« L’imposteur, c’est lui »

Aujourd’hui, les représentants de 200 pays réunis à Durban (Afrique du Sud) sont censés avoir passé une nuit pratiquement blanche pour arriver à une base commune contre le réchauffement climatique.

Étant donné que le Canada, les États-Unis et le Japon, mais aussi la Chine, sont contre tout accord contraignant à moyen terme, voire contre tout accord du tout, il n’est pas difficile de deviner le résultat.

Nous allons parler de cela dès que le texte final aura été mis en place, mais en attendant parlons de l’ouvrage « L’imposteur, c’est lui. »

Claude Allègre est la plus connue des figures médiatiques « climato-sceptiques » ; il explique de long en large que le réchauffement climatique existe mais qu’il n’est pas le produit des activités humaines, que la température de la planète remonte, redescend, etc. tout cela par cycles, etc.

Pour résumer, pour Allègre, c’est perdre son temps que de s’occuper du réchauffement climatique, il s’agit d’une escroquerie organisée par une « minorité agissante » etc.

L’ouvrage d’Allègre sorti en 2010 , « L’imposture climatique », a été énormément critiqué, en raison des erreurs factuelles, de noms mal orthographiés de scientifiques parfois d’ailleurs fantaisistes, de graphiques erronés, etc.

Voici deux exemples, tirés d’un article du quotidien Le Monde à ce moment-là :

 P. 78 L’auteur fait état de travaux montrant qu’il y a 125 000 ans, il faisait « 6 °C de plus qu’aujourd’hui, et le CO2 de l’atmosphère était moins abondant ». La référence donnée est celle des travaux de « Sine » et de ses collaborateurs, prétendument publiés dans Science en novembre 2007. Cette publication n’existe pas dans les archives de Science.

P. 68 « Au total, l’Antarctique ne semble pas fondre. En tout cas, ce n’est pas perceptible. » La réduction des glaces de l’Antarctique n’est pas due à une fonte mais au glissement des glaciers dans la mer. Elle est très perceptible. Grâce aux données satellitaires, les travaux d’Isabella Velicogna (université de Californie à Irvine, JPL) ont montré qu’entre 2002 et 2006, l’Antarctique a perdu, en moyenne, 104 milliards de tonnes (Gt) de glace par an. Entre 2006 et 2009, ce taux est passé à 246 Gt par an. Les pertes de glaces du Groenland et de l’Antarctique sont l’une des principales causes de l’augmentation du niveau marin.

Sylvestre Huet a alors publié un livre intitulé « L’imposteur, c’est lui », en réponse à l’ouvrage d’Allègre. Il se donne une image d’opposant à Allègre, ce qu’il est dans une certaine mesure, mais pour autant il n’est pas du tout écologiste.

C’est là le problème et c’est quelque chose dont il faut avoir conscience. L’ouvrage étant relativement connu, voici une petite présentation du problème de fond, afin de s’en méfier comme il se doit.

Sylvestre Huet est en effet journaliste à Libération, auteur à côté du blog de Libération sciences². S’il critique Allègre, c’est surtout pour calmer le jeu, pour nier l’existence des climato-sceptiques et faire croire qu’il n’y aurait qu’une seule option : celle des « responsables », des universitaires qui seraient en très grande majorité intègres, etc.

En critiquant Allègre, il tente surtout d’empêcher une prise de conscience complète du phénomène du réchauffement climatique. Certains propos sont très révélateurs, comme :

« Ce danger n’a rien à voir avec les slogans bêtifiant du type « sauvons la planète » ou « la survie de l’espèce humaine. »

Il s’agit de variations brutales et fortes des moyennes et des extrêmes climatiques qui se traduiront en défis redoutables pour l’agriculture, la gestion des ressources naturelles (pêches, forêts), celle des côtes et basses plaines menacées par les eaux montantes, le déplacement forcé de dizaines de millions de personnes, la protection contre les événements météo extrêmes…

Il ne s’agit là que de quelques exemples de la vaste et rapide transformation géographique que signifierait un changement climatique dépassant ce seuil.

L’essentiel du danger provenant d’ailleurs de la rapidité du changement plus que du point d’arrivée, c’est l’instabilité qui coûte et menace les capacités d’adaptation et d’anticipation des sociétés. »

Comme on le voit ici, pas un mot pour les espèces qui disparaissent, pas un mot pour la destruction des zones de vie des animaux, pas un mot sur les végétaux anéantis… La planète n’est considérée ici que sous un seul angle : celui des ressources.

On a ici un point de vue traditionnellement industriel, nullement écologiste. Et le livre en lui-même vise à mettre Allègre de côté afin de masquer cette question brûlante. A lire Sylvestre Huet, le problème ne consiste qu’en une prise de conscience de la gestion humaine de ses activités… pas plus !

C’est bien là le problème de la question du réchauffement climatique. Les climato-sceptiques pourrissent le débat (en France notamment et surtout), mais il n’y a pas qu’eux : il y a ceux qui refusent de reconnaître Gaïa et posent seulement le problème en terme de gestion !