La ZAD pète les plombs

Nous parlions récemment de la tendance négative qui grandissait dans la ZAD, avec un article intitulé De Tarnac à Notre-Dame-des-Landes et qui s’est avéré terriblement correct dans son interprétation de la situation. Terriblement, parce que ce qu’on a là est… c’est difficile à dire, disons au moins terrible, en tout cas c’est pratiquement indéfendable.

Car qu’on ne nous la raconte pas: le coup des individus en quête de leur propre libération contre toute politique et contre la démocratie, symbolisant leur lutte par une marche aux flambeaux, on a déjà vu, on sait ce que cela signifie et ce que cela donne…

Et ce qui va se passer n’est pas difficile à comprendre: après la fameuse « trêve des confiseurs » comme la période des fêtes de Noël est appelée en politique, l’Etat s’empressera de briser les restes d’une lutte isolée, dont les gens s’éparpilleront sur des bases terriblement malsaines (voir notre article « La terre, elle, ne ment pas. Elle demeure votre recours. »).

Mais voici donc le compte-rendu de ce fameux « happening » qui vient d’être rendu public, dont l’esprit est hégémonique vu l’appel au festival, que nous publions après, et qui est tout aussi explicite.

Malheur à vous !

Hier, dans l’obscurité, des flambaux sont sortis du bois, des mannequins sur des pics ont été brûlés et des incantations ont été dites.

Une tentative comme une autre de nous libérer de la présence policière, de cette occupation militaire qui duuuuuuuuure maintenant depuis plusieurs semaines. Jours et nuit, à 3 ou à 160, les flics sont là, juste pour dire qu’ils sont là, même si le gardiennage de carrefour n’a jamais fait aucun sens.

Hier, après que la cérémonie vaudou ait pris fin, quelques personnes sont arrivées sur la route et ont pris le relai afin de continuer à emmerder les flics, à leur dire qu’ils devraient vraiment, vraiment partir. Les affrontements ont duré jusqu’à très tard dans la nuit, jusqu’à ce que de très loin même, on entende des tirs de grenades assourdissantes, plusieurs dizaines d’affilée, encore quelques dizaines de trop. Hier, dans le nuage de gaz lacrymos, quelqu’un a été grièvement blessé au pied par une grenade assourdissante, et a été hospitalisé, avec un risque d’amputation de son orteil.

Alors, César, jusqu’où es-tu prêt à mener ton carnage et jusqu’où les démons de la nuit devront-ils aller pour t’arracher ton ego ?

La nuit nous appartient.

Le rayon noir (récit de la soirée du dimanche 16 décembre 2012)

« L’or brûlant de la grande obole inondait la voûte du ciel, Le scorpion et la hyène avançaient en aveugles boiteux, Le sable suintait de larmes fumantes, Et la tempête à l’horizon paraissait soulever une meute chevauchant vers la cité maudite. »

La Blessure du désert, Al Morzad’Him Molat, XVe s.

La nuit s’était écroulée depuis longtemps sur les cieux alentours lorsque notre cortège macabre s’ébranla en direction du Moulin de Rohanne. Nous étions une centaine, peut être plus, bardés de fer, de feu et d’ossements, de toute manière incalculable dans notre folie. Ce qui nous animait alors ressemblait à d’antiques superstitions, à de vieilles sorcelleries qu’on a jugé désuètes.

Désuètes aussi une certaine idée de la communauté et de tous les rituels qui faisaient sa chair. Nous ne sommes pas nostalgiques de ces temps où la réalité grouillait d’irrationalités. Cependant, si il arrive que la multiplicité qui hante la boue du bocage en vienne parfois à faire communauté, et qu’à ce moment-là, ce qui fait communauté, entretient un certain rapport avec la guerre : il se peut que nous puissions tirer quelque puissance de ces comédies magiques. Et d’abord il faut abolir certaines catégories qui grèvent encore l’appréciation de nos gestes.

À savoir par exemple la distinction entre des faits prétendument symboliques et des faits prétendument guerriers. Il ne devrait y avoir qu’un continuum liant nos attaques, nos voix, nos présences, et qui serait en toute chose la mesure de notre effectivité. On peut être effectif, c’est-à-dire perforant, tantôt grâce à un texte, tantôt grâce à une embuscade. Ce qui tisse ensemble ces gestes peut se nommer “enchantement”. Comprenons-nous bien : nous entendons en matière de magie être aussi rigoureux que n’importe quel apparatchik léniniste en son temps.

