« Parents végétaliens : pourquoi font-ils peur ? »

Une fois n’est pas coutume, voici un article sur le net « en faveur » du végétalisme (tiré de « Le + Nouvel Obs« ). Nous mettons « en faveur » entre guillemets, car la personne qui l’a écrit n’est pas végétalienne, elle considère par ailleurs le végétalisme simplement sur le plan nutritionnel. Rien à voir avec le véganisme donc.

Mais elle tente de regarder les choses objectivement sur le plan nutritionnel et de démystifier l’énorme propagande anti-végétalisme (elle n’hésite pas à aborder des questions comme celle de la petite Louise morte en raison de négligences par ses parents, où bien l’offensive contre les mères végétaliennes comme Beyoncé).

Dommage qu’elle ne voit pas la dimension spécifiquement française de cet anti-végétalisme. Mais il est vrai que cela demande de comprendre la libération animale et la libération de la Terre, dans un pays où les arbres doivent être « taillés » et assortis comme simple décor d’un « jardin », et où les animaux ne sont considérés que comme des machines!

Le régime végétalien affole les foules, dès lors qu’il est question de l’imposer à un enfant ou de le poursuivre pendant sa grossesse. Et les parents végétaliens sont souvent sommés de se justifier sur leur choix alimentaire, que l’opinion publique se plaît à qualifier de dangereux et d’irresponsable.

Aucun parent végétalien n’est épargné, et les célébrités végétaliennes font régulièrement les gros titres de la presse people, qui les présente comme des irresponsables mettant en danger la santé et la vie de leur enfant.

Pourquoi les parents végétaliens font-ils peur ? Les indignations et autres mises en garde exprimées par la presse sont-elles justifiées ?

Presse people : ces stars qui mettent leurs enfants en danger

Récemment, plusieurs stars végétaliennes ont attiré l’attention pendant leur grossesse. Après Natalie Portman, applaudie à l’unanimité pour sa « bonne résolution consistant à interrompre son régime végétalien pendant toute la durée de sa grossessse » (notons que si la comédienne a effectivement affirmé avoir abandonné ce régime, elle n’a à aucun moment associé cette décision à sa grossesse).

D’autres célébrités ont, quant à elles, été largement huées et montrées du doigt, telles des mères indignes mettant inutilement en péril la vie de leur enfant.

En juillet dernier, c’est l’actrice américaine Emily Deschanel (héroïne de la série Bones) qui suscitait l’indignation à cause de son régime alimentaire. Le magazine Voici (Voici n°1232 du 16 juillet 2011) lui consacrait ainsi un article accusateur intitulé « Emily Deschanel, elle met son bébé en danger ».

Sous les photos de l’actrice au ventre rond, le point de vue est tranché : « enceinte de 7 mois, l’actrice ne veut rien entendre. Son régime c’est fruits, légumes et lait de soja. Même si c’est son bébé qui va payer les pots cassés » (Via le blog famillevegan.fr. A lire !). 

Présentée comme une obstinée doublée d’une irresponsable qui imposerait un choix inconsidéré à son propre enfant, l’actrice n’est pas épargnée : le végétalisme est présenté comme un régime dangereux pour le foetus. Autant dire qu’avant même d’accoucher, la comédienne était déjà estampillée « mère indigne » par la presse people, qui n’aime pas les mauvaises mères.

Plus récemment, ce fut au tour de Beyoncé d’être épinglée par les tabloids, faisant notamment la une du magazine Public avec le titre « Beyoncé, son bébé en danger ! ».

Le magazine people rendait compte d’un entretien avec un professionnel du service nutrition de l’hôpital Hôtel-Dieu à Paris, pour faire le point sur les dangers encourus par l’enfant de la star aux habitudes alimentaires hors norme. Les réponses du nutritionniste sont sans équivoque : clairement et sans appel, la star mettrait en danger la santé de son enfant.

Le médecin va même plus loin puisqu’il n’hésite pas à qualifier de « folie » le choix d’un tel régime pendant la grossesse, rappelant qu’il est indispensable, pour le développement du fœtus, de bénéficier d’un « apport en acides aminés d’origine animale ».

