Rassemblement parisien contre le projet d’aéroport à Notre-Dame des Landes

Samedi dernier, entre 2000 et 3000 personnes étaient rassemblées à Paris pour protester contre le projet d’aéroport à Notre-Dame des Landes. Un aboutissement d’un parcours à vélo depuis Notre-Dame des Landes, en passant par Candé, Sablé, Le Mans, Nogent le Rotrou, Chartres, Saclay et Arcueil. Il y a également eu finalement des tracteurs, malgré l’interdiction de la préfecture.

C’est là très positif, enfin en France des questions de Nature se posent.

Ou peut-être pas tant que cela. Difficile pourtant de parler de succès réel. En effet, depuis quelques temps la question de l’aéroport est devenue un symbole pour l’identité d’une gauche pseudo écolo d’un côté, pour une gauche anarchiste anti-autoritaire de l’autre.

L’aéroport est un symbole de croissance déraisonnée, ou bien d’un dispositif industriel de domination, d’encadrement, etc. Mais on a jamais de revendication de défense de la Nature…

Lors du rassemblement, on avait donc droit à des gens tout ce qu’il y a de plus institutionnel dans la « lutte » écologiste: Cécile Duflot, Corine Lepage, Philippe Poutou… et même José Bové, qui pouvait lancer un :

« Je suis prêt à venir faire rempart pour me mettre en travers de la route des bulldozers »

Qui rappelle qu’en France, on est dans la rodomontade, dans le discours haut et fort, mais pas dans l’écologie radicale. Un slogan comme:

« Oui aux moutons, non aux avions »

montre qu’on est très loin du véganisme; les photos d’animaux utilisés comme argument dans le rassemblement, des animaux exploités, sont une preuve que la question de l’aéroport à Notre-Dame des Landes est pratiquement vue comme une défense du terroir, pas comme une question à l’échelle mondiale. Il n’y a pas de défense de la Nature en soi. Pas d’écologie radicale. On est loin du compte par rapport aux problèmes posés; il n’y a pas de rupture avec le modèle dominant français.

Voici le texte d’un discours lu par des occupants de la ZAD à l’arrivée du rassemblement; on notera que le 19 novembre aura lieu là-bas une balade champêtre. Suivent des photos du rassemblement.

Voici le texte d’un discours lu par des occupant-e-s de la ZAD lors de l’arrivée de la Tracto-Vélo à Paris. S’il a été travaillé collectivement, il ne représente pas pour autant LA position de la ZAD.

Plus de 2 ans maintenant que des gens s’installent illégalement sur les terres reservées au projet d’aéroport de Notre Dame des landes, en réponse à un appel à occuper : « contre l’aéroport, venez-vivre ici ».

Occuper les terres laissées à l’abandon par les porteurs du projet pour ne pas les laisser vider la zone ; occuper pour densifier la lutte, pour créer des liens entre nous, comme avec les autres habitant-e-s et opposant-e-s, des liens de solidarité, d’entraide, de camaraderie ; occuper pour se sentir plus fort-e-s ensemble. Occuper pour être présent-e-s sur le terrain et pour s’opposer physiquement aux travaux, pour leur faire perdre tant de temps et d’argent qu ils comprennent enfin et abandonnent leur projet.

Alors voilà, après des mois à surprendre un géomètre par ci, un soi-disant defenseur de l’environnement par là, tous en train d’apporter leur modeste contribution au projet d’aéroport, on est passés à une nouvelle phase. Aéroport Grand Ouest et leurs amis ont commencé les fouilles archéologiques sur le tracé de la quatre voie prévue pour desservir l’aéroport. « études préliminaires » qu’y disent.

Sauf que concrêtement, c’est le début des saccages de parcelles. C’est toute cette zone qui devient un endroit où il est normal de croiser, chaque jour, des pelleteuses et autres bulldozers, en train de tout bousiller. C’est aussi l’occupation militaire qui devient quotidienne. Et nous on est là, à voir passer tous les jours devant nos fenêtres des cars et des cars de flics, de les voir encercler nos maisons pour un oui ou un non. C’est qu’ils ne doivent pas se sentir tant que ça en territoire conquis finalement.

