainsi que tous les dispositifs permettant d’attirer et tuer des animaux.

Dans ses maisons ont été trouvé des cartouches, des couteaux, des dispositifs d’allumage, et des pièges à base de glue …

Les chasseurs restent les seuls individus à ne pas constater qu’il n’y a quasiment plus aucun oiseau sauf ceux élevés et libérés avant le massacre. Perdrix et faisans présents sur place ne se sauvant pas de l’humain.

Nous appelons chaque citoyen ou promeneur à détruire chaque maison, cabane, cage, mirador, collet ou autres dispositifs permettant soit le piègeage soit le nourrisage des animaux. Ce que font déjà certains promeneurs rencontrés …

Tant que vous tuerez, reconstruirez, nous détruirons …
Ce ne sont pas les lois de délit d’entrave à la chasse qui nous arrêteront …
ALF »

Autre action de la mi-octobre

« Etant adeptes de ballades nocturnes en forêt (on y trouve souvent des installations appartenant à d’immondes humain.e.s comme notre cible du jour), nous sommes tombé.e.s en pleine nuit dans le centre de la France sur des volières immenses où des perdrix destinées à être massacrées par des chasseur.euse.s étaient séquestrées.
Nous avons donc décidé de les aider à s’évader dans la nuit du 10 au 11 octobre.

A notre grande surprise, des tags antispécistes étaient déjà visibles sur le lieu (est-ce que l’éleveur appréciait cette déco contestataire ?), nous n’étions donc pas les premièr.e.s à rendre visite à ce déchet.
Armé.e.s de notre courage et de nos outils légendaires d’activistes (des pinces coupantes) nous voilà en train de découper le grillage de la volière avec détermination. Après ce laborieux travail, nous nous rendions compte 5 minutes plus tard qu’il y avait en fait une porte non vérouillée donnant sur l’enclos à 2 mètres de là… Bon, ça arrive. Sans plus tarder nous nous attelons, à l’aide de cutters, au démantèlement du filet surplombant la prison.

Une fois cette tâche terminée nous continuons notre petite visite, ouvrant chaque porte que nous croisons et prenant aussi le temps de poursuivre notre atelier découpage de filet sur un autre enclos.
Après avoir bien bousillé le lieu, nous enfilâmes notre casquette de décorateur.ice.s d’intérieur et nous entreprîmes de laisser notre patte artistique en ajoutant modestement « AGAIN » sur l’oeuvre déjà existante laissée par les précédent.e.s camarades qui énoncait « ALF SAYS HI ».

L’essentiel était de nous assurer de la libération d’un maximum de personnes détenu.e.s dans ce lieu sordide, nous avons donc aidé les perdrix à prendre leur envol en les guidant hors de leurs prisons et les avons vu s’échapper par centaines vers la forêt.

Nous espérons qu’après ces quelques visites, les tortionnaires qui exploitent ces personnes s’endormiront la peur au ventre en appréhendant notre prochain assaut. Tant qu’il y aura des chasseurs il faudra des gens pour les chasser.

Si ce n’est pas toi, qui ? Si ce n’est pas maintenant, quand ?
Nous devons tous.tes aller sur les lieux d’oppression des autres animaux exploités pour les aider concrètement et pour avoir une chance de mettre fin au spécisme.
Nous reviendrons. »

Action début du 5 octobre

22 miradors ont été sciés en forêt de Lanouée, près de Ploërmel (Morbihan). Le communiqué de quelques lignes est en anglais, nous ne le mettons donc pas (et il n’est pas signé ALF).

Actions multiples fin septembre

Un communiqué en anglais informe du sabotage dans les Hauts de France de choses en rapport avec les sangliers (des caisses d’agrainage? des « pièges »?). Un autre, en français, informe :

« 27 SEPTEMBRE, DROME, FRANCE.

Cette nuit, un groupe d’activiste antispéciste s’est introduit par la force dans un élevage de poules pondeuses en batterie comptant environs 200 000 personnes animales. 
Après avoir découper la clôture grillagée a la pince monseigneur, et défoncé la porte d’un hangard au pied de biche, le groupe a permis a une vingtaine d’individues de sortir de cet enfer. 
Accompagnées dans différents sanctuaires privées, leurs vies commence des a présent. 
Il est urgent d’agir, chaque vie sauvée est précieuse et sortira définitivement du système spéciste.
Leur corps ne sera désormais plus une ressource de production, qui une foi moins rentable finira dans les assietes des inconscients.
Vous, antispécistes qui nous lisez, il est grand temps de prendre vos outils et de forcer les portes de chaque élevage, afin d’en sortir le maximum d’individus. Afin de joindre a vos paroles révoltées des actes concrets qui auront un impact pour les personnes animales que vous aiderez a vivre. 
Nous reviendrons, encore et encore, jusqu’a la définitive libération animale. »

Et pour information voici un communiqué concernant une autre action (que nous trouvons, rappelons-le, insupportable avec l’absence de sigle ALF, l’écriture inclusive jusqu’à l’illisible, le délire individualiste sur les « individus » libérés, etc.).

« Dans la nuit du 18 au 19 septembre, en région parisienne, un élevage de faisan.e.s a été saboté et des personnes se sont échappées.

Un groupe d’activistes s’est introduit dans un élevage afin de pouvoir rendre la liberté a des faisan.e.s élevé.e.s spécifiquement pour la chasse. La chasse ayant déjà commencé, ce n’est que leur offrir une avance sur les lâchés déjà prévus par les chass.eurs.euses dans l’espoir qu’iels puissent s’enfuir assez loin et ne pas subir les conséquences mortelles de ce qui n’est pour leurs oppress.eurs.euses qu’un loisir…

Le lieu a été trouvé par image satellite en cherchant des grands espaces verts en campagne, parsemés de petits traits disposés en lignes droites (les poteaux supportant le filet des volières) : image satellite caractéristique des élevages en volières pour la chasse.

Des pinces coupantes puissantes ont été utilisées afin de pénétrer rapidement dans l’enclos. Il y avait dans un premier temps un enclos qui encerclaient les volières. Il a fallu d’abord l’ouvrir afin d’accéder à ces dernières. Ensuite, de la même manière, les activistes sont entré.e.s dans la volière et ont sectionné une grande partie des filets surplombant l’enclos. Il y avait également des buissons à l’intérieur de l’enclos dans lesquels le filet s’accrochait au fur et à mesure qu’il se mettait à tomber. Quelques faisan.e.s refusaient de s’enfuir hors de l’enclos tandis que d’autres s’envolèrent à la première occasion. Certain.e.s se cachaient dans les buissons de l’enclos, et d’autres se prenaient les pattes et le corps dans le filet maintenant au sol. Il nous a fallu une quarantaine de minutes avant de pouvoir extraire la majorité de ces personnes qui n’ont aucun moyen de savoir le sort que les chass.eurs.euses leur avait réservé.