La procession s’étendit dans un bruissement continu de pas et de murmures, sur le chemin de Suez, puis dans la forêt et enfin tout le long de la lisière du dernier champ. Se distendant, se regoupant, s’ébrouant dans une sorte d’angoisse impatiente. Le ciel crevait d’étoiles et nos immenses torches encore éteintes ressemblaient à des piques vengeresses. Malgré ses obscènes lumières, l’ennemi n’entendit point la rumeur monter. La terreur l’abattit une première fois lorsque notre armée de flambeaux envahit littéralement l’espace qui lui faisait face.

Quatre effigies de paille, plantées sur des pieux de bois, furent immolées en guise d’ultime menace. Formant un arc de cercle, la rumeur se fit tonnerre. Des hurlements stridents ou gutturaux, résonnaient, lourdement rythmés : “Ma-lheur à vous ! Ma-lheur à vous ! Ma-lheur à vous !” Après un court silence, l’incantation s’éleva, toute de rugissements et de psalmodies :

« Nous ne sommes ni humains, ni animaux, pas même vivants ou morts, pas encore spectres, déjà disparus pour le monde.

Pourtant, nous habitons les landes brûlées, les forêts fangeuses, les roches croissantes, nous habitons, ou plutôt, nous rodons, invectivant l’invisible, dépouillant vos momies, tous les déserts ont connu nos débauches corrosives.

Notre existence n’est attestée par aucun calendrier, aucun Empire ne pouvait soupçonner la résurrection de notre pacte scandaleux, Le feu de la bataille a précipité notre naissance. Nous ne sommes pas une armée, nous sommes la lie du monde qui se fait projectile, Aguerris aux fouets de la vengeance, Chaque coup que vous portez précise cette certitude : Votre défaite ressemblera pour nous à un sanglant Festin. »

Une énergie débordante affleurait partout autour de nous, une énergie guerrière aussi surgissant malgré le rituel, couvant en lui. Les bois nous rappelaient, mais dans le même temps nous ne pouvions résister au vertige qui nous inclinait en direction de l’ennemi. Nous nous approchions toujours plus dans une mêlée de bruits qui ne voulait plus cesser. Un second groupe s’était formé sur la route partant au nord. Se mêlant aux imprécations et aux feux d’artifices, on vit s’envoler quelques bouteilles incendiaires. Ce fut progressivement une autre ambiance, plus familière, qui s’installa ; certains la retrouvaient avec une joie identique.

Les projectiles se multipliaient, les insultes commençaient à fuser. En face, des panaches irritants cisaillés dans la lumière vomit par leurs projecteurs, parfois, des tirs tendus. Des ombres assaillaient de toute part l’imbécile grappe de gendarmes. Puis, après une inaudible sommation, une salve de grenades couvrit le chemin et le champ. Un cri plaintif appelant au secours. Un pied déchiqueté au travers d’une botte. Un orteil risquant d’être amputé, un nerf atteint, des os concassés.

Il s’agit d’une guerre. Nous la désirons. Mais nous décidons d’être toujours plus préparés et liés pour se mesurer à l’agressivité qui nous fait face. Il est temps de faire définitivement corps avec l’obscurité, de stagner toujours moins sous les projecteurs, de réapprendre l’ubiquité. Nous attaquerons après le crépuscule ou au beau milieu de la journée, lorsque le soleil du zénith plombe la terre de son rayon noir, et que l’opacité contamine jusqu’à la lumière.

Il est temps de faire corps avec la nuit.

Que dire? Il n’y a rien à dire tellement on est là dans une sorte de caricature du style fasciste ou nazi.

Il ne faut pas croire non plus qu’une telle initiative soit décalée. Voici l’appel pour le festival sur la ZAD début janvier. Nous nous épargnons l’affiche avec Astérix et Obélix dessus, le texte est suffisamment explicite.

Que notre volonté soit fête !