On reste avec l’envie de s’organiser pour contrer leurs dispositifs destructeurs. Avec l’envie d’essayer d’arrêter les travaux, au moins pour quelques heures. Avec ce sentiment que c’est difficile de trouver de la prise en face de leur logique de mort. Mais aussi avec la rage qui nous pousse à toujours trouver d’autres idées, d’autres moyens, d’autres tactiques.

Mais on les dérange un peu… Comme tous les autres habitant-e-s. Parce qu’avant d’avoir un chantier géant, ils veulent d’abord un désert. Alors ils travaillent à vider la zone, à essayer de convaincre les propriétaires de vendre, à signifier aux locataires qu’il serait de bon ton qu’ils commencent à préparer leurs cartons. 10 maisons squattées ont deja été emmenées au tribunal par Aéroport Grand Ouest pour demander leurs expulsions, et au pas de course s’il vous plait. Verdict : les premiers lieux menacés auront à se mefier dès décembre de cette année. D’autres auront jusque décembre 2012 pour monter les barricades.

Bien sûr, Vinci et compagnie préparent leur coup, et les journaux se font les relais de leur propagande anti-squat : on nous decrit comme de dangeureux agitateurs, pillant et saccageant tout sur leur passage et sans liens aucun avec les autres acteurs de la lutte. Sous-entendu : ça serait quand même bien de les expulser au plus vite, et avec violences policières en bonus si possible.

On a pas vraiment l’intention de se laisser faire. Mais il y a des chances qu’ils soient plus nombreux que nous et qu’ils finissent par nous expulser. Alors on a déjà prévu de revenir. En d’autres termes : si ils nous explusent, on reviendra ! Le quatrième samedi après les expulsions, on vous invite donc à une grande manif de réoccupation, pour aller reconstruire des espaces de lutte avec nous. A surveiller sur notre site Internet.

À Notre-Dame, ce n’est pas seulement un aéroport que l’on combat. C’est tout un monde qui va avec.

Le projet d’aéroport n’est qu’une pièce de la métropole Nantes-Saint Nazaire. Dedans, il faut compter aussi l’agrandissement du port de Saint Nazaire, l’autoroute des mers qui permet de déplacer les marchandises, poids lourds inclus, l’élargissement de la voie express Nantes-Saint Nazaire, la deuxième ceinture périphérique de Nantes et autres infrastructures de transport. Tout ça pour la fameuse « plate-forme économique grand-ouest », pensée pour être compétitive à l’échelle internationale.

La logique qui se cache derrière est simple : à chaque espace une fonction avec un objectif, la rentabilité. Zone aéroportuaire, zones commerciales, zones industrielles : tous ces espaces dédiés à la production, au transport et à l’écoulement des marchandises.

Même logique à l’œuvre au cœur des villes. L’espace est organisé malgré nous, à une échelle insaisissable, encore dans une logique de contrôle et de rentabilité. A chaque zone est attribuée une fonction unique correspondant à chaque activité homologuée de l’individu homologué : ici on dort, là on mange, ailleurs on travaille, plus loin on fait la fête ou on se promène dans des forêts urbaines aménagées pour nos loisirs verts.

« La métropole » est l’ensemble cohérent de ces espaces. Cohérent jusqu’a la nausée et invivable par celles et ceux qui l’habitent. Nous voilà bien rangés, à la place qu’on nous a attribués. C’est toujours cette logique de cloisonnement, où les gens se retrouvent isolés. Mais il paraît qu’il le faut bien. Puisque la métropole Nantes-Saint Nazaire permettrait d’attirer toujours plus d’investisteurs, toujours plus de capitaux, toujours plus de fric pour arriver au but ultime : toujours plus de profit. Le profit pour le profit. Le profit pour ceux qui en ont déjà plein les poches. Le profit pour continuer à faire marcher un monde qui ne va nulle part. Voilà à quoi ils voudraient qu’on se résigne.