L’enclos faisait environ 900m2 et nous avons retiré la majorité du filet sur cette surface en le découpant avec des cutters et couteaux. Nous avons tenté au maximum de le rassembler pour le rendre le moins dangereux possible pour les faisan.e.s qui ne souhaitaient pas quitter l’enclos, et le moins entravant pour les celles et ceux qui voulaient s’échapper.

Pour finir, nous avons tagué « Stop Spécisme » sur l’abri en tôle que leurs futur.e.s assassin.e.s leur avait construit.

Nous avons passé environ 1 heure sur place et avons probablement permis à une centaine de personnes de prendre de l’avance sur leurs oppress.eurs.euses. Cependant, cet enclos faisait partie d’une dizaine d’autres présents sur ce domaine de chasse, et nous savons qu’il est possible que la plupart des personnes libérées cette nuit mourrons de diverses raisons liées à leur naissance et leur vie en captivité, ou seront rattrapées par les chass.eurs.euses.

Il n’existe pas de bonnes issues possibles lorsqu’il s’agit de porter assistance à un grand nombre de personnes nées en captivité, détenues par des personnes humaines voulant leur mort. Le spécisme et toutes les personnes qui en font l’apologie sont coupables de leur sort. Cette action avait pour but d’entraver les projets mortifères des propriétaires de cet élevage de chasse, et d’aider au mieux de nos possibilité les personnes qui y étaient détenues.

Rejoignez-nous. Aidons-les. Et exigeons l’abolition de toutes les dominations. »

Action de l’ALF les 21 et 22 septembre

« Ce week end du 21 et 22 septembre, dans le sud est de la France, miradors, pièges, cages et points de nourrissage ont été une fois de plus sabotés.
Pas une première pour les membres d’ALF, un éternel recommencement tant que les chasseurs continueront de massacrer les animaux au nom de la régulation en se revendiquant comme les premiers écologistes de France.
Libération d’animaux avant l’ouverture de la chasse, plombs et cartouches laissés au sol ; monopolisation des espaces forestiers au détriment des citoyens.
Sans compter l’exposition aux yeux de toutes et tous, d’animaux venant d’être tués ; animaux suspendus par les pattes pour y être éviscérer.
Tant que vous continuerez, nous continuerons …
ALF »

Hackage du site de la Fédération Départementale des Chasseurs de l’Yonne

Les comptes ont été hackés et répertoriés etc.

Incendie le 16 septembre

A Normandel dans l’Orne, les bâtiments vides d’un élevage de poulet ont été incendiés. Pas de communiqué mais sur les murs ont été inscrits « Assassins » et « camps de la mort ».

Action les 11 et 12 septembre

« Dans la nuit du Jeudi 12 septembre 2019, en région parisienne, nous, activistes animalistes, avons détruit une tour de chasse et tagué sur le sol « stop spécisme ».

Les tours de chasse ne sont pas directement visibles par images satellites (google maps), nous avons donc repéré celle-ci en en nous baladant proches de champs, à la lisière d’un bois. Nous avons ensuite utilisé les images satellites pour vérifier que la tour repérée était bien à une distance d’au moins 100 mètres des habitations environnantes, car détruire une tour fait du bruit et prend du temps.
Des pièges photo étant parfois disposés dans les arbres par les chasseur.euse.s, nous avons repérer la tour et agit à visage masqué.
Nous avons attaqué la tour avec des scies à grosses dents en sciant à des endroits stratégiques puis nous avons fini le travail en tordant les pièces pour qu’elles cèdent.
Afin de visibiliser ce sabotage comme un acte politique en faveur des victimes du spécisme, un message « stop spécisme » a été laissé sur le sol à la bombe de peinture.

Nous souhaitons par ce communiqué inviter tou.te.s celles et ceux qui savent que tuer les autres animaux n’est pas un acte nécessaire, à se former et à agir concrètement, pour les victimes du spécisme.

Jusqu’à l’abolition de toutes les dominations ! »

Une autre action a eu lieu pratiquement à la même date :

« Dans la nuit du 11 au 12 septembre, en France, nous, activistes du front de libération des animaux, avons aidé des centaines de faisan.e.s à s’échapper de leur prison.
A l’aide de cutters, nous avons découpé une large partie du filet qui les empêchait de s’envoler, puis nous sommes allé.e.s derrière elleux pour les inciter à fuir. Les voir s’échapper dans le ciel nous a profondément touché.e.s.
Nous avons également marqué notre passage d’un tag.
Nous souhaitons une vie libre et heureuse à toutes ces personnes, et avons une pensée pour tous les autres animaux encore prisonniers.
Jusqu’à ce que toutes les cages soient vide. »

Action du 7 septembre

« Dans la nuit du samedi 7 septembre en France, un élevage de perdrix a été saboté et des individus ont été libérés.

Nous sommes entré.e.s dans l’enclos en sectionnant le grillage et les fils électrifiés. Le filet surplombant l’enclos a été facilement et rapidement coupé à l’aide de cutters afin de laisser une grande ouverture pour que les perdrix puissent s’évader. Nous avons ensuite laissé une trace de notre passage en taguant le hangar : « ALF says hi » (Le Front de Libération Animale passe le bonjour) et « Hunters will be hunted » (les chasseur.euse.s seront chassé.e.s). Puis, nous avons dispersé les perdrix hors du hangar pour qu’iels puissent s’enfuir.
Iels étaient destiné.e.s à être vendu.e.s à des chasseur.euse.s pour être tué.e.s. Les chasseur.euse.s sont des assassin.e.s et il est urgent de tout mettre en oeuvre pour les arrêter. Trouvez un élevage et ouvrez leurs prisons, jusqu’à ce qu’iels soient tous.te.s libres. »

Action de l’ALF le 1er septembre

Enfin, voici le communiqué de la première action de la rentée.

« lors d’une balade en foret le dimanche 1 septembre, nous sommes tombé sur un site d’agrainage ( nourrissage au mais) de sanglier installer par des chasseurs.
Nous avons penser a nos nos amis a 4 pattes qui viendrais se nourrir ici le dimanche suivant ( 8 septembre 2019) jour d’ouverture de la chasse et serons une proie pour les chasseur.
Nous avons donc procédé à la destruction systématique de tout le materiel présent.
Nous ne faisons pas de compromis dans la défense de notre mère nature
Partout où les animaux sont en danger
Animal liberation front »

La corrida pour les mineurs et les 40 « du monde du spectacle et de la culture »

C’est une tribune publique parue dans Le Figaro (mais avec accès payant) qui, évidemment, a été reçu très négativement par tous les amis des animaux. Et pour cause, voilà que quarante personnes « du monde du spectacle et de la culture » dressent un tableau idyllique de la corrida.

