« La défaite d’Eva Joly, un électrochoc nécessaire pour l’écologie politique ? »

Parmi les articles que nous trouvons nous-mêmes peu fascinants (pour ainsi dire), il y a ceux sur Europe Ecologie – les Verts. Malheureusement, c’est un « sale boulot » qu’il nous est nécessaire de faire. Au départ, car nous pensions qu’EELV serait une force politique d’importance, puis relativement vite justement pour la raison inverse. EELV ne va pas durer longtemps… Et comme demain il y aura nécessairement un mouvement écologiste global dans la société, il faut savoir se repérer.

Voici justement un article d’un « écologiste » se préparant à l’échec d’EELV. C’est à ce titre que nous le republions ici (il a été publié initialement sur le site du Nouvel Observateur). Il a été écrit par Daniel Martin, membre des Verts à leur fondation en 1982, puis membre du « Mouvement écologiste indépendant » de Waechter, qui par ailleurs soutien Eva Joly.

Ici Daniel Martin tente de se dédouaner de cette position de soutien, mais non pas au nom de Gaïa: justement, au contraire, au nom de l’écologie « soft » qui va être torpillée par Eva Joly. Nous qui voulons une écologie radicale, il y a là quelque chose dont il faut avoir conscience! Et il est important de connaître les arguments catastrophistes et purement anthropocentristes qui sont ici mis en avant.

Avec les élections présidentielles, l’écologie dans sa définition EELV va s’intégrer définitivement dans les institutions. Restera une perspective claire, évidente quand on est réaliste: la bataille pour Gaïa!

La défaite d’Eva Joly, un électrochoc nécessaire pour l’écologie politique ?

Je n’ai pas une âme guerrière. Contrairement à Gabriel et Daniel Cohn-Bendit, je n’ai cessé de dénoncer l’intervention militaire en Libye et je ne tiens pas à partir en guerre contre qui que ce soit et a fortiori les Verts, avec lesquels je partage toutefois, du moins je l’espère, un minimum de constats sur la gravité de la crise écologique.

Il faut se rendre à l’évidence : face à une situation géologique radicalement nouvelle dans l’histoire de l’humanité, aucune ligne politique classique de droite comme de gauche n’est capable de proposer un modèle d’adaptation à la gravité de la crise écologique et à la décroissance démographique qu’elle entraînera. Au niveau de l’échiquier politique actuel, poser le problème de la démographie et évoquer l’après-croissance, ou le mot-même de décroissance, est encore très largement tabou, car peu porteur électoralement – y compris chez les Verts.

Pourtant, qu’on le veuille ou non, le pétrole, qui représente actuellement plus de 30% de l’énergie primaire consommée mondialement, touche à sa fin, tout comme de très nombreuses autres ressources fossiles, dont l’uranium. Les gaz à effet de serre (GES), excessivement et négligemment largués dans l’atmosphère, vont réchauffer et affecter le climat pendant de nombreux siècles et millénaires. En cause, le mépris des contingences de base du cycle d’épuration des GES, ce dont l’humanité ne peut pourtant s’affranchir.

Le problème majeur qui rend désormais impossible la croissance, fût-elle teintée de vert, c’est l’augmentation de la population mondiale, qui a quasiment doublé depuis 1970 (3,7 milliards à 7 milliards aujourd’hui) et progresse de 1,5 million d’habitants par semaine. Il est incontestable que la poursuite de la croissance démographique, si elle continuait au rythme d’un milliard d’habitants tous les douze ans, comme pour la période 1999-2011 (alors qu’il aura fallu des millénaires pour atteindre le premier milliard), conduirait à l’effondrement de toute vie hautement organisée sur terre.

Parallèlement, à l’échelle du globe, la perte des terres arables est estimée à environ 70.000 à 150.000 kilomètres carrés par an. Autrement dit, entre 1970 et 2010, c’est entre 2,8 millions et 6 millions de kilomètres carrés. À titre de comparaison, la superficie des 27 pays de l’Union européenne est de 4 millions de kilomètres carrés.

La situation est aggravée par l’escroquerie des agrocarburants, abusivement dénommés « biocarburants », qui confisquent des millions d’hectares à la culture des céréales destinées à l’alimentation. Il faut aussi compter avec le phénomène spéculatif auxquels ils participent, alors que la demande solvable en céréales ne cesse d’augmenter.

En France, pour les écologistes, l’élection présidentielle ne peut que servir de tribune pour participer à une dynamique politique et porter haut et fort le message sur la gravité de la crise écologique, ses conséquences à terme et les pistes d’action à suggérer, si nous voulons qu’à l’horizon 2050 nos petits enfants puissent encore nous dire merci…

Mais, pour être écouté, et a fortiori peser dans les décisions, encore faut-il un rapport de force politique qui le permette. Or, après l’espoir de 2009-2010, je suis d’accord avec Gabriel Cohn-Bendit lorsqu’il affirme, parlant des Verts, que « certains ont saboté l’espoir né des élections européennes de 2009 de voir se constituer en France une force politique écologique capable de jouer dans la cour des grands, tout ça dans l’unique but de sauvegarder le pouvoir d’un mini-appareil politique ».

Entre la perspective d’un plat de lentilles obtenu par EELV auprès du PS pour les législatives de 2012, quelques promesses de strapontins ministériels en cas de victoire d’Hollande – et ce en échange d’un accord qui jette aux orties les fondamentaux des écologistes –, et la campagne décousue d’Eva Joly, qui fait l’impasse sur l’écologie, je partage avec regret le sentiment de tous les écologistes qui pensent que seul un échec de cette stratégie électoraliste permettrait de créer l’électrochoc du renouveau de l’écologie politique.