A ce stade, on est donc en droit de s’interroger, et d’avoir peur : dans le cadre d’une grossesse, le régime végétalien est-il véritablement dangereux, comme l’affirme ce nutritionniste ?

Pour ma part, c’est une toute autre question qui me taraude, à savoir : les nutritionnistes sont-ils aussi bien informés qu’ils le prétendent sur la question du végétalisme et ont-ils raison de mettre en garde les futures mères quant au choix d’un régime végétalien pendant leur grossesse ?

Des médecins peu ou pas informés, un régime alimentaire stigmatisé

Pour la plupart d’entre nous, le végétalisme reste un sujet flou, qu’on associe généralement à un mode de vie original, voire marginal ou même sectaire. Il est vrai que peu d’informations fiables nous parviennent en matière de végétalisme.

Si on veut en savoir plus, il faut chercher soi-même les informations, pour tenter d’obtenir des réponses claires (et fiables) aux questions que l’on se pose sur le régime végétalien, et sur ses adeptes.

Car il faut bien admettre que, source d’information privilégiée du citoyen lambda, la télévision ne rend pourtant guère justice au végétalisme : rarement évoqué dans les documentaires sérieux ou lors d’émissions consacrées à la santé, le végétalisme est en revanche largement mis en avant dès lors qu’il est associé à un fait divers aussi dramatique que celui du décès d’un enfant, victime de la malnutrition imposée par ses parents végétaliens.

Dans ces circonstances, les médias montrent volontiers le végétalisme comme une pure folie, et  montrent leurs adeptes comme des gens dangereux qui n’hésitent pas à risquer la vie d’un enfant au nom de leurs convictions. En 2008, tout le monde s’est indigné de la mort de la petite Louise, enfant d’un couple végétalien décédée à 11 mois.

On a crié au scandale, accablé ses bourreaux et finalement, dénoncé le végétalisme comme un danger de mort pour la santé de nos chères têtes blondes.

Sauf qu’on a signalé les carences en vitamine B12 de cette enfant en généralisant ce phénomène à l’ensemble de la communauté végétalienne (La mère de l’enfant était apparemment carencée en B12) et sa fille était uniquement nourrie au sein.

Le problème n’est pas la dénonciation de ce cas particulier par les médias, mais la généralisation : et c’est aller un peu vite en besogne que de réduire le végétalisme à ces parents condamnés par la justice.

Mais les raccourcis faciles ont les gros titres ont primé : « Un couple de végétaliens devant les assises après la mort de leur fillette » (Libération) ou encore « Parents végétaliens : 30 mois ferme » (Le Figaro), comme si le simple fait d’être végétalien en France relevait du crime.

Le miraculeux yaourt, sacralisé à l’exclusion de tout le reste

La communauté végétalienne a parfaitement conscience de ce risque de carences, et veille à se supplémenter en conséquence : dans l’ensemble, la population souffre d’un manque d’information, et le végétalisme est associé à des tragédies ponctuelles ou à des pratiques de sectes parfois évoquées dans les médias.

Ajoutons à cela la récurrence de spots publicitaires le caractère indispensable des aliments d’origine animale : il est donc difficile pour le grand public d’admettre que les « yaourts des os costauds » censés assurer la bonne croissance de nos enfants et réduire l’ostéoporose de nos mamies, contiennent finalement moins de calcium que le persil, les graines de sésame ou que l’algue wakame (laquelle contient près de 10 fois plus de calcium que le yaourt). Certes, la notion d’assimilation par l’organisme a également son importance, mais il faut rester mesuré.

Ne pas donner de yaourt à son enfant suffit donc à scandaliser l’entourage, comme si la croissance du squelette d’un enfant dépendait uniquement de la consommation de Petit Gervais.

Tenir tête à ce genre de réactions, et répondre que les végétaux peuvent contenir plus de calcium qu’un produit laitier, c’est s’exposer à un « Non, c’est faux ! Si c’était le cas, ça ce saurait ! ».