Il n’en fallait pas moins pour se sentir trahi, puisqu’il est évident que le refus de la corrida relève de la civilisation. Voir des gens cultivés défendre la corrida ne peut sembler que totalement absurde.

Ce qui est encore plus fou, c’est que la tribune défend l’accès des mineurs à la corrida. On est là dans l’ignominie la plus complète. La corrida serait un art, auquel aurait droit un enfant de 14, 12, 8 ans…

Deux choses ont malheureusement été oubliées par les défenseurs des animaux. D’abord, que nous vivons dans une société bourgeoise faite pour des bourgeois. Partant de là, ce qui prime, c’est que chacun fasse ce qu’il veut. Il n’y a pas de morale qui prime.

La tribune vise à juste titre d’ailleurs les puritains. A juste titre, selon nous, car si puritanisme il y a, alors LTD est en première ligne, puisque pour nous il n’y a pas de différence entre les mentalités, la culture, le style de vie, la démarche, etc. Pour faire abolir la corrida, il faut le triomphe de la morale dans la culture. Comme d’ailleurs pour le véganisme.

Le second point oublié, c’est malheureusement la mystique liée à la corrida. On en revient à la question de la vision du monde. Pour nous, la Nature est un ensemble, un grand tout et la vie s’y développe. Il y a des côtés liés à la souffrance, mais la vie l’emporte et se développe, elle progresse.

Par contre, pour les ennemis de la Nature, voire ses négateurs, la Nature est au mieux un monstre, une entité sadique, où la vie et la mort s’affrontent tout le temps, etc. Chez les partisans de la corrida, celle-ci équivaut donc à la tragédie grecque selon Nietzsche : la force brute cède la place au triomphe de la volonté devenue beauté par sa victoire.

C’est très philosophique, pour ne pas dire mystique. Gérard Depardieu trouve par exemple que la corrida est un « rituel sublime », le syndicaliste Marc Blondel se voulait rigoureusement athée mais appréciait la corrida pour sa dimension païenne…

Et il faut lire la prose de Simon Casas, une des principales figures de la tauromachie, qui y voit pareillement une véritable « magie ».

Le discours des partisans de la chasse à courre est d’ailleurs exactement le même. On a ici un rapport patriarcal au monde sauvage, un refus de tout esprit naturaliste.

Ces deux points que sont le refus libéral de la morale et la dimension magique, morbide, sont essentiels à comprendre pour qui veut dénoncer la corrida et comprendre adéquatement cette tribune, symbole du refus de la morale et de la compassion.

Ces gens sont des barbares.

« La corrida est un art et nul ne doit en être exclu » : l’appel de quarante personnalités

Depuis la fin du mois d’août, des responsables politiques évoquent la possibilité d’interdire la corrida aux mineurs. Nous, femmes et hommes de lettres, d’arts et de culture, nous opposons à cette proposition.

L’enfant, comme l’adolescent, est doué d’intelligence, apte à l’émotion, sensible à l’héroïsme, disponible à la beauté, à la culture et à l’art. Vouloir lui épargner la complexité du réel, la violence et le sacré, c’est mépriser son devenir.

La corrida est l’âme de la culture taurine millénaire. La corrida davantage qu’un spectacle est un art, culminant dans la rencontre de courage et d’honneur qui se joue dans l’arène. Ce moment figure l’engagement total qui gouverne la vie de l’artiste. C’est pourquoi Cocteau, Picasso, Hemingway ou Francis Bacon avant nous s’y sont tellement retrouvés.

En démocratie, la liberté est le principe et l’interdiction doit être l’exception. À l’heure où nos libertés sont sans cesse restreintes, où des hommes de pouvoir décident à leur place de ce qui est bon pour les autres, l’idée même d’une interdiction de la corrida est un signal alarmant.

Faut-il le répéter ? Interdire un art est indigne d’une démocratie moderne.

Ceux qui l’envisagent ne peuvent le faire qu’au nom d’une moralisation indue et paternaliste de la vie publique ; celle qui fit autrefois condamner Flaubert pour la légèreté de Madame Bovary ; celle qui fit mettre en prison Oscar Wilde pour homosexualité en Grande-Bretagne ; celle qu’on croyait disparue, mais qui, sinistrement, bannit le nu sur les réseaux sociaux. La France ne peut incarner ce puritanisme rétrograde et triste.

Plaider pour cette mesure, c’est choisir l’air du temps contre le fil du temps. La corrida est affaire de tradition, de transmission entre les générations.

Instrumentaliser les enfants pour combattre la corrida, c’est la condamner dans vingt ans.

Qui pour descendre demain dans l’arène, si on chasse aujourd’hui les jeunes qui en rêvent ?

« La beauté est dans l’œil de celui qui regarde », disait justement Oscar Wilde. Les députés qui portent le projet d’interdire la corrida aux mineurs leur retirent une part de rêve, un pan de beauté et un espace de traditions, au profit d’une société encore plus aseptisée.

Ils leur refusent un vecteur possible d’émancipation. On peut débattre de la corrida. On peut la trouver violente ou belle, ou violente et belle. Nul n’est tenu d’y assister. Nous demandons au gouvernement que nul n’en soit exclu.

LISTE DES SIGNATAIRES

Arnaud Agnel, comédien ; Olivier Ansellem, photographe; Pierre Arditi, comédien ; Bartabas, scénographe ; Charles Berling, comédien ; Dominique Bluzet, directeur de théâtres ; Myriam Boisaubert, poète ; Jean-Paul Capitani, éditeur ; Philippe Caubère, comédien ; Mathieu Cesar, photographe de mode ; Yves Charnet, écrivain ; Anne Clergue, galeriste ; Frédéric Coudron, romancier ; Martine d’Anglejan Chatillon, galeriste et productrice ; Patrick de Carolis, journaliste et écrivain ; Hubert de Watrigant, peintre ; Denis Declerck, ancien directeur de théâtre ; Éric Dupond-Moretti, avocat et auteur ; Jean-Pierre Formica, peintre ; Gil Galliot, comédien et metteur en scène ; Pauline Guerrier, sculpteur; Georges Heinz, professeur des écoles d’architecture ; Kostia, designer ; Marie-Sara Lambert, productrice de spectacles taurins ; Jacques-Olivier Liby, écrivain ; Jean-Marie Magnan, écrivain ; José Manrubia, peintre ; François Marthouret, comédien et metteur en scène ; Marion Mazauric, éditrice ; Vera Michalski-Hoffmann, éditrice ; Françoise Nyssen, éditrice, Loren Pallatier, peintre ; Ernest Pignon-Ernest, plasticien ; Denis Podalydès, comédien ; Diego Ramos, peintre ; Jean Reno, comédien ; Rudy Ricciotti, architecte ; Patrick Siméon, peintre ; Jean Varela, comédien et directeur de théâtres ; Laurent Weil, journaliste.