Avec l’aéroport, on combat aussi tous ceux qui se cachent derrière. Le constructeur concessionnaire Vinci, partenaire privé privilégié de tous les nouveaux projets qui innondent nos espaces de vie.

Mais aussi nos élites, qu’elles soient élues ou pas. Elles décident de ce qui va être ici et là, sans jamais se soucier de ce qui existe, de ce qui se vit, de ce qui se choisit par ceux qui subissent leurs projets. Ce qui leur importe, c’est que l’ensemble soit efficace, rentable. On ne lutte pas contre un projet particulier, contre un aéroport qui serait « absurde » ou « inutile ». Là n’est pas la question. Pour leur monde, cet aéroport est sûrement utile. Nous, on porte ce non comme on pourrait en porter bien d’autres.

Parce que l’aéroport c’est d’abord une oligarchie qui décide d’imposer un sens, son sens à un territoire du haut de son expertise supposée indiscutable. Assis confortablement dans leur bureau, en regardant les cartes, les prévisions, les statistiques, ils spéculent sur « l’avenir » – ce truc là qu’on ne peut pas refuser sans etre archaïque. Ils viennent nous l’expliquer quand ils estiment que ça nous concerne ou qu’il va falloir nous déménager : « et si vous êtes contre, ça doit être que vous avez pas bien compris, alors on va vous ré-expliquer ».

Voilà le fonctionnement normal de ce monde qui nous dépossède de tout pouvoir sur nos vies en nous laissant, désarmés et seuls devant le fait accompli de ce meilleur des mondes qu’on nous a construit malgré nous. « L’aéroport, de toute façons ça va se faire ! » qu’illes disent.

Et ils trouvent toujours un beau vernis pour nous faire avaler la pilule, pour rendre leurs projets plus « acceptables ». La démocratie devient participative : « Venez tous donner votre avis mais ne vous attendez pas à ce qu’on en tienne compte ». Le développement devient durable. Certains projettent un aéroport Haut Qualité Environnementale quand d’autres proposent de renforcer des lignes à grande vitesse. Mais on ne veut pas de solutions, fussent-elles alternatives aux problèmes qu’ils ont eux mêmes définis. L’aéroport n’est pas un problème auquel il faudrait trouver une alternative technique. C’est une question de choix de société.

Nous voulons nous réapproprier l’espace, l’habiter, y tisser des liens et s’y organiser pour briser l’isolement. Nous voulons agir, avec toutes celles qui veulent partager l’aventure, pour que nos vies nous appartiennent vraiment.

C’est pourquoi il nous importe de résister à ceux qui aménagent nos vies bien plus que de leur adresser des doléances sur telle ou telle décision particulière qu’on ne partagerait pas. Nous n’avons rien à négocier avec ceux qui nous construisent ce monde de merde. Nous ne voulons pas déleguer notre opposition. Nous voulons prendre les décisions qui concernent nos vies.

Eux, ils parlent d’aménagement, de politique de la ville, de territorialisation, de développement économique (mais durable de préférence) ; Nous, on parle d’autodétermination, de liens de solidarité, d’organisation collective, de luttes.

La lutte nous appartient et c’est à chacun-e de l’investir, avec les moyens qui lui sont propres. Nous tentons de construire ici des solidarités, des confiances, de la puissance collective, des moyens d’action. Nous apprenons à nous connaître, avec tou-te-s celles et ceux qui partagent cette lutte, et à agir ensemble. Parce que nous pensons que seule une résistance forte peut faire plier les décideurs, et que c’est de notre détermination à tout-e-s que depend l’avenir de la lutte.

Solidarité avec les gens qui luttent contre ce monde de merde ici et ailleurs.

Et comme disaient des camarades en lutte il y a quelques temps « On les aura. Peut-être pas aujourd’hui, peut-être pas demain mais on les aura ! »