« Chaque chose s’efforce de persévérer dans son être »

Hier, lorsque nous avons parlé des huîtres, nous avons expliqué que ce n’était pas la « sensibilité » qui devait être l’argument moral principal, non pas parce que la sensibilité n’a pas aucune importance, mais parce que ce serait oublier le cadre naturel.

Car il n’y a pas de sensibilité sans Nature, on le voit bien assez dans les sociétés humaines, qui sont toujours davantage insensibles, justement parce que coupées de la Nature.

Et justement, il serait injuste de ne pas mentionner une notion « philosophique » qui exprime justement cela : le « conatus » de Spinoza.

Spinoza est connu pour parler de Dieu, mais ce Dieu est justement la Nature. Quand il appelle à célébrer Dieu (et non pas la religion), c’est parce qu’en fait il est un mot pour parler de la Nature.

Et à l’intérieur de la Nature, les êtres vivants sont caractérisés par le « conatus », dont la définition est la suivante :

« Chaque chose s’efforce de persévérer dans son être. »

Voilà une définition qui est vraiment très bonne, qui permet d’éviter la question de la simple sensibilité.

Il y aura en effet toujours un esprit plus ou moins tordu pour nier la sensibilité de tel ou tel être, ou pour la relativiser, etc.

Mais personne ne peut nier que les êtres vivants veulent… vivre.

Depuis la mouche jusqu’à l’arbre, depuis l’être humain jusqu’au dauphin, tous les êtres vivants veulent vivre, et cela est bien.

Mais alors, pourra-t-on dire, pourquoi manger des végétaux ? Et certains animaux n’en mangent-ils pas d’autres, après les avoir tué ?

C’est là justement que le véganisme n’est pas la « fin » de l’histoire humaine, mais son début. Car le véganisme devra, immanquablement à l’avenir, s’élargir le plus possible à tous les êtres vivants possibles.

On ne peut pas être une personne écologiste sincère et ne pas espérer que dans un avenir (relativement lointain encore bien sûr) on aura plus besoin de couper les arbres, par exemple.

C’est finalement ce que disent les primitivistes, sauf que les primitivistes veulent que les humains disparaissent de la planète, ou bien plus exactement n’existent plus que comme petits groupes peu nombreux de chasseurs-cueilleurs.

C’est un refus juste de l’anthropocentrisme, mais ce n’est pas humaniste, et il y a une contradiction qui plus est : c’est une idée exprimée par des humains… Ce qui montre bien qu’en fait, le refus de l’anthropocentrisme pourrait être assumé par toutes les personnes humaines.

Alors, il semble parfaitement juste d’être vegan totalement, et de demain se poser la question : n’y aurait-il pas les moyens de se passer des végétaux ?

C’est une utopie absolument complète aujourd’hui, en incohérence complète avec les besoins alimentaires des humains, qui souffrent dans de très nombreuses parties du monde de la malnutrition.

Mais cela fait inévitablement partie d’une réflexion sur l’humanité sur la planète Terre, si on pense sur une période très longue… A condition que l’humanité arrive à trouver son chemin, car pour l’instant l’humanité est partie en guerre contre Gaïa, dans une tentative délirante de la réduire à un gros caillou à exploiter.

Le film « Avatar » n’était pas sérieux, mais cette idée de fond est facile à comprendre : nous sommes à la fois les destructeurs et les extra-terrestres bleus aimant leur planète.

Voilà pourquoi nous appelons à célébrer la Nature, car refuser l’anthropocentrisme c’est aussi célébrer l’humanité dans ce qu’elle est : quelque chose de naturel.

Et cela n’a rien de religieux, comme déjà dit, bien au contraire, il n’y a rien de plus joyeux. Aussi finissons avec une citation de Spinoza, difficile à comprendre, mais qui élargit l’esprit et fournit de riches perspectives intellectuelles !

« Le rire, comme aussi la plaisanterie, est une pure joie et, par suite, pourvu qu’il soit sans excès, il est bon par lui-même .

Seule assurément une farouche et triste superstition interdit de prendre des plaisirs. En quoi, en effet, convient-il mieux d’apaiser la faim et la soif que de chasser la mélancolie ?

Telle est ma règle, telle ma conviction. Aucune divinité, nul autre qu’un envieux, ne prend plaisir à mon impuissance et à ma peine, nul autre ne tient pour vertu nos larmes, nos sanglots, notre crainte et autres marques d’impuissance intérieure ; au contraire, plus grande est la Joie dont nous sommes affectés, plus grande la perfection à laquelle nous passons, plus il est nécessaire que nous participions de la nature divine.

Il est donc d’un homme sage d’user des choses et d’y prendre plaisir autant qu’on le peut (sans aller jusqu’au dégoût, ce qui n’est plus prendre plaisir).

Il est d’un homme sage, dis-je, de faire servir à sa réfection et à la réparation de ses forces des aliments et des boissons agréables pris en quantité modérée, comme aussi les parfums, l’agrément des plantes verdoyantes, la parure, la musique, les jeux exerçant le Corps, les spectacles et d’autres choses de même sorte dont chacun peut user sans aucun dommage pour autrui.

Le Corps humain en effet est composé d’un très grand nombre de parties de nature différente qui ont continuellement besoin d’une alimentation nouvelle et variée, pour que le Corps entier soit également apte à tout ce qui peut suivre de sa nature et que l’Ame soit également apte à comprendre à la fois plusieurs choses.

Cette façon d’ordonner la vie s’accorde ainsi très bien et avec nos principes et avec la pratique en usage ; nulle règle de vie donc n’est meilleure et plus recommandable à tous égards, et il n’est pas nécessaire ici de traiter ce point plus clairement ni plus amplement. »