Nouvelle loi sur l’entrave : menace d’une AETA à la française

La loi sur l’entrave (article 431-1 du code pénal) a été modifiée par le sénat et va retourner au parlement. Une fois validée, les conséquences juridiques seront énormes pour beaucoup d’activistes, que ceux-ci agissent légalement ou pas.

En fait, c’est même une véritable révolution juridique qui va se dérouler. Grosso modo, toute la scène allant de L214 aux antispécistes va se faire littéralement broyer par la machine répressive.

Faudra-t-il alors considérer que ces gens ont été les idiots utiles de l’exploitation animale ou bien auront fait avancer les choses tout de même, il sera toujours possible d’en discuter.

En attendant, la nouvelle loi sur l’entrave aura des conséquences littéralement immenses et le seul équivalent strict qu’on puisse trouver est la loi dite AETA aux États-Unis, qui considère comme terroriste toute entrave de l’activité d’une entreprise liée aux animaux.

Et avec avec ce passage au sénat on apprend que des alliances au plus haut niveau se font entre le président, les chasseurs, la FNSEA, la gendarmerie… Voilà ce qui devrait être la grande cible !

Il y a deux aspects aussi importants l’un que l’autre avec cette novelle loi. Le premier, c’est que cela a un impact immédiat sur des actions menées directement contre les ennemis des animaux.

Le second, c’est que cette loi aura à moyen terme un impact immense sur les actions menées indirectement contre les ennemis des animaux. Et cette notion d’indirectement est tellement malléable qu’il sera possible, rien qu’avec cette loi, d’interdire n’importe quelle structure pro-animaux de manière très facile.

Allons droit au but. La nouvelle loi sur l’entrave implique la chose suivante :

  • un an de prison et 15 000 euros d’amendes pour une entrave aux activités professionnelles (dans le commerce, l’artisanat, l’agriculture) ;
  • 6 mois de prison et 5 000 euros d’amende pour une entrave aux activités relevant du sport ou des loisirs.

Par entrave, on parle ici notamment de menaces, d’obstruction ou d’intrusion. Au départ la loi devait préciser « par tous moyens » mais elle a été resserrée pour ne pas que le juge se retrouve à devoir lui-même préciser le mode opératoire, ce qui est délicat dans une procédure et risquait d’enrayer la machine.

Maintenant regardons concrètement ce que cela implique. Un ami des animaux voit des chasseurs commencer à se mettre en joue et se met spontanément à applaudir pour faire du bruit et avertir les animaux. C’est une entrave.

Un activiste de l’ALF détruit un de ces fameux miradors en forêt. Il est pris sur le fait par les gendarmes. Il est condamné pour dégradations, mais également pour entrave.

Une association tout à fait classique de la protection animale mène une campagne contre un magasin de sport vendant des fusils de chasse. Elle est condamnée pour entrave.

Un couple est en forêt, ils ne démarrent pas assez vite leur voiture et bloque ainsi le passage de la chasse à courre. C’est une entrave.

Des militants associatifs place des caméras dans un abattoir pour filmer les conditions de ce qui s’y déroule. C’est une entrave.

Mais attention, cela pourra être encore pire. Car la loi n’existe jamais qu’a posteriori. Elle existe aussi a priori. Il sera possible, à terme c’est inévitable, d’attaquer en justice des gens en les accusant de vouloir commettre une entrave.

Cette dimension de l’intentionnalité, d’autant plus flou que la notion d’entrave peut être facilement élargi, pose un véritable défi. Ce défi n’est pas abstrait. Il se fonde sur l’exploitation animale comme réalité économique, aux ramifications politiques. C’est cela la réalité et non pas un pseudo « spécisme » qui est un simple fantasme pseudo philosophique.

La nouvelle loi est donc un équivalent français de l’Animal Enterprise Terrorism Act (AETA) passé en 2006 dans la loi américaine. L’AETA considère que relève du terrorisme toute action de perturbation ou d’atteinte à l’activité d’une entreprise liée aux animaux de quelque manière que ce soit.

En raison des actions d’envergure de l’ALF, de l’ARM ou de l’ELF comme cela était alors le cas aux États-Unis, l’industrie (allant des fermes-usines aux tests sur les animaux) a demandé à l’État de serrer la vis.

Bien entendu, cela n’atteint pas ceux qui agissent depuis la clandestinité. Mais cela a permis d’écraser les actions à mi-chemin de la légalité et de l’illégalité, comme filmer clandestinement les conditions dans les fermes-usines, téléphoner en masse pour protester, etc. Il s’agissait d’assécher le terrain, de briser la campagne SHAC, etc. Cela a marché.

L’esprit de la loi française est similaire, même si la situation n’a rien à voir. Après avoir laissé parler les associations pro-institutionnels (comme L241) et laissé faire les associations de désobéissance civile (comme « 269 »), on met les points sur les i en sifflant la fin de la récréation.

En les remerciant au passage pour leur naïveté et leur refus d’élever le niveau de conscience, en jouant purement sur les émotions, ce qui a amené l’implication de beaucoup de gens mais sans aucun socle ni aucune perspective, ni même une culture réelle.

Au-delà du passage à une nouvelle étape pour l’État, il s’agit aussi de réduire les actions commises à des anecdotes violentes sans contenu. C’est une vaste mise à jour et les partisans des animaux, s’imaginant faire face au « spécisme », anti-politiques dans leur attitude, ne comprennent malheureusement rien à tout cela.

Le députe Guillaume Chevrollier (Les Républicains), grand défenseur de la modification, a donc clairement visé les « nombreuses actions d’intimidation, de menaces et de violences commises par des groupes d’activistes contre les éleveurs, agriculteurs, chasseurs, commerçants de bouche ».

Le site chassons.com présenta la chose exactement comme cela, en précisant d’ailleurs qu’une vaste pression a eu lieu pour faire passer la loi.

