Sortie de « ALF le film »

Aujourd’hui sort le film « ALF », dont nous avons déjà critiqué le principe, et à voir ce qui en ressort, nous n’appellerons certainement pas à aller le voir.

On est dans une sorte de célébration humaine d’humains, par l’intermédiaire de la « forme » qu’est l’ALF. La libération de chiens n’a pas lieu, le véganisme n’est pas présent, la critique de la vivisection est un prétexte pour présenter, dans un moralisme pessimiste, des humains et leurs problèmes personnels, etc. Ce qui est ridicule quand on sait à quel point l’ALF a toujours refusé la moindre personnalisation et ne se résume pas du tout à une « indignation ».

D’où évidemment le fait que le film soit uniquement focalisé sur les animaux de laboratoire, qu’il faut sauver bien sûr, mais dont le sort est inséparable de tous les autres animaux – c’est justement la base de la libération animale. Cela a l’air d’être un film sur l’ALF, mais sans le véganisme et sans les animaux.

Et puisqu’on parle de l’ALF, on a un exemple de ce moralisme dans l’émission « Vivre avec les bêtes » sur France Inter avec Elisabeth de Fontenay et Allain Bougrain-Dubourg. Ce dernier a parlé de l’empoisonnement de tablettes de chocolat par l’ALF, et le réalisateur du film a parlé de « débordement » de gens se revendiquant de l’ALF.

Cela n’est pas vrai du tout. La moindre personne connaissant un peu l’ALF sait bien que c’est impossible, par principe, puisque toute violence contre un être humain est interdite pour l’ALF.

L’action, contre les barres Mars est d’ailleurs extrêmement connue pour quiconque connaît un minimum l’histoire de la libération animale, a été menée par l’Animal Rights Militia (ARM), dont a fait par exemple partie Barry Horne, l’ARM assumant la menace potentielle contre les êtres humains.

On peut être en désaccord avec tout cela, bien entendu, mais tout mélanger et laisser Allain Bougrain-Dubourg faire le père la morale, c’est se placer en dehors de toute réflexion et tradition propre à la libération animale.

Voici enfin des commentaires de certains médias. Des médias non végans bien sûr, et trop contents de pouvoir casser la libération animale, mais il est intéressant de voir avec quelle facilité le film est rejeté.

Il est évident que le film est passé à côté du cœur de la libération animale : les animaux eux-mêmes, comme protagonistes d’une vie libre. Finalement, peut-être que le vrai film sur l’ALF, c’est celui où on ne voit pas d’humains, mais enfin les animaux.

Voici une critique publiée sur l’Express:

A.L.F.

Par Clément Sautet (Studio Ciné Live)

Bon propos ne fait pas forcément bon film. C’est le cas de celui de Jérôme Lescure car il s’attaque aux conditions de vie des animaux de laboratoire dans une fiction aussi flemmarde qu’indigeste.

Il peine à trouver l’émotion avant la dernière scène, assommant le spectateur d’images d’archives. Il manque également de jugement sur la crédibilité de ses personnages appartenant davantage au Front de libération des poulets de fast-foods qu’à une milice secrète de la SPA. Alors oui, il y a du fond, légitime, mais la réalisation n’est pas à la hauteur du sujet.

Voici l’avis du Monde :

« A.L.F. » : un ciné-tract pour la cause animale

Cette fois, l’acronyme ne se développe pas en Alien Life Form, comme dans « ALF », la série américaine, mais en Animal Liberation Front, comme dans ces opérations commando qui libèrent des animaux destinés à l’expérimentation. Pas d’extra-terrestre velu donc, mais des bêtes de tous poils soumises à des tortures terrifiantes.

Le film est entrecoupé d’images au statut incertain, filmées dans des laboratoires – singes au crâne percé d’électrodes, chiens délibérément asphyxiés. Il n’est pas question de douter de l’authenticité de ces brèves séquences documentaires, simplement de remarquer qu’elles sont extraites de tout contexte.

On aurait pu y ajouter les rats blancs cancéreux du professeur Séralini, nourris aux OGM, mais très vite on comprend que le réalisateur et scénariste n’est pas ici pour poser des questions. Il préfère répondre à celle qu’énonce l’un des personnages de cette fiction propagandiste : « Que faisiez-vous pendant l’holocauste des animaux ? ».

Jérôme Lescure faisait un film, l’histoire découpée en tranches dispersées dans le temps de l’incursion d’un groupe de militants dans un laboratoire afin d’en extraire des chiens promis à la vivisection. Puisque le dirigeant de ce petit groupe est interrogé par un policier compréhensif, on comprend que l’affaire a mal tourné.

Un bref moment, on se demande si ce militant, Franck (Alexandre Laigner), va se laisser aller au doute. Il faut bientôt se rendre à l’évidence, Franck est un martyr, prêt à sacrifier sa liberté à la juste cause. Il n’aurait pas fallu beaucoup plus qu’un court-métrage pour énoncer cette thèse, qui relève de l’évidence pour ses tenants.

Mais Jérôme Lescure a voulu lui donner la forme d’un long-métrage dramatique. Le scénario multiplie les personnages : une journaliste affligée d’un amant déçu et jaloux, une actrice qui découvre la futilité de son art en le comparant à la grandeur de la cause des animaux, un garçon qui préfère consacrer la nuit de Noël à la libération des chiens plutôt que de rester au chevet de sa mère agonisante.

Ces intrigues secondaires parasitent le propos principal, d’autant qu’elles sont maladroitement dialoguées et jouées, même si l’on voit apparaître de temps en temps quelques comédiens chevronnés (Philippe Laudenbach, Didier Sandre). Cette faiblesse est aggravée par l’absence du morceau de bravoure attendu – la libération des chiens – sans doute impossible à réaliser faute de moyens.

La candeur un peu stridente de ce film en limite l’intérêt, tout en en garantissant la sincérité. A.L.F. est pourtant voué à l’échec, tant sa maladresse lui interdit d’attirer l’attention des indifférents. Au mieux, Jérôme Lescure aura réussi à conforter la foi des convertis.