« Elle tire un chariot rempli de graines et attire sur le site jusqu’à 500 volatiles »

Les pigeons sont les mals aimés d’urbains totalement dénaturés. En réponse, il y a des gens plein de sensibilité qui, de manière totalement subjective, se précipitent à la rescousse. C’est un phénomène bien connu, et la hantise des municipalités. De notre côté, nous y voyons un sursaut de la dignité, même si évidemment un aspect pose problème, l’absence de réflexion qui nuit à la cause générale des animaux.

Bordeaux : la vieille dame attire les pigeons par centaines, le quartier craque

À 75 ans, Tatie Monique vient chaque matin appâter les pigeons de la place Fernand-Lafargue avec des graines. La ville est dans une impasse. Une proposition émerge.

Appelons là Tatie Monique. Plus forte que Tatie Danièle, la célèbre héroïne cinématographique. Donc Tatie Monique, 75 ans, irréductible et intraitable, nourrit les pigeons de la place Fernand-Lafargue à grands coups de graines fraîche. Tous les matins. Elle tire un chariot rempli de graines et attire sur le site jusqu’à 500 volatiles. Un concentré de place Saint-Marc, sauf qu’on n’est pas en Italie.

Malgré les interpellations de la police, les semonces de la mairie, les courriers répétés, les tentatives de calumet de la paix, rien n’y fit. Ainsi, au mois de mai dernier, tandis que les services d’hygiène municipaux tentaient une saisie des pigeons au filet, Tatie Monique commença par faire un ramdam à grands coups de casseroles depuis son appartement, situé juste sur la place.

Puis descendit armée d’un poêlon et en mis un coup sur la tête du patron des services d’hygiène.

L’association des commerçants du Village Saint-James est vent debout. Des pétitions sont en gestation. « Marre de cette saleté, témoigne Rabah Maouch, le glacier. Les gens glissent sur les graines le matin. Mais aussi, les pigeons lâchent des fientes partout. Observez le sol, il en est jonché et les stores sont maculés. »

En effet, cet été, un commerçant du quartier, Jipé qui tient le bar L’Ours Marin a glissé un matin sur des graines et s’est blessé légèrement. En effet encore, les clients se planquent sous les toiles des terrasses pour éviter les fientes.

La situation a perduré tout l’été, encore plus tendue, parce que le site est particulièrement investi par les touristes. Au mois de juillet, un mystérieux technicien est venu chaque matin, spontanément, observer le manège de Tatie Monique. « Pendant quinze jours, raconte Victor Silva, technicien de la société Avipur, j’ai suivi le parcours de cette dame. J’ai observé les lieux et constaté les dégâts. Puis, j’ai réussi à entrer en contact avec elle.

Elle nourrit les chats à son domicile et semble soutenue par une association de défense des animaux. Mais elle est tout à fait… cohérente dans sa mission. Je lui ai dit que mon objectif était d’aider à régler la situation, pas d’éradiquer les pigeons. »

Rencontre en mairie

Les services municipaux contactés à leur tour par Victor Silva acceptent de l’entendre. Jean-Louis David, adjoint au maire l’admet : « Nous ne trouvons pas de solution, donc nous sommes ouverts, d’autant que Victor Silva nous a dit qu’il avait la solution. Contrairement à nous, il entend associer la dame aux pigeons à ce projet. Pour donner notre aval, nous attendons qu’elle donne son accord. »

Victor Silva marche sur des œufs… de pigeon. Sa proposition sera, dit-il, « une première en France. Et Bordeaux aime les premières. » Il est question de déplacer les 500 pigeons vers d’autres sites bordelais (peut-être des espaces verts, les quais où sont déjà installés des pigeonniers), ils deviendraient alors, un enjeu touristique. Genre la place Saint-Marc en Italie… Mais chut.

En attendant, Tatie Monique ne prend pas de vacances. Les commerçants appellent quotidiennement les services municipaux, qui viennent nettoyer la place presque chaque matin, après le passage des volatiles. La pétition reste au chaud. « On patiente puisque les choses ont l’air d’être enfin prises au sérieux » note un commerçant en regardant le ciel.