Délit d’entrave rurale: un premier pas franchi avec succès au Sénat

La Fédération nationale des Chasseurs, qui plaide depuis longtemps pour l’instauration d’un délit d’entrave aux activités rurales, qu’elles soient à caractère économique ou de loisir, se réjouit du vote à une large majorité qui a eu lieu au Sénat mardi dernier, lors de la première lecture de la proposition de loi déposée par Jean-Noël Cardoux (Sénateur du Loiret) et un certain nombre de ses collègues Les Républicains. Le vote de ce texte était particulièrement mal engagé avec l’échec du passage en Commission des lois du Sénat quelques jours auparavant.

Il a fallu la mobilisation appuyée de tous les réseaux cynégétiques et agricoles auprès des sénateurs pour tirer le signal d’alarme et faire prendre conscience de l’effet négatif du rejet d’un tel texte, très attendu dans nos campagnes. La FNC tient à saluer le pragmatisme du président de la Commission des lois, Philippe Bas (Sénateur de la Manche), et du rapporteur François Bonhomme (Sénateur du Tarn-et-Garonne), qui ont conduit à corriger la proposition de loi pour éviter qu’elle soit anti constitutionnelle et qu’elle puisse être votée.

Ce texte, une fois qu’il sera voté à l’Assemblée Nationale permettra de réprimer toutes les entraves à l’exercice des libertés dès lors que celles-ci sont autorisées par la loi. Il introduit dans la loi des sanctions beaucoup plus fortes contre tous les actes d’obstructions et d’intrusion, même s’il n’y a pas eu de dégradations.

Il permettra de sanctionner efficacement les entraves à l’exercice d’une activité économique, artisanale ou agricole ainsi que les actes d’obstruction ayant pour effet d’empêcher le bon déroulement d’activités sportives et de loisirs exercées dans un cadre légal.

Ce texte va donc concerner la chasse, mais aussi toutes les activités agricoles qui subissent des actions d’obstruction, d’entrave, de menace ou de violence initiées par des groupes d’activistes anti-chasse, animalistes, végans et autres.

La FNC a toujours souhaité que les peines infligées contre les extrémistes de la cause animale soient beaucoup plus dissuasives que la simple contravention de cinquième classe de 1500 euros maximum, ce qui était le cas pour l’entrave à la chasse.

Maintenant, il est essentiel que la FNC et les organisations agricoles se coordonnent et se mobilisent ensemble auprès des députés de la majorité comme de l’opposition pour que le texte voté au Sénat soit inscrit au plus vite à l’Assemblée nationale, avec le soutien du gouvernement, conformément aux engagements pris par Emmanuelle Wargon et Marc Fesneau lors du vote de la loi biodiversité.

Tout cela est bien écrit, chaque mot est soupesé et chaque paragraphe est littéralement une thèse politique, formulé pédagogiquement. C’est du haut niveau, zéro amateurisme.

Les dernières lignes forment également une allusion à une lettre envoyée par deux membres du gouvernement au rapporteur du projet de loi portant création de l’Office français de la biodiversité avant la réunion de la commission mixte paritaire le 25 juin 2019.

Il s’agit précisément d’Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, et de Marc Fesneau, ministre chargé des relations avec le Parlement.

On lit notamment dans la lettre la chose suivante :

« Le Gouvernement reconnaît que certaines formes d’actions militantes contreviennent au libre exercice d’activités autorisées par la loi et que ce sujet mérite d’être examiné par le Parlement. »

Voici également ce que dit François Bonhomme, rapporteur (Les Républicains) de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, lors du débat au sénat au sujet de la loi :

Ce texte vise à apporter une réponse plus ferme et plus efficace à deux types d’infractions qui ont eu tendance à se multiplier ces dernières années et qui, à certains égards, relèvent d’un phénomène de société : premièrement, les violences, les menaces et les dégradations dirigées contre des boucheries, des abattoirs ou des élevages, en général au nom d’une conception très singulière et exclusive de la cause animale ; deuxièmement, les entraves à la chasse, qui se produisent régulièrement dans nos forêts domaniales.

Ces actions sont le fait de groupes ou d’individus radicaux issus en général de mouvements animalistes, antispécistes ou véganes, apparus voilà une trentaine d’années, mais dont certains modes d’action ont pris une forme violente plus récemment.

Au cours de la seule année 2018, la Confédération française de la boucherie, boucherie-charcuterie, traiteurs a ainsi recensé une cinquantaine d’attaques, sous des formes diverses et variées : vitrines brisées, murs tagués, faux sang répandu dans les boutiques, bouchers ou clients menacés ou insultés.

Certains événements, comme des attaques contre les agriculteurs, ont pu prendre un tour plus dramatique. Je pense en particulier à l’incendie de bâtiments d’élevage, il y a encore dix jours, dans l’Orne, où un jeune exploitant agricole a vu, en pleine nuit, ses trois bâtiments d’élevage détruits par le feu. Cet incendie criminel a été particulièrement traumatisant, ses auteurs ayant également peint sur les bâtiments des inscriptions comme « assassin » ou « camp de la mort ».

Je pense aussi à l’incendie volontaire, voilà un an, d’un l’abattoir dans le département de l’Ain : s’il n’a heureusement pas fait de victimes, cet incendie criminel a mis au chômage technique près de quatre-vingts salariés.

Des entreprises et des permanences de chasseurs ont également été saccagées et des interventions dangereuses pour les cavaliers ayant pour but de perturber des activités cynégétiques se sont produites dans les forêts de Chambord et de Compiègne en particulier.

Au demeurant, est-il nécessaire de réaffirmer ici que la chasse, acquis historique s’il en est, reste un loisir apprécié du plus grand nombre, avec près de 1 million de pratiquants et détenteurs de permis de chasse de notre pays ? (…)

Je rappelle également que, face à la multiplication de ces incidents, le ministre de l’intérieur a demandé aux préfets de région de prendre contact avec les représentants des professions concernées pour des échanges réguliers et pour leur fournir une protection si nécessaire.

Concernant ce dernier point, on a apprend également, de la part de Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur :

Soyez assurés que Christophe Castaner et moi-même sommes pleinement mobilisés sur le sujet. D’ailleurs, la convention signée entre la gendarmerie et la FNSEA continue à se déployer, et la gendarmerie nationale a créé une cellule spécialement consacrée à ce phénomène, afin d’améliorer son action et de mieux travailler en coordination avec les services de renseignement, qui se mobilisent de plus en plus sur ces thématiques.

Il dit également :

Je le répète, mesdames, messieurs les sénateurs, je partage l’objectif qui est le vôtre de contrer ce type d’entrave. J’ai rappelé, dans mon propos liminaire, l’action des services de gendarmerie et de police, mais aussi celle de la justice et des services de renseignement, qui ont été orientés sur ces objectifs, ce qui est nouveau.

