« Les animaux aussi ont des droits » : « l’éthologue » Boris Cyrulnik

« Les animaux révélés », un entretien avec Boris Cyrulnik, est la troisième partie de l’ouvrage « Les animaux aussi ont des droits » (nous avons parlé des deux autres parties déjà).

Si Singer a une philosophie qui est « l’utilitarisme » et si Elisabeth de Fontenay ne dit finalement rien à part qu’il faut se « préoccuper » des animaux, en se cachant derrière le langage, Boris Cyrulnik n’a pas lui de conception en « système fermé. » Boris Cyrulnik se contente de faire des remarques qu’il puise dans son expérience et ses connaissances, mais il n’y a pas de ligne conductrice.

La raison pour cela en est la suivante. Sur le papier, Boris Cyrulnik est souvent présenté comme psychiatre, éthologue et psychanalyste et plein d’autres choses encore. C’est une grande star de la presse, avec 1,5 millions de livres vendus de revendiqués.

En réalité, il est psychiatre, et c’est un phénomène ultra-médiatique, avec les médias racontant des choses innombrables sur lui.

Il est présenté comme « psychothérapeute » ce qu’il n’est pas, il ne fait pas partie d’une association de psychanalystes, il n’a pas dirigé d’innombrables thèses comme c’est prétendu, il n’est pas du tout cité dans la presse scientifique (alors que lui-même revendiquait en 2007« 200 publications scientifiques dont une cinquantaine dans des revues qualifiantes »), il n’est pas non plus professeur, etc.

Sur la quatrième de couverture de l’ouvrage et sur le site des éditions du Seuil, il est par exemple indiqué :

 « Boris Cyrulnik est éthologue et neuropsychiatre. »

Or, apparemment, Boris Cyrulnik n’est pas éthologue non plus…

Citons un long et très intéressant article tout récent, d’un blog du monde, très documenté (une véritable enquête très dense et précise), qui le massacre littéralement pour ses ambiguïtés et dresse une liste véritablement pathétique de comment les médias le présentent comme une sorte de génie multi-cartes, sans que cela soit le cas.

« Cela étant dit, il n’y a pas que les diplômes qui comptent : il ne serait pas aberrant de le présenter comme éthologue s’il avait occupé un poste de chercheur en éthologie et publié des recherches dans ce domaine, ne serait-ce que sur les goélands dont il a plusieurs fois été écrit qu’il était un spécialiste.

Hélas, trois fois hélas : il n’a jamais occupé de tel poste, et le WoS ne contient la trace d’aucun article scientifique signé de son nom publié dans une revue d’éthologie ou relevant de l’observation d’animaux dans leur milieux naturel.

Ni sur les goélands, ni sur une autre espèce. Il semble bien que Boris Cyrulnik ne fasse « autorité en matière d’éthologie » qu’au yeux de ceux qui ont eu la faiblesse d’y croire – ou de vouloir le faire croire. A mon sens, le simple fait de se présenter comme éthologue relève dans son cas déjà de l’imposture. »

Ce qui est finalement dit ici, c’est que Boris Cyrulnik est à l’origine d’une imposture médiatique, ou tout au moins qu’il y participe. Et de fait, dans l’entretien qu’il accorde dans l’ouvrage, tout est totalement fouillis.

Cela fait non seulement qu’on ne voit pas du tout où il veut en venir (végétarisme ? véganisme? etc.), mais qu’en plus il a une approche qui se veut « objective » et c’est là que cela pose problème.

Il parle en effet de manière ininterrompue des chercheurs comme si ceux-ci étaient « neutres. » Mais pour nous qui savons que le véganisme est une conception de la réalité (et de la Nature donc), nous savons très bien qu’une personne végane qui fait de la recherche n’aura pas la même vision qu’une personne non végane.

Boris Cyrulnik dit par exemple :

« Tout récemment, les chercheurs ont découvert que le porc possède, lui aussi, une vie émotionnelle riche et des capacités cognitives très développées, et, selon les situations, égales ou supérieures au chiens et aux grands singes. »

Il y a ici au moins trois problèmes : déjà les tests sur les animaux sont affirmés, ensuite les critères d’évaluation sont présentés comme « neutres », or sur quelle base ces gens jugent-ils ?

Car en ce qui concerne l’interprétation de la vie émotionnelle des animaux, et c’est le troisième point, toute personne végane conséquente peut exprimer un avis bien plus scientifique que ces chercheurs formés avec des critères non, voire anti-véganes…

Toute la vision de Boris Cyrulnik passe par là : pas d’émotion, mais toujours des prétendus critères « scientifiques » qui permettraient, sur le plan institutionnel, de proposer de voir les choses différemment.

Si en plus l’article cité plus haut est totalement dans le juste et que les références scientifiques sont une imposture, on est encore plus mal ! Surtout que si l’on suit Boris Cyrulnik l’éthologue qui n’en est apparemment pas un, seule l’éthologie justement, donc l’étude des comportements des animaux, permettrait de « justifier » un changement. Il raconte ainsi :

« Aujourd’hui, nous savons suffisamment de choses sur les animaux, sur leur capacité à souffrir, sur leur intérêt à vivre, pour accepter de modifier nos comportements à leur égard. »

La question est posée abstraitement : tout d’abord il ne s’agit pas d’accepter de changer, parce que de toutes manières personne ne veut tuer ! Ce qu’il y a derrière, c’est l’exploitation animale comme système, pas simplement des préjugés individuels !

Seulement Boris Cyrulnik est psychanalyste, donc il voit à tout à travers un prisme individuel. Cela aboutit à des choses très perverses, comme cet éloge de l’élevage digne de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes :

« Maintenant, si tous les élevages ne sont pas conformes à l’idéal qu’on pourrait en attendre, il faut bien reconnaître que certains éleveurs sont attachés à la relation qu’ils entretiennent avec leurs bêtes, même si la mise à mort constitue la phase finale de cette relation. »

On reconnaît ici le discours relativiste de la psychanalyse, qui fait un fétiche de certains « rapports » individuels et perd totalement toute vue d’ensemble. Et surtout plus rien ne rime à rien, c’est d’un fouillis complet.

D’ailleurs, il fait comme Elisabeth de Fontenay : il cite et il cite, non stop. Un peu de Descartes par là, un peu de Spinoza par ci, et Adorno par là, un peu de Heidegger par là, etc. etc.

Sauf que sur le plan de l’histoire des idées cela n’a « ni queue ni tête » et cela ne veut rien dire. Boris Cyrulnik explique par exemple que Descartes s’est levé contre l’obscurantisme religieux et affirme le rationalisme, en posant la séparation du corps et de l’esprit. Cela ne veut rien dire, puisque la religion fait la même séparation !

De la même manière, les gens cités ne sont pour la plupart même pas végétariens, et leurs citations consistent la plupart du temps en ce qui ne sont en réalité que quelques remarques éparses. On ne peut pas faire comme s’il y avait une simple continuité entre la Grèce antique de Pythagore et la France du 21e siècle, c’est de la fiction intellectuelle !

Et finalement, c’est ce caractère qui fait que l’ouvrage « Les animaux aussi ont des droits » passera vite dans les oubliettes de l’histoire !