Noël Mamère démissionne d’EELV

Dans une interview accordée hier au Monde, Noël Mamère annonce qu’il quitte EELV. Voici cette interview, qui comme on le voit aisément, reflète d’un côté une compréhension juste des querelles d’appareils, mais de l’autre côté est terriblement limitée en termes de projet.

Pourquoi avez-vous décidé de quitter Europe Ecologie-Les Verts ?

J’ai décidé de quitter EELV parce que je ne reconnais pas le parti que j’ai représenté à la présidentielle en 2002. Notre parti ne produit plus rien : il est prisonnier de ses calculs et de ses clans.

Nous sommes devenus un syndicat d’élus. J’ai l’impression d’un sur-place qui nuit au rôle que nous pouvons jouer dans la société. Cela ne m’empêchera pas de conduire une liste aux municipales à Bègles, je n’ai pas besoin de l’étiquette. C’est une page qui se tourne. Je pars sans regret, sans émotion particulière. C’est le résultat d’un constat et d’une analyse.

Comment interprétez-vous la décision de Pascal Durand de ne pas se représenter à la tête d’EELV ?

Pascal Durand est une variable d’ajustement. On le nomme en 2012 parce qu’il est compatible entre Europe Ecologie et Les Verts. La preuve est faite aujourd’hui que la greffe n’a pas pris. La manière dont il a été traité est humiliante. Ça me choque et je n’aime pas ces méthodes. Pascal n’était qu’un patron par procuration.

Les vrais patrons sont ceux qu’on appelle « la firme » : Cécile Duflot et ses amis. Même si Cécile Duflot est une bonne ministre, elle n’a pas lâché la direction des Verts. Mais ces derniers ne se sont pas créés pour être soumis au bon vouloir d’un clan. C’est le contraire de ce que défendent les écologistes.

Vous souhaitez rester dans le groupe écologiste à l’Assemblée nationale. N’est-ce pas contradictoire ?

Pas du tout. Dans le groupe, il n’y a pas que des gens inscrits à EELV, comme Paul Molac qui est à Régions et peuples solidaires. A moins qu’on ne me le demande, je ne vois pas pourquoi je quitterais le groupe.

Vous aviez indiqué que si vous étiez réélu à Bègles, vous démissionneriez de votre mandat de député. C’est toujours d’actualité ?

Si je suis réélu à la mairie de Bègles, mon intention est de me mettre en accord avec ce que j’ai dit. C’est la première fois que je vois l’Assemblée nationale voter une loi qui s’appliquera trois ans plus tard.

La loi sur la limitation du cumul des mandats est d’ailleurs inaboutie puisqu’aujourd’hui un maire peut beaucoup plus cumuler qu’un député-maire. Fin 2014, je ne serai plus cumulard : je me sens plus utile dans ma ville de Bègles qu’à l’Assemblée.

Vous avez annoncé que vous ne voterez pas le budget pour 2014. Cela veut dire que vous allez voter contre ou vous abstenir ?

Je voterai contre parce que je considère que le compte n’y est pas, notamment sur la transition énergétique. La conférence environnementale n’était qu’un trompe-l’œil. Le gouvernement propose une contribution climat-énergie qui réunira péniblement la somme de 4 milliards d’euros en 2016.

Comment voulez-vous que les entreprises aient une perspective de mise en place de modification de leur mode de production si vous ne leur proposez pas un plan de route jusqu’au moins 2020 ?

Je ne crois pas non plus à la TVA à 5 % uniquement cantonnée à la rénovation énergétique des bâtiments alors qu’il aurait fallu qu’elle s’applique à l’ensemble du bâtiment. Aucune des niches fiscales nuisibles à l’environnement et à la santé concernant les transports, l’agriculture, le diesel, les agrocarburants ou les pesticides – pourtant d’un montant de 6 milliards d’euros–, n’ont été remises en cause. Et nos amis disent que c’est formidable ?

Pour vous, les écologistes seraient plus utiles en dehors de la majorité qu’à l’intérieur ?

Aujourd’hui, je ne vois pas très bien leur utilité dans la majorité. Les écologistes passent leur temps à accepter ce qui ne correspond pas au projet qu’ils sont censés porter. Vous trouverez toujours des arguments pour dire qu’on fait avancer les choses mais c’est à la marge.

Nous avons aussi notre part de responsabilité. Nous nous sommes arc-boutés sur le diesel. Sans doute était-ce un piège : nous n’avons pas su expliquer de manière pédagogique que ce carburant représente 32 000 morts par an et que cela coûte beaucoup plus cher à la société de poursuivre dans cette direction que d’augmenter le prix du diesel d’un centime par an pendant dix ans pour rattraper celui de l’essence comme le propose la Fondation Hulot.

À quelques mois des municipales et des européennes, la séquence n’est pas des plus réussies pour EELV…

J’ai le sentiment d’assister à une immense régression. Nous avons abandonné notre fonction de lanceur d’idées pour devenir un parti comme les autres, obsédé par ses jeux d’appareil. Nous risquons d’en payer le prix aux prochaines élections. A se soumettre et à chercher des arrangements, il ne faudra pas s’étonner si notre électorat nous couvre de goudron et de plumes.

Mamère critique le fait que EELV soit devenu un syndicat d’élus et quelle est sa conclusion? Qu’il risque d’y avoir un problème électoral! Ce n’est pas cohérent. Au lieu d’élections, il aurait dû parler de contenu. Normalement, Mamère aurait dû, dans la logique des choses, organiser une rébellion afin que naisse une nouvelle structure écologiste, afin que EELV soit débordé.

Mais apparemment, cela n’intéresse pas du tout Mamère, qui d’ailleurs reproche à EELV non pas tant le contenu, que le style ! Il reste, de manière sincère, sur une ligne réformiste de transition à long terme en tentant d’aider les entreprises à « changer. »

Cela n’a rien à voir avec l’écologie, et il est intéressant de voir que Jean-Vincent Placé a expliqué que la démission de Mamère n’est pas importante par rapport aux « urgences pour la planète. » Quel culot de la part d’un technocrate !

Mais c’est tellement logique. Tant qu’il n’y a pas de projet sérieux – ce qui ne veut pas dire que ce projet ne doit pas être radical, révolutionnaire, bien au contraire ! – EELV pourra se présenter comme alternative « concrète »… même si au bout plus personne ne sera dupe, avec une crise absolument inévitable.

Ainsi, la seule conclusion logique de la démarche de Mamère, c’est de se tourner vers le repli individuel, avec éventuellement plus tard, une adhésion au Front de Gauche. Et pour conclure à ce sujet, voici deux photos significatives.

La première montre Mamère à l’assemblée : il est content en tentant de ne pas trop l’être, il a un costume mais à moitié seulement, car il a un jean. C’est EELV : institutionnel, en tentant de ne pas l’être, et finalement en l’étant.

La seconde montre les Verts en Allemagne au parlement, à leurs débuts. La culture alternative est totalement assumée. Bien entendu, les Verts se sont au fur et à mesure intégrés et ne présentent plus rien d’alternatif en Allemagne. C’était un projet idéaliste que de vouloir réformer les institutions. Mais au moins avaient-ils une dimension alternative au départ… Que EELV n’a même pas eu !