Les choses sont claires, il s’agit ici d’une alliance au plus haut niveau et il s’agit d’écraser par compression ce qui tente une rébellion, mais est incapable de se lever à un véritable niveau sérieux, qu’on peut appeler politique.

L’insupportable Esther Benbassa (EELV), le prototype de la personne prônant la décadence des mœurs, l’a tout à fait compris et elle reproche leur stupidité à ceux qui font la loi. Elle sait que cette compression va polariser et que par conséquent un saut qualitatif va se dérouler.

C’est à cela qu’on voit le rôle de gens comme elle : celui de dernier rempart du système. Voici son intervention lors des débats, qui d’ailleurs suscite des réactions pittoresques valant franchement le détour qu’on s’y attarde.

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, « blocus, interruptions de représentation, invasions de terrains, huées… » : tels sont les exemples cités dans l’exposé des motifs du texte soumis à notre examen.

À en croire l’argumentaire de la droite sénatoriale, ces éléments de contestation, aujourd’hui parfaitement légaux, devraient être réprimés sous prétexte que « contrevenir à la loi, ce n’est pas nécessairement faire ce qu’elle interdit ; c’est aussi empêcher ce qu’elle autorise ». En somme, ces moyens d’action seraient davantage « l’expression de convictions que de droits ».

Ne nous leurrons pas : il est proposé ici de brider toutes les pratiques venant témoigner du moindre soupçon de défiance à l’égard de l’ordre établi.

M. François Bonhomme, rapporteur. De l’ordre bourgeois, tant que vous y êtes ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Esther Benbassa. Déjà, au mois de novembre 2018, le groupe CRCE avait demandé par voie de communiqué de presse le retrait de ce texte de l’ordre du jour.

Après la loi gouvernementale répressive venue encadrer le droit à manifester au mois d’avril dernier, c’est cette fois la majorité sénatoriale qui s’attaque à nos libertés fondamentales, par un texte choquant tant sur le fond que sur la forme.

Sur la forme, en nous soumettant cette proposition de loi, Les Républicains se prêtent à un exercice juridique particulièrement curieux. Tout d’abord, ce texte est anticonstitutionnel et sera sans aucun doute retoqué par le Conseil des sages s’il est adopté. Ensuite, il vient dénaturer l’article 431-1 du code pénal, qui sanctionne les entraves à la liberté d’expression. Ce dispositif va donc à contresens du droit positif.

Mes chers collègues, la philosophie liberticide et antidémocratique de ce texte est profondément inquiétante. Nous ne pouvons tolérer les entraves aux mobilisations citoyennes, dont la tradition s’inscrit dans l’histoire de la France et constitue son ADN.

M. Jean Bizet. Et qui fait le mal français !

Mme Esther Benbassa. Pensez aux suffragettes, par exemple.

Comment oublier que nous devons la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen aux révoltes du peuple français contre ses élites ? Comment oublier que les congés payés ont été obtenus par les piquets de grève de 1936 ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Duplomb. Cela n’a rien à voir !

Mme Esther Benbassa. Comment oublier le courage et la persévérance de ces milliers d’étudiants qui ont fait plier le gouvernement Villepin sur le CPE, le contrat première embauche, en 2006 ?

Des écologistes aux étudiants de Nuit debout, en passant par les « gilets jaunes », nombreux sont les exemples de revendications citoyennes ayant nourri la culture politique de notre pays.

M. Jean Bizet. En somme, vive l’anarchie !

Mme Esther Benbassa. Protester, manifester, faire entendre sa voix et ses convictions est une coutume bien française à laquelle nous ne sommes pas près de renoncer.

M. Laurent Duplomb. Hélas !

Mme Esther Benbassa. Vous cherchez aujourd’hui à rendre inconciliables certains droits : le droit de grève et le droit de travailler, le blocus devant un supermarché et le droit de consommer, le droit de manifester des lycéens et leur droit d’étudier, le droit de défendre les animaux et le droit de pratiquer la chasse à courre.

M. Jean Bizet. Ah !

Mme Esther Benbassa. Par votre vision manichéenne du monde, vous scindez la Nation en deux, avec, d’un côté, ceux qui se complaisent dans l’ordre établi, et, de l’autre, ceux qui militent pacifiquement pour le changement.

La plupart des mouvements citoyens ne sont pas mus par la haine, la violence et le rejet de l’autre. Beaucoup usent des moyens d’action collective pour exprimer leur envie d’entrer dans une ère nouvelle, plus sociale et égalitaire, plus respirable et durable.

Les revendications écologistes et féministes sont ces dernières années intrinsèquement liées à la désobéissance civile : faucheurs d’OGM, les ZAD de Notre-Dame-des-Landes et de Bure, les animalistes, les décrocheurs du portrait du président Macron, les grévistes pour le climat, les militantes protestant contre les féminicides…

Ce que vous souhaitez, somme toute, c’est une uniformisation de la société. Vous désirez une France où chacun pense de la même manière et, de préférence, comme vous.

Au risque de vous décevoir, tant qu’une opposition parlementaire comme la nôtre existera, tant qu’une jeunesse sera prête à se lever pour ses idées, tant qu’une gauche sociale et écologique s’exprimera dans ce pays, vous ne parviendrez probablement pas à vos fins et vos tentatives de nous museler seront vaines.

M. François Bonhomme, rapporteur. Nous voilà rassurés ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean Bizet. C’est surréaliste !

Mme Esther Benbassa. Mes chers collègues, ce texte a été rejeté en commission. Nous espérons donc qu’une majorité agira de la même manière en séance. (M. le rapporteur s’exclame.)

Par ailleurs, monsieur Bonhomme, merci de me laisser parler ! Pour ma part, je ne vous ai pas interrompu. C’est une entrave à ma liberté d’expression ! (Sourires.)

Esther Benbassa a la trouille : tout son fond de commerce anarchiste va tomber à l’eau, tout cela parce que les réactionnaires vont provoquer, par leur refus de lâcher du lest, un saut dans la conscience et dans l’organisation de la libération animale.

La sénatrice Cécile Cukierman pense de même. Elle est du PCF, dans sa version 2019 plus que 1919, pour résumer au mieux ses larmes devant le risque d’une vraie contestation à l’avenir…

Mme Cécile Cukierman. Sans surprise, ma collègue Esther Benbassa l’a dit en discussion générale, nous ne voterons pas cet amendement et, de fait, cette proposition de loi.