Pendant 3 jours, nous proposons d’exprimer de manière festive notre rage contre toutes celles et ceux qui décident de nos futurs loin de nous. Contre toutes celles et ceux qui, pour leurs seuls intérêts personnels, sont prêts à foutre en l’air des milliers d’hectares de notre héritage le plus précieux. Le monde de l’aéroport est un monde de guerres, de pauvreté et de misère, d’aliénation des populations et de destruction de l’environnement. Un monde d’ennui, un monde de mort ! Si justement, il y a un mal contre lequel la Fête Libre est souveraine, c’est bien l’ennui.

Dans sa forme mentale, policière, policée, forcée ou consommée, peu importe. La Fête Libre et la Lutte Radicale s’entremêlent en un flot de créativité qui répand les germes de la subversion. La Fête Libre c’est la vie. Et la vie ce n’est pas cet aéroport !

Nous n’attendrons pas demain pour vivre ! Le grand soir, c’est ce soir, demain matin et demain soir. Ce soir, nous sortons les enceintes et nous faisons la fête. Bien sur, pas une fête conditionnée, standardisée, tarifée. Un festival n’est pas politique. Une fête évolue en acte politique dès lors que chacun et chacune en devient actrice, où l’espace réquisitionné devient autogéré, lieu d’échange, de création, de tolérance.

Ce qui est expérimenté ici aujourd’hui sert à concevoir demain au quotidien. Dans une Zone d’Action Festive, nous sommes autonomes, nous ne dépendons que de nous mêmes. Une Fête Libre n’a pas de hiérarchie. Qu’on soit dans l’orga ou simplement de passage, nous y sommes toutes et tous chez nous. La réussite de nos actions n’est le résultat que de notre seul effort commun. « Créer c’est Résister, Résister c’est Créer ! »

La Fête Libre, éphémère, brise parfois le cours d’une histoire, d’un projet. Si périssable soit-elle, elle engendre des semences d’idées et de désirs, jusque-là inconnus, et qui, souvent, lui survivent. Celles et ceux qui parlent de révolution et de lutte sans comprendre ce qu’il y a de subversif dans une Manifestation Festive, de positif dans le refus des dogmes, des contraintes et des cloisonnements, celles-ci et ceux-là ont dans la bouche un cadavre.

Mais laissons leurs illusions à celles et ceux qui pensent tout posséder, tout contrôler. Qu’ils soient rouges ou gris, en passant par le noir, le vert, le rose et le bleu, ils nous ont toujours trahis ! Ne soyons plus complices de notre propre soumission à leurs sociétés pseudo-démocratiques, ou même pseudo-libertaires, et à leurs modes de pensée. Nous avons déjà choisi. Les coupables ne seront pas Ayrault ou Vinci. Les coupables seront toutes celles et ceux qui n’auront rien fait contre l’aéroport, contre ce monde injuste et destructeur. Il n’y a pas de méchant système, juste une somme d’individuelles lâchetés…

La Liberté absolue offense, déconcerte. On préfère alors invoquer la maladie, la démoralisation ou encore la déviance pour légitimer son oppression. Qui nous juge n’est pas né à l’esprit, à cet esprit de Liberté que nous voulons dire, et qui est pour nous bien au-delà de ce que vous appelez la liberté. Gare à vos logiques, Mes-sieurs-dames, vous ne savez pas jusqu’où notre haine de la logique peut nous mener. Il faut lutter sans plus attendre pour l’apparition concrète de l’ordre mouvant de l’avenir. Les forces réactionnaires à l’œuvre dans notre pays ne laisseront à aucun prix, tout en affirmant le contraire, une véritable contestation se développer en dehors de celle qu’elles ont pris soin d’organiser elles-mêmes.

Des ordres injustes existent : nous satisferons-nous de leur obéir, tacherons-nous de les amender, allons-nous obéir jusqu’à ce que nous y ayons réussi, ou les transgresserons-nous sur le champ ? On estime en général devoir attendre d’avoir persuadé la majorité de les altérer. On pense que si l’on résistait, le remède serait pire que le mal. Or c’est de la responsabilité du gouvernement et du capital que le remède soit pire que le mal. C’est eux qui le rendent pire !

