Marcela Iacub, Dominique Strauss-Kahn et le « pourceau d’Epicure »

Nous parlions ces derniers jours des intellos bobos utilisant la question animale pour leurs délires variés : l’affaire Marcela Iacub qui « buzze » depuis quelques jours est ici exemplaire.

Les médias parlent beaucoup d’elle car elle publie un livre intitulé « Belle et bête » où elle parle de sa liaison avec Dominique Strauss-Kahn, avec un argumentaire à vomir contre les… cochons. « DSK » serait un porc, dit-elle, en philosophant.

Et le mot « philosophant » n’est pas choisi ici au hasard. Marcela Iacub est chercheuse au CNRS, elle est une grande partisane des théories « queer » et argumente en faveur de la prostitution, du rejet de toute morale, etc.

Elle est également ces derniers temps une « spécialiste »… de la question animale. Nous avons récemment parlé d’elle au sujet du numéro du Point consacré à « La viande : la nouvelle guerre de religions. »

Elle donnait alors l’impression d’être quelqu’un voulant revenir à une position naturelle, une épicurienne – « les animaux peuvent être des maîtres de bonheur » – en mode décadent et délirant, racontant un peu tout n’importe comment.

L’affaire Dominique Strauss-Kahn – Iacub confirme cela, puisque Iacub a entretenu une liaison avec Strauss-Kahn de janvier à l’été 2012, juste afin de la raconter par la suite ! Elle écrivait en même temps par ailleurs pour le quotidien Libération, prenant la défense de Strauss-Kahn…

Et ce qu’on voit avec son livre, c’est que Iacub, en queer à la recherche de la « subversion », utilise les animaux pour son délire. Voici ce qu’elle dit dans son livre, dans des passages largement cités par la presse :

« Seul un cochon peut trouver normal qu’une misérable immigrée africaine lui taille une pipe sans aucune contrepartie, juste pour lui faire plaisir, juste pour rendre un humble hommage à sa puissance. Et la pauvre est revenue dans la chambre pour voir si tu lui avais laissé un quelconque pourboire, mais il n’y avait rien. »

« Ce qu’il y a de créatif, d’artistique chez Dominique Strauss-Kahn, de beau, appartient au cochon et non pas à l’homme. L’homme est affreux, le cochon est merveilleux même s’il est un cochon. C’est un artiste des égouts, un poète de l’abjection et de la saleté. »

« Tu te comportais comme un méchant porc. Tu n’étais plus la victime de la société, mais mon agresseur, mon bourreau. Je me disais À quoi bon continuer de le traîner de tribunal en tribunal, de viol en viol ? Il serait plus utile transformé en jambon. Il pourrait nourrir les contribuables au lieu de leur coûter tant d’argent. »

« Il m’a fallu du temps pour comprendre cet étrange dédoublement qui faisait de toi à la fois un beauf et un grand poète, une brute et un artiste des plus raffinés. Que ce n’était pas l’homme qui composait tes phrases mais le porc. De comprendre que tu n’es pas un porc quelconque mais le roi des porcs. Ta grandeur, ta seule véritable grandeur est là, dans la manière sublime que tu as, quand le désir s’empare de toi, de cracher dans des phrases la beauté, la densité, la puissance de ta condition. »

« Je tiens à dire à quel point cette mise au pilori est une injustice. Je tiens à préciser, à souligner, à répéter mille fois qu’il faudrait médicaliser l’homme, l’enfermer, le neutraliser, et sauver le cochon. »

La dernière citation reflète le paradoxe de Iacub, qui critique l’abjection pour s’y complaire, tout comme Nietzsche critiquait le nihilisme pour s’y complaire.

Pour comprendre l’arrière-plan de la démarche de Iacub, il faut se rappeler du « pourceau d’Epicure. » Comme le grec Epicure était athée – en apparence, il respecte les Dieux, mais dans la logique de sa pensée il faut célébrer la Nature, son disciple Lucrèce le fera dans De rerum Natura – l’Eglise catholique a parlé du « pourceau d’Epicure. »

L’épicurisme, sobriété naturelle sereine et lointain ancêtre de la philosophie vegan straight edge, a été décrit par l’Église catholique comme une philosophie de l’excès, de la soumission aux pulsions, etc.

Le paradoxe est qu’à la base l’expression a été utilisé par le poète romain Horace pour désigner quelqu’un ayant mal interprété la doctrine d’Épicure et faisant de la satisfaction de ses pulsions un fétiche.

Voici ce que disait Horace :

« Au milieu de l’espérance et du souci, au milieu des craintes et des emportements, regarde chacun des jours qui luisent pour toi comme ton dernier jour. Bienvenue sera l’heure qui viendra de surcroît sans être espérée. Viens me rendre visite quand tu voudras rire, viens voir un homme gras, poli, la peau bien soignée, un porc du troupeau d’Épicure. »

La Bible, tant dans sa première version que la seconde (Torah, ancien et nouveau testaments), attaquait déjà les cochons ; avec le « pourceau d’Epicure », on est dans une continuité idéologique.

Cette guerre religieuse anti-athée s’est poursuivie par la suite. Dans la Doctrine curieuse (1624) du Père Garasse, on peut lire :

Pour Epicure, son esprit, sa religion, ses déportements lui ont acquis cette qualité et cette opinion parmi les hommes, que quand on veut parler d’un brutal, on l’appelle épicurien ; ses disciples et sectateurs ont été nommés pourceaux […] et les Grecs, hommes sages voulant qualifier un sot et athéiste, l’ont appelé simplement […], épicurien, esprit de pourceau.

(II, 5, p. 138)

L’épicurisme s’est confondu avec l’athéisme, et la vie simple du cochon était intolérable pour les religieux considérant que l’humanité n’est pas animale.

C’est là qu’arrive Marcela Iacub, avec une espèce de subversion bidon où elle prétend renverser la morale chrétienne, tout en restant finalement sur la même base. Sa propagande anti-cochons est digne des pires dévôts.

Quant à son voyeurisme et son utilisation des médias, rien n’est moins épicurien, et pour finir citons le philosophe grec Diogène Laërce donner un point de vue sérieux sur Epicure :

« Il existe des témoins capables d’attester sa bonté envers tout le monde, l’hommage de vingt statues rendu par sa patrie, la foule de ses amis dont le nombre ne pourrait pas même se mesurer par villes entières, la force qui allie tous les membres de son école au charme de son enseignement… sa reconnaissance envers ses parents, sa générosité envers ses serviteurs… et de manière générale son humanité à l’égard de tout le monde.

Et à un moment où la Grèce était en proie aux pires difficultés, il continuait d’y vivre, se contentant de faire deux ou trois voyages en Ionie auprès de ses amis. Ces derniers venaient à lui de tous côtés et vivaient avec lui… dans le jardin… de la façon la plus modeste et la plus simple. Il affirme lui-même dans ses lettres qu’il se contentait simplement d’eau et de pain sans apprêts. Et il dit : envoie-moi un pot de fromage afin que je puisse faire bombance quand je le veux. »