Hier nous parlions des « bouchers bohèmes » à l’occasion d’une libération ratée de lapin, regardons en France ce qu’il en est, puisqu’on a droit à une « personnalité » connue jusque outre-atlantique pour son « romantisme boucher. »
En France, la mode barbare du « boucher bohème » est en effet promue par Yves-Marie Le Bourdonnec, qui organise les soirées « Ce soir, I love bidoche! », présentées ainsi :
« Ce soir, I love bidoche! Et les autres soirs aussi d’ailleurs. Pas tant que ça en fait mais celle d’Yves-Marie le Bourdonnec si. Le boucher bohême d’Asnières lance le mouvement pro steack avec ses potes new yorkais, les neo butchers, convertis à la french barbaque. Ces anciens traders américains ont appellé notre boucher national pour se former au métier et ce soir ils viennent manger un bout de beef à la Maison de l’Aubrac. Ils vont pouvoir tâter de la Limou. A côté leur Angus, c’est du mou! Tonight, show case carné et ça va saigner!
Contre le végétarisme de Jonathan Safran Foer, pour la réduction du pets des vaches, pour le rôti et son yorkshire, pour repousser la bavette en barquette, avec nos Brunon, Valette et autres Yves Marie, lovons nous dans la bidoche, aimons nous les uns sur les côtes des autres. »
Dans le « documentaire » Global Steak (2010), le « boucher bohème » se met en scène, tenant un discours faisant l’éloge d’une viande de qualité, locale… et par la même occasion de son business.
Ici, les animaux sont avant tout vu comme des futurs produits : les vaches présentées à un salon de l’agriculture sont qualifiées de « tréteau », d’ « usines à lait ». Plus tard dans le film, une infographie les décrit comme des « machines à protéines ». De la même manière, les vaches exploitées aux Etats-Unis sont qualifiées de « machines à viande ».
Dans ce film, les éleveurs ne cachent pas leur vision dominatrice : un éleveur évoque un moment « une vache [qu’il a] fait naître » (sic).
Les animaux sont uniquement valorisés pour l’aspect gustatif de leur chair, l’intérêt économique qu’ils procureront. Lorsqu’il évoque le sort d’une vache qui va être conduite à l’abattoir, Yves-Marie Le Bourdonnec fait preuve également d’un cynisme certain : la mise a mort d’une vache se résume de façon lapidaire en « l’histoire est horrible ».
Il assume d’ailleurs son cynisme comme avec cette sinistre photographie ci-dessous, montrant la sordide mise en scène, révélant un esprit bien morbide.
Le film semble même exprimer une vraie haine des animaux. Ainsi les Zébus qui sont exploités sur les espaces de la forêt amazonienne sont décrits comme des sortes de nuisibles, évacuant au passage la responsabilité humaine dans la déforestation de la forêt.
La valorisation d’une « viande » « éthique », élitiste se fait d’une part, avec des « bouchers bohèmes new-yorkais » qui consomment une « bonne » « viande », et d’autre part une version réactualisée du « petit éleveur » associé à un aspect néo-folklorique, et complètement réactionnaire !
Pour les pauvres, la solution proposée pour résoudre « la faim dans le monde », c’est de recourir à l’exploitation des insectes, vus comme des sources de protéines à haut rendement. Bien sûr, l’évocation du véganisme comme outil d’émancipation sociale n’est envisagé à aucun moment…
Le véganisme est également évacué lorsque le film aborde le problème éthique de la consommation de chair animale.
Global Steak présente d’abord le problème comme relevant d’un choix purement individuel (« pour ceux qui refuse le sang des bêtes dans leur assiette »), et met en avant des initiatives de « lundis végétariens », de « jeudis sans viande » qui ne remettent rien en cause, ou encore un cocktail végétarien à l’assemblée nationale (!) où Yann Artus-Bertrand fait la promotion du végétarisme comme démarche individualiste pour se donner bonne conscience.
Et un aspect révélateur de ce film est aussi la dimension sexiste du discours d’Yves-Marie Le Bourdonnec : il parle du « joli petit cul » d’une vache, ou plus tard dans le film, sur des vaches « laitières », « ce qu’elle perd dans le cul elle gagne dans les seins ». Les propos de Carol Adams sur la politique sexuelle de la viande apparaissent ici très nettement.
Cet extrait de la présentation faite par l’Agence Capa, productrice du film résume assez bien la vision du film :
« Loin de jeter la terreur sur votre assiette, Faut qu’ça saigne [global steak] est un film bien plus pervers, qui vous fera saliver à l’heure où Paul McCartney et les Verts militent pour une journée sans viande ! Car ce n’est pas la peine de se mentir, la viande est un plaisir dont il est difficile de se passer…
Faut qu’ça saigne encourage une prise de conscience mais propose aussi des solutions. Plus ou moins naturelles : Aux Etats-Unis, les élevages à l’herbe, 100% bio, qui fournissent les bobos new-yorkais en viande politiquement correcte.
En France le cochon breton sur paille garanti sans nitrates. Plus ou moins futuristes : la culture de viande artificielle in vitro dans les labos hollandais, le cochon OGM canadien qui pollue moins ou enfin la consommation d’insectes pour un meilleur bilan carbone. Bon appétit ! »
Si les initiatives de ces « bourgeois bohèmes » version boucher devraient se limiter à une minorité, ils sont clairement des ennemis de la libération animale, diffusant, comme par l’intermédiaire du film Global Steak, une culture réactionnaire et barbare sous des apparences branchées. C’est pour cela que nous nous permettons de montrer de telles photos sordides que nous évitons normalement, en raison de la dignité revenant à tout être vivant assassiné.
Il faut aussi remarquer que ces discours pro-bouchers entretiennent d’ailleurs la confusion chez des personnes ayant des valeurs progressistes, pouvant cautionner cette forme d’exploitation animale, vue comme un « moindre mal ». Il y a là un grand danger, qui ne peut être combattu qu’en étant clair et net: pas de compromis dans la libération animale, en défense de notre mère la Terre! C’est seulement comme cela qu’on peut être authentique et rejeter des images honteuses et barbares comme celle ci-dessous.