Un jeune couple pêche et incendie une forêt

C’est un exemple parlant de comment le manque de culture liée à la nature aboutit à des choses insupportables et meurtrières.

Un couple de jeunes, les deux ayant 21 ans, était allé au lac des Bouillouses. Ce lac est en fait… artificiel. Ce qui ne l’empêche d’être classé… site naturel.

Et comme c’est un site classé naturel, par conséquent on peut y pêcher ! On marche sur la tête de bout en bout.

Ce jeune couple, donc, était allé pêcher. Puis il est allé dans la forêt, sur la commune d’Angoustrine (Pyrénées-Orientales). Il a alors décidé de faire… un barbecue, pour cuire le pauvre animal mort.

Résultat : un incendie, bien sûr, avec cet été 80 hectares de forêt de sapins brûlant durant quasiment cinq jours…

Ce couple passait en procès il y a deux jours et le procureur a demandé six mois de prison avec sursis, ils en ont obtenu cinq avec sursis, et peut-être une amende à venir. Notons au passage leur bonne foi, puisque le couple avait prévenu les secours.

Mais ce qui est vraiment fou, dans cette histoire, c’est que tout est dénaturé, de bout en bout. Un lac artificiel, déclaré naturel, et donc les humains y pêchent… Comment ne pas se retrouver avec des jeunes prenant cette logique au pied de la lettre, sans même s’en apercevoir ?

C’est la société qui fabrique un couple qui, au lieu d’être fasciné par la Nature, pêche et fait un barbecue. On est là dans une démarche barbare, d’appropriation pure et simple de la Nature. Le respect pour la forêt, et tous les êtres vivants qui y habitent, n’est-il pas absolument logique ?

Il ne s’agit pas de voir en la forêt quelque chose de « magique », d’en retourner à une fascination pour la forêt de Brocéliande, ou tout autre délire qui ne reconnaît pas la forêt pour elle-même, mais pour autre chose censée aller avec (la magie, les chevaliers, etc.).

Il s’agit tout simplement de voir en la forêt en ce qu’elle est : un lieu de vie, avec les végétaux et les animaux. Il y a là un problème de fond en France justement : être écologiste, ce serait être contre la pollution et pour la biodiversité, principalement. C’est quelque chose qu’on lit très souvent.

Seulement, ce n’est pas le cas : assumer l’écologie, c’est reconnaître les végétaux, c’est leur accorder une valeur en soi ! Tous les poètes qui ont parlé des forêts n’ont pas forcément saisi cette dimension, mais ils en étaient très proches, comme Rimbaud avec Aube ou bien Chateaubriand avec son poème « La forêt » :

Forêt silencieuse, aimable solitude,
Que j’aime à parcourir votre ombrage ignoré !
Dans vos sombres détours, en rêvant égaré,
J’éprouve un sentiment libre d’inquiétude !
Prestiges de mon coeur ! je crois voir s’exhaler
Des arbres, des gazons une douce tristesse :
Cette onde que j’entends murmure avec mollesse,
Et dans le fond des bois semble encor m’appeler.
Oh ! que ne puis-je, heureux, passer ma vie entière
Ici, loin des humains !… Au bruit de ces ruisseaux,
Sur un tapis de fleurs, sur l’herbe printanière,
Qu’ignoré je sommeille à l’ombre des ormeaux !
Tout parle, tout me plaît sous ces voûtes tranquilles ;
Ces genêts, ornements d’un sauvage réduit,
Ce chèvrefeuille atteint d’un vent léger qui fuit,
Balancent tour à tour leurs guirlandes mobiles.
Forêts, dans vos abris gardez mes voeux offerts !
A quel amant jamais serez-vous aussi chères ?
D’autres vous rediront des amours étrangères ;
Moi de vos charmes seuls j’entretiens les déserts.

La forêt, c’est toute une ambiance qui parle à nos sens, c’est toute une atmosphère qui nous inspire ; pour un jeune couple, c’est un lieu où rêvasser et se réfugier dans la vie elle-même, dans la paix et l’harmonie, reconnue tout à fait rationnellement. Ce n’est pas un lieu pour faire un barbecue pour cuire un animal assassiné !