Certes, la majorité sénatoriale a justifié un recentrage de ce texte, mais nous savons tous que seuls les écrits restent. Or la proposition de loi, telle qu’elle est rédigée, permet d’autres interprétations que les seuls faits que vous entendez, dans vos interventions, vouloir réprimer. (…)

Oui, notre société est de plus en plus violente. Malheureusement, monsieur le secrétaire d’État, même si votre gouvernement n’est pas le seul responsable, le sentiment de ne pas être entendus collectivement pousse de plus en plus de nos concitoyens à commettre des actes violents, en tout cas sensationnels, et à les partager massivement sur les réseaux sociaux, ce qui nous pose de nouveaux soucis.

S’engager et défendre une cause, ce n’est pas non plus : « Je te tiens, tu me tiens, par la barbichette… ». Heureusement que certains se sont introduits dans des usines pour organiser des bals sans rien détruire pour obtenir les congés payés dans notre pays ! (Protestations sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Jean Bizet. Ça suffit avec les congés payés !

Mme Cécile Cukierman. Heureusement que des agriculteurs s’introduisent parfois dans des supermarchés pour dénoncer des accords comme le CETA, sans forcément dégrader le supermarché en question.

M. Jean Bizet. Ils ne cassent rien !

Mme Cécile Cukierman. Il existe des rapports de force. C’est pourquoi nous ne voterons pas ce texte tel qu’il est rédigé, car il va sanctionner tout le monde. Nous avons été amenés les uns et les autres à condamner des actes de violence, mais nous ne partageons pas les moyens choisis pour porter ce message politique.

Je fais partie de ceux qui ont condamné l’incendie de l’abattoir de l’Ain,…

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Cécile Cukierman. … les exactions contre le siège de la fédération des chasseurs de l’Ardèche cet été, etc. Ne mélangeons pas les débats et évitons d’interdire demain la possibilité de toute expression dans notre pays !

Pour résumer : une partie des dominants pense qu’il faut écraser toute idée, une autre partie qu’il faut laisser parler autant que possible les idées n’amenant à rien car ou bien réformiste sur mille ans ou bien totalement velléitaire.

C’est dire si la loi sur l’entrave, dans sa version modifiée, révèle un véritable problème de fond, celui de la question animale. Et ce n’est qu’un début.

La révolte contre la Nature : PMA, GPA, l’eugénisme en ligne de mire

Nous avons déjà parlé à de nombreuses reprises de la PMA et de la GPA, un thème véritablement fondamental pour qui défend les animaux.

A l’arrière-plan en effet, il y a la question de la Nature. Jusqu’à présent, à ce niveau, la situation était littéralement catastrophique en France. La grande majorité des gens voyaient la Nature comme une sorte de monstre chaotique et multiforme, où tout le monde affronte tout le monde. La Nature serait cruauté et meurtre, l’humanité commençant heureusement à échapper à cela en sortant de tout cela par la « culture ».

Une autre partie de la population, importante mais moins nombreuse, admettait le principe de la nature mais en neutralisant le concept, en considérant que c’était Dieu qui l’avait créé.

Pour prendre un exemple très concret, il y a la situation d’un certain nombre de chats dans notre pays. Ils sont particulièrement respectés dans la culture islamique et pour cette raison, il y a beaucoup de gens – leur nombre n’est pas quantifiable, mais c’est un phénomène existant ,-, qui, parce qu’ils sont musulmans, se préoccupent des chats. Ils les nourrissent, les protègent, etc.

C’est le bon côté de la religion, qui admet l’existence de la Nature, d’une certaine sensibilité. Cependant, le souci est que la Nature est comprise de manière mystique. Le résultat est que les chats ont le droit d’aller où ils veulent et que toute stérilisation est strictement rejetée. Il s’ensuit une situation catastrophique au niveau de la reproduction exponentielle, sans parler de l’impact des chats sur les autres animaux sauvages, des dangers pour les chats eux-mêmes, etc.

Cela ajoute à la situation absolument dramatique des chats sauvages dans notre pays. A ce niveau la crise est gigantesque et il est effroyable que cela se déroule dans un silence total. On en revient toujours à la question : pourquoi les gens liés au véganisme ne s’impliquent-ils pas dans les refuges (avec discipline et en se soumettant aux règles) ?

En tout cas, donc jusqu’à il y a peu de temps, très peu de monde admettait l’existence de la Nature, ce qui est un comble dans le pays à l’origine du mouvement des Lumières. Les penseurs des Lumières s’appuient en effet sur le principe de nature, qu’ils voient comme bon par définition. Il y a également d’autres auteurs qui pensent ainsi bien entendu, comme Aristote, Spinoza ou Kant.

Et pourtant qui parle de Nature s’est vu jusqu’à présent systématiquement accusé de mysticisme ! La grande accusation vers La Terre d’abord est de relever du « naturalisme ».

La situation est en train de connaître un renversement, inéluctable et irrémédiable. Le gouvernement compte en effet légaliser la PMA et on voit déjà la GPA en ligne de mire. Cela a provoqué une onde de choc.

La question de l’ordre naturel, du rapport de l’humanité à la Nature, se pose dans toute sa splendeur. Ce n’est qu’un début. L’humanité va se plier au bout d’un processus difficile de remise en cause totale de l’anthropocentrisme, adoptant le mot d’ordre de défense de notre mère la Terre.

Et une mère ne peut se défendre que si l’on admet le concept de mère. La PMA et la GPA comptent abolir ce principe, au profit de celui de « parent ».

Les catholiques ont mobilisé en priorité, mais déjà chez les gens non religieux il commence à y avoir un certain remue-ménage.

La vraie question de fond qui a provoqué le bouleversement en cours n’est d’ailleurs paradoxalement ni la PMA, ni la GPA. C’est l’eugénisme qui est la clef du véritable traumatisme dans une partie de la société française.

La France compte en effet beaucoup de gens éduqués et le thème de l’eugénisme est bien connu. Il y a une très grande méfiance démocratique à ce sujet et pratiquement aucune fascination à ce niveau, au contraire de pays comme l’Allemagne ou les États-Unis. Cela est bien connu en France, c’est un thème largement étudié.

Or, beaucoup de monde a compris la chose suivante. Si la PMA passe, alors on va se précipiter dans un piège, celui des choix génétiques. Les entreprises vont proposer des enfants « à la carte » et il en ira de même pour la GPA.

La conséquence va être que les enfants naissant « normalement » vont avoir moins de valeur aux yeux des gens que des enfants dont on a pu « pré-sélectionner » de nombreuses choses, et de plus en plus de choses avec les moyens technologiques toujours plus perfectionnés.

La procréation assistée génétiquement va donc prendre le dessus. C’est une tendance inéluctable si l’on admet la PMA, la GPA. Les médecins l’ont tout de suite compris. Voici comment « le manifeste des médecins » dit déjà cela en 2017.