Eh bien non, justement, ça ne se sait pas. Alors on continue à croire que le yaourt est l’unique allié des os solides, sans se poser plus de questions, et condamnant le régime végétalien au profit de ce que nous ont inculqué les théories nutritionnelles classiques, ainsi que des spots publicitaires et autres campagnes télévisées.

Dans la conscience collective, les produits restent  « nos amis pour la vie », envers et contre tout.

Ce qu’il faut savoir sur les végétaliens

Je côtoie régulièrement des personnes (couples et familles) végétaliennes. Nous avons beaucoup échangé sur ce sujet, ce qui m’a permis de découvrir le végétalisme au quotidien et de reconsidérer bon nombre d’idées reçues sur la question.

Avant de condamner les parents végétaliens, il me semble utile de préciser quelques éléments concrets, sans toutefois entrer dans de fastidieuses démonstrations sur les apports nutritionnels comparés d’un régime végétalien et d’un régime omnivore.

– Les végétaliens sont parfaitement informés des possibles carences découlant de leurs choix alimentaires. La carence principale est celle en vitamine B12, carence contre laquelle les végétaliens se prémunissent, par une simple supplémentation.

– Les végétaliens sont bien plus soucieux de leur équilibre alimentaire que la plupart des omnivores. Alors que les omnivores pensent avoir acquis de bons réflexes en matière d’alimentation les mots d’ordre : « complète et variée »), les végétaliens s’efforcent de diversifier au maximum leurs sources d’apports en vitamines et protéines, afin d’éviter précisément toute carence. Ils sont ainsi beaucoup plus pointilleux et soucieux de ce qu’ils mettent dans leur assiette.

– Parce que la plupart des aliments industriels sont incompatibles avec leur régime (sachez que l’on trouve des traces de lait dans à peu près tout, y compris dans certains légumes surgelés), les végétaliens privilégient les aliments frais et la cuisine maison. Peu ou pas de plats préparés pour eux, un choix méticuleux des produits alimentaires transformés qu’ils consomment, un recours régulier voire systématique aux produits bio au détriment des marques industrielles. Là encore, le végétalien marque un point en s’efforçant d’avoir, dans son assiette, des aliments aussi sains que possible.

La grossesse n’est nullement incompatible avec le végétalisme. J’ai pour ma part été enceinte plusieurs fois en étant omnivore et j’ai toujours souffert de carences pendant ces périodes. Je connais des mamans végétaliennes qui, pour leur part, ont eu des bilans sanguins exemplaires pendant leurs grossesses, et qui ont donné naissance à de beaux bébés bien portants, en parfaite santé. Comme quoi.

– Enfin, avant que l’on ne m’accuse de prêcher pour ma paroisse (car je le précise, je ne suis pas végétalienne) (ni membre d’une secte crudivore, je vous le promets), terminons simplement sur un rapport médical de l’association américaine de diététique (en français ici), rapport médical très complet qui conclut que « Les régimes végétariens menés de façon appropriée sont bons pour la santé, adéquats sur le plan nutritionnel et sont bénéfiques pour la prévention et le traitement de certaines maladies » et que « Une alimentation végétalienne bien planifiée et les autres types d’alimentations végétariennes sont appropriés à toutes les périodes de la vie, y compris la grossesse, l’allaitement, la petite enfance, l’enfance, et l’adolescence ».

Peut-être serait serait-il enfin temps de se réconcilier avec ces énigmatiques mangeurs de verdure auxquels on prête d’étranges mœurs et motivations.

On pourrait également s’interroger sur le bien fondé de leur choix et les bénéfices de leur alimentation. Et cesser de s’indigner devant les parents qui font le choix du végétalisme, alors que nous trouvons quasi normal de faire de nos enfants des adeptes de la junk food et du fast food.

Il n’existe pas UNE alimentation fiable mais DES alimentations fiables. Et le régime végétalien n’est pas à proscrire ou à condamner sous prétexte qu’il serait responsable de plus de troubles médicaux qu’un régime omnivore équilibré. Et puis après tout, comme le dit l’adage : dans le cornichon, tout est bon.