En 10 ans, la consommation française de foie gras a augmenté de 25%

Ce jeudi 13 décembre, l’association L214 lance sa campagne contre le gavage des oies, aboutissant à la production de foie gras. Nous ne parlons jamais de L214, ni de ses campagnes qui sont à notre sens totalement erronées, nous allons expliquer très simplement pourquoi.

De plus, nous allons expliquer cela sans grands discours théoriques ou stratégiques. En fait, nous allons simplement constater quelque chose. Une chose mauvaise, par ailleurs, mais inévitable dans les conditions actuelles.

En 10 ans, en effet, la consommation française de foie gras a augmenté de 25 %.

Cela veut tout dire. La campagne contre le foie gras n’est pas un combat d’avant-garde, mais le résultat de l’explosion de l’industrie du foie gras. Il ne s’agit pas d’un combat offensif contre l’exploitation animale, mais d’une réaction tentant de freiner une tendance impossible à bloquer, car s’appuyant sur la société française elle-même.

Les campagnes contre le foie gras, aussi moralement justes qu’elles soient, ne sont que l’écho inversé de la généralisation du foie gras. Accepter de se placer dans une telle configuration est du suicide.

Regardons un autre fait qui va avec. Dans un peu moins d’une année, en septembre 2013, le site de production de Delpeyrat, filiale du groupe Maïsadour, à Saint-Pierre-du-Mont dans les Landes, va grandir de 10 000m², passant à 35 000 m².

Ce seront alors 5 000 tonnes de foie gras vont être produites chaque année, soit 25 % de la production française.

D’ailleurs, la France est à l’origine de 75 % de la production mondiale, dans un marché en pleine expansion.

Si l’on prend la Suisse par exemple, où la production de foie gras est interdite depuis 1978, eh bien la consommation était de 130 839 kilos en 1997, et désormais de 199 311 kilos…

D’ailleurs, la coopérative béarnaise Euralis a obtenu l’agrément pour exporter vers la Russie le foie gras produit à Sarlat en Dordogne et à Maubourguet (dans les Hautes Pyrénées), chaque usine faisant 20 000m².

Ce n’est pas tout : Euralis possède une usine en partenariat à Pékin, depuis 2007, et entend en ouvrir une à Shanghaï…

Le terme de coopératives ne doit donc pas tromper. Les coopératives – ce petit paradis aux yeux de beaucoup, même « alternatifs » – forment un vrai capitalisme : dans les Pyrénées-Atlantiques, il y en a 700, et cela concerne pas moins de 6 millions de canards chaque année !

Tout cela pour dire quoi, en fin de compte ? Que la stratégie de vouloir grappiller des résultats à la marge n’a pas de sens. Attaquer la corrida, les œufs en batterie, le foie gras, est censé faire progresser les choses, donner naissance à un mouvement, etc.

Nous ne sommes pas d’accord avec cela, mais les faits non plus justement. Le foie gras est en pleine expansion. Ceux et celles qui protestent contre le foie gras agissent de manière moralement juste, mais en faisant cela il y a la diffusion d’une illusion : celle comme quoi la tendance est la faveur de l’abolition du foie gras.

On ne va justement pas du tout dans cette direction. Le foie gras est une composante inaltérable de l’idéologie dominante française. Ne pas reconnaître cela, c’est participer à une illusion « wellfariste » (qui entend faire avancer le « bien-être » animal).

Mais c’est aussi rater la nature de la société française. Or, si l’on rate la nature de la société française, si l’on méconnaît sa réalité, tant culturelle qu’économique, comment peut-on mener des campagnes victorieuses ?

Ce qui montre, en définitive, qu’il ne faut pas considérer que le « particulier » amène naturellement au « général », car ce n’est pas vrai, vue qu’une personne pouvant être contre le foie gras ne va nullement automatiquement au véganisme….

Et qu’il faut assumer le général pour changer le particulier : ce n’est qu’en affirmant la libération animale comme une véritable démarche cohérente, pertinente, globale, qu’on peut profiter d’éléments particuliers de la réalité pour pousser dans le bon sens.

Sans saisir cela, le véganisme se réduit à une posture de Don Quichotte face aux moulins à vent ; le véganisme ne serait qu’une démarche d’individus écoeurés face à l’horreur.

Or, le véganisme, c’est la révolte face à l’horreur, l’appel à un véritable changement complet, une bataille face à l’exploitation animale toujours plus grande. Il n’y a aucune raison de croire en l’illusion que des petites batailles isolées, coupées de la globalité, suffiraient comme base pour former un mouvement pour les animaux.

Refuser le foie gras est nécessaire, c’est un impératif moral ; considérer que la victoire est possible à court ou à moyen terme, par une pression morale et des campagnes, ne se fonde par contre en rien sur la réalité.