Nous voulons rappeler le rôle de la Médecine

Suite à la tribune parue le 17 mars 2016, dans le journal Le Monde, signée par 130 médecins et biologistes [2000 désormais – NDLR], intitulée «Nous médecins avons aidé les couples homosexuels à avoir un enfant même si la loi l’interdit», suite aux récentes déclarations du Pr René Frydman qui demande la PMA pour toutes les femmes (janvier 2017) ;

Nous, médecins, impliqués dans la vie quotidienne de nos concitoyens voulons par ce manifeste rappeler quels sont les rôles, les limites et les exigences de notre profession.

Les tentations sont grandes pour les pouvoirs publics et les usagers de s’approprier les techniques bio-médicales à des fins partisanes. Nous mettons en garde contre ces tentations.

Nous rappelons que :

1) La Médecine est avant tout un art au service des malades. Les deux principaux buts de la Médecine sont prévenir les maladies et soigner les malades.

2) La première devise du médecin est : « Primum non nocere », « Premièrement, ne pas nuire ».

3) Il n’appartient pas au médecin de juger de la vie. Même s’il doit accompagner les couples stériles en désir d’enfant, le médecin n’a pas tous les droits pour faire surgir la vie.

4) Le médecin ne doit pas être au service d’une idéologie quelle qu’elle soit. La sélection des races, l’eugénisme, le dopage, les expériences sur l’homme, la « fabrication » d’enfants en dehors de la complémentarité homme-femme sont étrangers aux buts de la Médecine.

5) Il revient au Conseil de l’Ordre des Médecins, expression de notre profession, de faire respecter les règles de la déontologie médicale.

6) Le médecin est soumis à la loi en tant que citoyen. L’État quant à lui ne doit pas sortir de son rôle en demandant au médecin d’accomplir des actes techniques contraires à l’éthique médicale.

La « fabrication d’enfants » est compris comme la grande menace, au-delà même de la PMA et de la GPA comme principes.

Voici un autre extrait, tiré d’un très intéressant texte du député Joachim Son-Forget, qui a été adopté et raconte son parcours, mais également son point de vue de médecin. C’est assez étonnant car ce député a été très connu médiatiquement pour ses messages sur Twitter qu’on peut qualifier de totalement délirant, a minima.

Mais le type est également un joueur de clavecin, un féru de la culture kosovare (une région du monde très troublée de par son rapport historique avec la Serbie), un radiologue, un docteur en neurosciences…

Dans la revue ultra-conservatrice Valeurs actuelles (voire carrément de la droite extrême désormais, ou même l’extrême-droite), il écrit la chose suivante sur cette question de l’eugénisme :

« J’ai bien réfléchi avant de savoir si j’allais être un pro ou un anti-procréation médicalement assisté (PMA).

J’ai décidé de ne pas m’attarder sur l’intérêt de parents égoïstes, intention incarnée par la formule de « projet parental ». Dans les couloirs du palais Bourbon, on m’opposa même « mais enfin qu’as-tu contre les gens qui s’aiment ? ». Comme si le critère absolu de bonheur pour un enfant était d’avoir été désiré, d’avoir déjà reçu des likes avant même d’avoir existé.

Je me suis demandé qui serait finalement la victime : l’enfant né de PMA et ses questions existentielles ou celui issu de la méthode habituelle et son incompréhension de ne pas bénéficier des dernières avancées biotechnologiques et de ne pas faire partie de l’humanité augmentée qui se sera un peu « libérée » du joug du hasard.

Comme l’a avoué l’air de rien la ministre de la Santé pendant le débat, l’enfant né d’un don a une chance supplémentaire de ne pas être malade.

Dans une surenchère mondiale où la PMA deviendrait la norme, cela deviendra d’abord le privilège des plus riches et des plus puissants, puis des classes moyennes supérieures voulant les imiter, puis les Gilets Jaunes du moment demanderont aussi à pouvoir avoir des enfants parfaits.

Qui préférerait le cancer précoce qui vous tombe dessus à 50 ans ou la chorée de Huntington qui anéantit soudainement votre système nerveux à l’âge adulte ? (…)

La beauté de l’aléa existait encore avec la fécondation in vitro. Avec la PMA, fini.

Le diagnostic préimplantatoire actuel n’est que l’avatar d’un eugénisme plus grave encore, qui au début du 20ème siècle, en Suède, en Suisse, au Japon, au Canada, au Danemark, en Allemagne, aux États-Unis, faisait stériliser des handicapés mentaux.

Adolf Hitler a tenté de mettre en œuvre cette folie. Julian Huxley, (frère d’Aldous – auteur du Meilleur des Mondes), alors futur 1er directeur de l’UNESCO, la pensait et la revendiquait encore en 1941 quand les exactions des nazis étaient déjà connues. « L’eugénique deviendra inévitablement une partie intégrante de la religion de l’avenir. »

La France faisait partie des rares pays épargnés par le choix sur catalogue des caractéristiques sociales et phénotypiques du donneur.

Cela me rappelle cette 1ère photo de moi toujours bébé orphelin, parvenue à un foyer français, et qui mena à un refus et à une réattribution à une autre famille. Trop joufflu, trop de cheveux, et les plaques rouges d’un eczéma qui m’a enquiquiné toute ma vie jusqu’alors. (…)

Dire oui à la PMA, « et bien sûr non à la GPA » est une illusion. La GPA n’est que le cadet de nos soucis. Nous sommes déjà dans une autre ère.

Notre présent, ce sont les reproductions à 3 génomes (celui des parents et l’ADN mitochondrial d’un donneur, réalisé par des chercheurs aux USA en 2016), et les gamètes artificiels issus de cellules souches permettant de donner naissance à des modèles animaux de souris.

Dans notre futur proche, nous n’échapperons pas non plus à la recherche des allèles dangereux, sous prétexte d’éviter à des demi-frères et sœurs qui s’ignorent de s’accoupler.

Ainsi, demain la victime pourrait être l’enfant « naturel », regardé comme un être inférieur par les autres, et reprochant à ses parents de l’avoir fait naître avec un handicap dans la vie : celui de l’aléa, celui des tares qui n’auront pas été prévenues par ses parents. »

Voilà la véritable question de fond à l’arrière-plan de la PMA et de la GPA. On ne se sortira de cette gigantesque problématique qu’à condition de reconnaître la Nature et de se plier à sa propre dynamique, sa propre évolution, en se mettant à son service.

C’est à l’humanité de servir la Nature, et non pas le contraire. Telle doit être la seule identité future de l’humanité unifiée : au service de Gaïa.