Un « gobelin » renversé dans le désert de l’Utah

La vague de protestation suite à un événement qui s’est déroulé aux États-Unis, dans l’État de l’Utah, est à nos yeux tout à fait légitime, mais en France la plupart des gens resteront profondément sceptiques.

Dans notre pays, en effet, n’est considéré comme beau ce qui a été façonné par la main des humains, ce qui signifie que quelque chose de naturel, comme une montagne ou une cascade, ne peut pas être beau.

Bien sûr beaucoup de gens diront que c’est beau quand même, mais cela reste un sentiment ; sur le plan culturel, sur le plan intellectuel, il y a une hégémonie totale pour « séparer » « nature et culture. » C’est ainsi le point de vue de l’absolue totalité des professeurs de philosophie en terminale.

Or, aux États-Unis, la Nature est reconnue comme ayant une valeur en soi, comme pouvant donc former des choses qui soient belles. C’est le cas de nombreuses formations rocheuses, dont en l’occurrence les « gobelins » du parc national Goblin Valley State Park.

On trouve là-bas des milliers de ce qui est appelé « Hoodoo » en anglais et des « cheminées de fée » ou encore des « demoiselles coiffées » en français ; ces formations ont 160 millions d’années et la roche en haut de la formation a protégé la roche plus friable, en-dessous, de l’érosion.

On peut visiter le parc, mais également dormir dans des yourtes installées là-bas.

Ce qui s’est passé, c’est qu’un chef boy scout a cassé un de ces gobelins, sous prétexte de protéger les jeunes d’une éventuelle chute du rocher. Sur la vidéo, on le voit cependant content et moqueur, saluant l’autre et rire, etc.

On entend également « Nous avons modifié la vallée des gobelins, une nouvelle vallée est née. »

4 jours après la vidéo mis en ligne, cela ne rigole plus : il y a eu 4 millions de vues, il a reçu des centaines de menaces de mort et il va vraisemblablement y avoir des poursuites par l’État, avec jusqu’à 15 ans de prison au bout.

Les Boy Scouts of America (2,6 millions de jeunes et 1,1 million d’adultes) se sont déjà désolidarisés de lui, au nom du principe de « ne pas laisser de traces » lors des activités menées dans la Nature.

Pour les gens en France, biberonnés à Descartes, cela semblera incompréhensible, ou exagéré, irrationnel, etc. Les arguments sont traditionnels dans notre pays : c’est allemand / américain / anglo-saxon, c’est de la folie, n’importe quoi, etc.

L’idéologie selon laquelle il faudrait « être comme maître et possesseur de la nature » se pose comme « rationnel », à l’opposé d’une humanité qui se « perdrait » en reconnaissant la nature.

Faux athées et catholiques sont ici unis face à l’ennemi « naturaliste. »

Il est pourtant évident que la rationalité, la dignité, l’intelligence sont du côté de ceux et celles n’appréciant pas que des humains égocentriques, anthropocentriques, débarquent et détruisent une roche vieille de 160 millions d’années.

Ce n’est que de la roche peut-être, mais cela montre que ces gens s’affirment comme coupés de la réalité de la planète, de son histoire. Et c’est là qu’est le fond du problème.

D’ailleurs, ces formations rocheuses, qu’on ne les aime ou pas, sont le fruit d’une évolution au sein de notre planète, tout comme nous. Bien sûr la vie compte plus, de par la sensibilité, mais cette roche a évolué elle-aussi, d’ailleurs on l’apprécie, de par ses formes.

On ne reste pas insensible. Autant donc attribuer une valeur à cela !