Cet article du journal Sud ouest est quelque chose d’important, parce qu’il reflète un phénomène social important à nos yeux. La société se gargarise souvent de la « vieille folle aux chats », « la vieille aux pigeons », c’est-à-dire de personnes, souvent âgées, toujours des femmes, qui se précipitent à l’aide d’animaux dans le besoin.

Les chats errants ont en effet souvent une aussi mauvaise presse que les pigeons. Inversement, nous pensons que venir en aide aux êtres affamés reste un acte indispensable, même si cela dérange des êtres aux mauvaises intentions et qui voient cet acte de solidarité d’un mauvais œil. Il faut avoir conscience en plus de ce que ces personnes âgées affrontent des menaces, voire même des agressions.

Il y a une grande abnégation, et non pas de la « folie » et le besoin d’un psychiatre. La preuve du caractère culturel de cela est par ailleurs qu’agressions, plaintes, menaces et procès n’entament pas la dite abnégation. Il s’agit d’une expression du refus du social-darwinisme, de la reconnaissance d’êtres vivants que sinon personne ne veut voir.

Et il faut le dire: le fait que venir en aide aux affamés puisse déranger est quelque chose de plus que problématique, les animaux n’étant pas considérés à la juste valeur, comme des êtres sensibles aux douleurs physiques et psychologiques. On sait à quel point les chats errants et les pigeons sont sous la menace de barbares qui vont jusqu’à la torture, et ici il faut souligner que ce sont des barbares qui ne sont que la pointe la plus extrême de l’idéologie dominante au sujet de ces animaux.

On a un mélange d’ennui, de méchanceté reproduite, de peur, d’ultra-violence, qui se déverse sur les chats errants et les pigeons. Mais cela, la société le cache; elle préfère caricaturer la « folle aux chats. »

De notre point de vue, l’abnégation de ces personnes doit être comprise à leur juste valeur. Les villes ont été établies sur des fondements dénaturés; les pigeons, les moineaux… ont été attirés dedans, sans réelle possibilité de s’épanouir. De par sa perspective dénaturée, l’humanité a décidé que ces oiseaux étaient en trop, et ainsi, parce qu’ils  seraient « nuisibles », nourrir les pigeons est un acte illégal. C’est un acte répréhensible d’une amende.

Remarquons cependant que les pigeons peuvent être les premières victimes de ce genre de nourrissage.  En effet, nourrir des pigeons avec plusieurs kilos de graines, tous les jours, au même endroit ; malgré toute la bonne volonté est quelque chose d’irresponsable, l’enfer est pavé de bonnes intentions.

En pratiquant de la sorte, ce sont des centaines de pigeons qui vont se concentrer au même endroit, ce sont des centaines de pigeons qui risquent de devenir dépendants de ce point de nourrissage. Que deviendront ces pigeons si il arrive malheur à Tatie Monique?

Y aura-t-il une personne pour prendre le relais avec ces centaines d’oiseaux en attente de nourriture? Pas sûr du tout. Habituer des pigeons à être nourris à tel lieu, telle heure, tous les jours ne peut que leur porter préjudice : d’un point de vue sanitaire également, les rassemblements de pigeons sont très mal vus à cause de la difficulté à nettoyer leurs fientes des bâtiments. Encore trop peu de villes prennent la peine d’investir dans des pigeonniers contraceptifs et préfèrent la méthode moyenâgeuse et terriblement cruelle des captures suivies des mises à mort au gaz.

D’ailleurs ces pigeons bordelais ont de la « chance » dans leur malheur, la ville de Bordeaux a opté à l’été 2012 pour une année test avec un pigeonnier contraceptif, et, au vu de l’article, il semblerait qu’il soit cherché une solution éthique pour déplacer ailleurs cette colonie de pigeons qui « dérange. » Reste à savoir quelle solution sera trouvée!

Une fois de plus, aider les pigeons des villes à trouver de quoi manger est indispensable, mais pour la sécurité des pigeons, il ne faut jamais leur donner de trop grandes quantités au même endroit, ni de manière aussi régulière et précise. C’est terrible, quand on a conscience de ce qu’endurent au quotidien ces animaux, mais on ne vit ni dans une société végane, ni dans une société favorable aux pigeons, alors en attendant il faut agir avec prudence, discrétion et responsabilité.

Et en arrière-plan, se battre pour une planète redevenue bleue et verte; l’humanité doit cesser sa perspective dénaturée!