Marée Noire de l’Erika : 12 ans après, le pollueur Total pourrait être exonéré de toute condamnation

Hier, nous parlions de Hans Jonas et de son « principe responsabilité », voici un communiqué concernant la marée noire de l’Erika, et justement l’esprit est le même.

Il est en effet expliqué que :

le droit pour tous, générations présentes et futures, à vivre dans un environnement sain, est un droit fondamental qui doit être respecté.

Or, ce droit n’existe nulle part bien entendu dans le code pénal ; sa seule existence est purement morale, dans un esprit qui est précisément celui de Hans Jonas.

On a la même dynamique anthropocentriste, et moraliste : il faudrait condamner Total car ce qui a été fait est condamnable et ne doit pas être refait.

Seulement, personne n’est dupe : les pollueurs font ce qu’ils veulent, car il y a derrière toute une industrie. Les auteurs du tract ne sont pas dupes non plus. Mais conservant leur anthropocentrisme, ils ne peuvent pas aller au bout du raisonnement : il faut casser ce système !

En attendant, on en saura davantage le 24 mai lorsque l’avis juridique sera rendu par l’Etat français. Mais logiquement le procès devrait être purement et simplement annulé. L’annonce qui a été faite visait à « préparer l’opinion publique », alors que les élections feront passer cela en arrière-plan.

Total avait donc souillé 400 km de côtes bretonnes avec 30 000 tonnes de fioul, mais s’en sortira a priori indemne, en raison des « lois internationales »…

Marée Noire de l’Erika : 12 ans après, le pollueur Total pourrait être exonéré de toute condamnation

Si elle suivait l’avis de l’avocat général sous la tutelle du ministère de la justice et donc du gouvernement, la Cour de cassation pourrait conclure « à la cassation sans renvoi de l’arrêt attaqué en ce qu’il a été prononcé par une juridiction incompétente », car l’Erika, au moment du naufrage, était « un navire étranger se trouvant en zone économique exclusive », c’est à dire hors des eaux territoriales.

Pourtant, à la suite du naufrage, les côtes françaises ont bien été polluées par le fioul de l’Erika et la loi française pourrait ne pas être applicable !

Les Amis des Collectifs Marée Noire sont stupéfaits qu’une telle décision puisse être évoquée. Ils rappellent le slogan de la manifestation du 5 février 2000 à Nantes (40.000 personnes dans la rue) « Marées noires : assez de complaisances ! ».

Le propos est hélas encore d’actualité.

Douze ans de démarches citoyennes, douze ans de lutte pour faire progresser la sécurité maritime, pour responsabiliser toute la chaîne du transport maritime et obtenir que la notion du pollueur-payeur et le délit écologique soient enfin reconnus.

Si la Cour de cassation devait suivre l’avis de l’avocat général en annulant la condamnation de Total et des trois autres mis en cause (la société de classification Rina, l’armateur Savarese et le gestionnaire Polara) et par là même leur responsabilité pénale, cela équivaudrait à accorder l’impunité à tous les pollueurs du monde, un grave recul pour le droit de l’environnement et un mépris total de la société civile et du respect du bien public.

Rappelons-nous des 400 kms de côtes souillées par « le fioul lourd » sortant de l’Erika et de ses conséquences, oiseaux mazoutés, pêcheurs consignés à quai, image écornée de notre littoral, pas moins de 230.000 tonnes de déchets ramassés, occasionnant les préjudices écologiques, humains, sociaux et économiques que nous savons.

N’oublions pas également les atteintes morales et financières des populations, riverains, bénévoles, marins, paludiers, acteurs touristiques et commerciaux qui ont subi de plein fouet tous ces préjudices.

Alors que la cicatrice de cette catastrophe n’est pas totalement refermée, douze ans après, il nous faudrait céder sans doute aux pressions du lobby des pétroliers et dédouaner Total de sa responsabilité pénale.

Cela suffit !

Les Amis des Collectifs Marée Noire rappellent que le droit pour tous, générations présentes et futures, à vivre dans un environnement sain, est un droit fondamental qui doit être respecté.