Peut-on manifester pour la libération animale?

Tout récemment, nous disions que faire une manifestation pour la libération animale, cela ne servait à rien et cela apportait de la confusion sur le plan des idées. On nous a demandé de préciser notre pensée, nous le faisons ici brièvement, aussi parce que nous en avons parlé dans Welfarisme, abolitionnisme, anti-spécisme, libération animale.

Dans l’idée c’est simple : le terme de « libération » signifie qu’on brise une oppression. Selon le wiktionnaire, cela donne :

1.Action de libérer, de rendre libre.

2. (Droit) Décharge d’une dette ou d’une servitude.

Dans le mouvement pour les animaux, l’expression « libération animale » vient à la fois du « Front de Libération Animale » (ALF) et de l’ouvrage de Peter Singer, « Libération animale. »

L’ALF reprenait son nom des mouvements de libération nationale (FLN algérien, FNL vietnamien), en référence à une lutte moralement juste malgré son illégalité ; Singer parlait de la question morale, et non pas de la question juridique, qu’il n’aborde pas.

Parler de « libération », c’est donc sous-entendre confrontation, affrontement, le fait de « briser » une oppression. Pour utiliser les grands mots, c’est une option « révolutionnaire. »

Or, on ne peut pas manifester en demandant au système de s’effondrer. Une manifestation, par définition, va de pair avec une exigence particulière : le retrait d’une réforme, d’une loi, ou au contraire la conquête de droits.

On ne peut pas manifester en demandant, par exemple, à qu’il n’y ait plus de propriété privée en France. Cela n’aurait pas de sens, à part pour un rassemblement international comme le 1er mai.

De la même manière, on ne peut pas demander à ce que la libération animale triomphe. Les bouchers ne vont pas fermer leurs boutiques, pas plus que les usines, parce qu’ils seraient « sensibilisés. » L’État ne va pas non plus céder aux demandes des manifestantEs, si d’ailleurs il y en a trop, il réprimera très violemment.

On est libre de penser le contraire : c’est ce que font les gens pour les droits des animaux, les « wellfaristes », qui entendent améliorer le bien-être animal et changer la situation par des réformes sur le (très) long terme.

D’où leur stratégie de gagner des positions de-ci de-là, notamment avec des thèmes ciblés comme la corrida, le cirque, la fourrure, etc.

On peut être « radical » dans cette perspective et considérer que l’objectif c’est l’égalité animale, à l’échelle de la société. Il y a des végans qui sont wellfaristes, bien entendu, et des organisations comme PeTA aux Etats-Unis et VGT en Autriche se situent dans cette perspective.

On peut être « radical » à la fois contre et pour cette perspective, comme le courant « abolitionniste », de Gary Francione (et vegan.fr en France), et considérer que la revendication doit immédiatement être l’abolition de l’oppression et de l’exploitation des animaux.

On est là dans un réformisme « maximaliste », demandant non pas de petites réformes, mais le maximum.

A la limite, et rien n’empêche cela théoriquement, on peut considérer que tout ce qui aide les animaux contribue à leur « libération. » Cependant, en pratique, le terme de « libération » veut dire autre chose.

Au sens strict, d’ailleurs, pour l’ALF la seule vraie « libération », c’est quand des libérations matérielles d’animaux ont lieu. Par la suite historiquement, il y a eu l’ALF comme mouvement, prônant la libération de tous les animaux par le sabotage généralisé, l’effondrement économique de l’industrie de l’exploitation animale.

Le terme de libération animale a par la suite été utilisé par toutes les personnes considérant, qu’au final, seule une révolution peut changer la situation. Des expressions sont nées, reflétant ce point de vue : « Animal Liberation Human Liberation one struggle one fight », ou bien encore « Libération Totale ! »

Il y a ici de très nombreuses stratégies, de très nombreuses cultures, depuis les insurrectionnalistes anarchistes posant des bombes en Amérique latine aux blacks blocks antispécistes en Allemagne.

Cela ne veut pas dire d’ailleurs que l’on soit sur la ligne de l’ALF, mais tout au moins que l’on refuse de s’en distancer. A LTD, nous avons ainsi toujours publié les communiqués des actions de l’ALF en France, et sommes d’ailleurs le seul média végan à le faire.

On peut bien sûr considérer que l’expression « libération animale » a perdu de ce sens, et qu’on peut le reprendre de plein de manières suivantes. Nous ne le pensons pas, et nous pensons que l’utilisation de ce terme à des fonctions de revendication pour « l’égalité animale » ajoute à la confusion existant déjà.

Il y a des différences de culture, de sensibilité, de valeurs, de morale, au sein des gens se disant végans. Il n’y a pas lieu de les gommer, de les effacer, mais de les reconnaître tel quel, de les dépasser de manière constructive, de les accepter parfois ainsi afin que la stratégie réellement correcte apparaisse au grand jour en tant que tel.

Mais donc, on ne peut pas manifester, à nos yeux, pour la libération animale. On ne peut pas manifester pour la révolution !