Alors jetons notre vote, pas un simple bout de papier, mais toute notre influence. Une minorité est impuissante tant qu’elle se conforme à la majorité. Ce n’est du reste plus une minorité, mais elle devient irrésistible quand elle la bloque de tout son poids. La Victoire sera pour celles et ceux qui auront su faire le désordre sans l’aimer. Il nous reste, dans les limites où il nous appartient d’agir avec efficacité, à témoigner en toutes circonstances de notre attachement absolu à l’Autonomie de nos existences.

Non pas seulement en assurant individuellement la sauvegarde de ce principe, non pas seulement en élevant une faible protestation contre chaque violation qui en est faite, mais encore en recourant, le cas échéant, aux moyens d’agitation générale les plus propices. Notre participation à cet acte de Résistance à l’ordre établit est salutaire, nous devons prendre soin de cette Liberté si fragile que nous nous sommes réappropriée. Nous sommes toutes et tous coupables de refuser leur aéroport et le monde qui va avec !

Nous résistons à l’avenir probable dans le présent, car nous faisons le pari que ce présent offre encore matière à Résistance, qu’il est peuplé de pratiques encore vivantes même si aucune n’a échappé au parasitage généralisé qui les implique toutes. Nous montrons à toutes celles et ceux qui voudraient nous voir rentrer dans le rang ou envoyer au purgatoire, que nos modes de vies Autonomes et Festifs sont bien plus fertiles que leur vieux monde décrépi plein de projets inutiles. Ce monde fascisant qui n’a su répondre à l’expression de nos désirs que par la répression et la calomnie.

Nous leur donnons ce spectacle fascinant d’une horde sauvage qui, sans chefs et sans moyens, construit un espace accessible à toutes les classes, à toutes les populations. Nous offrons à la face de ce monde nos Alternatives et nos Solidarités afin de semer nos Idées et nos Désirs. Ces germes nous survivront et finiront d’effriter petit à petit les fondements de cette société réactionnaire…

Nous ne sommes pas nées pour être possédées, pour être subalternes aux ordres, serviteurs ou instruments utiles de tout souverain de part le monde. Nous sommes nées pour marcher sur la tête des rois, apprenons à marcher seules ! Nous briserons celles et ceux qui, dans leur monde qui se meurt, n’ont que l’ambition de mourir avec lui. Aux réactionnaires qui veulent que l’histoire fasse machine arrière, à tous les soumis, indécis, suppôts de la tradition, aux apologues de la masse, à tous les serviles qui se complaisent dans les lambris ministériels, opposons notre entêtement : votre aéroport ne se fera pas et votre vieux monde, nous le briserons !

« Au vent qui sème la tempête, se récolte les jours de Fête »

FLY

Scène Concert (25kw sous chapiteau chauffé) :

  • Anonyme(s) (rap)
  • Chas Gourlen (punk)
  • Battucada (Percus)
  • Beer Beer Orchestra (Ska Punk)
  • Buffet Froid (chanson)
  • Cabadzi (hip-hop)
  • Emma Pills [Les Vieilles Salopes] (punk)
  • H.k (soul)
  • HK et les Saltimbanks (rap)
  • Hop Hop Hop Crew (jazz manouche)
  • Jabul Gorba (balkan punk)
  • Jah Gaia (reggae)
  • Jeny (chanson)
  • Kabal (rap)
  • Kenny Arkana (rap)
  • Koleweize (Percus)
  • La Parisienne Libérée (chanson)
  • La Jonction (rap)
  • Massacror’s (punk)
  • Mc Metis (Hip-Hop)
  • On y pense… [Le Pied de la Pompe + Guizmo/Tryo + Zeitoun/LaRueKetanou + Alee] (chanson)
  • Pogomarto (punk)
  • Premiere Ligne [Bboykonsian] (rap)
  • Prince Ringard (punk)
  • RPZ (rap)
  • Unite Mau Mau (rap)
  • ZEP (hip-hop)
  • Zikabilo (cubano-tzigane)

+ d’autres groupes en cours de confirmation (a suivre…)

+ Tekno Sound System TNK & Friends (15kw sous chapiteau) : Tekno, Acid, Trance, Breakbit, Dubstep, Drum, Tribe, Hardcore, Breakcore, Speedcore…