Le RER Nord-Pas de Calais, un projet d’urbanisation

Voici un très intéressant article, très moderne et résolument progressiste, de nouveau de Vean (Vegan Edge Antifa Nord), sur un projet qui une importance facilement aussi grande que l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.

Il s’agit en l’occurrence de donner à Lille un « réseau express régional » comme l’ont Paris, Londres, etc., c’est-à-dire une ligne de chemins de fer où une « capitale » absorbe ni plus ni moins que sa banlieue, la façonnant selon ses besoins. Le paradoxe est bien sûr que ce RER se présente comme une solution « écologiste » au problème de transport; en réalité ce grand projet coûtant au minimum 1,25 milliard d’euros implique un accroissement des transports et de l’urbanisation.

La réflexion de Vean est ici un très bon exemple d’une critique que l’on peut et que l’on doit ancrer dans le réel, dans le local, afin de mener une critique authentique de ce qui se passe.

Le RER Nord-Pas de Calais, ce serait encore plus de ville

Les habitants du Nord-Pas de Calais, en particulier ceux du bassin minier, sont depuis des décennies concernés par la question des transports. Les anciens ont arraché le charbon à la terre et forgé l’acier pour le rail, nos parents ont construit les moteurs et moulé les pare-chocs des autos, et les plus jeunes attendent d’avoir le permis…

Le bassin minier est sillonné de routes. Il est aussi engorgé de bouchons, chaque matin. Le conseil régional propose de mettre en place un Réseau Express Régional (RER) dans le but affiché de limiter le trafic automobile. Si le train peut paraître mieux que l’auto, notamment parce qu’il semble plus écolo, le projet de RER est en réalité une fuite en avant vers toujours plus de ville.

Le projet de RER Nord-Pas de Calais, c’est l’aménagement de nouvelles voies ferrées entre Hénin Beaumont et Lille, dans un premier temps. Pour le réaliser, il faut créer de nouvelles gares -des stations- à Hénin, Carvin, Seclin et Lesquin. Des extensions sont envisagées vers Lens, Douai, Arras et même Cambrai au sud, et d’autres vers Armentières, Roubaix, Tourcoing et Mouscron au nord.

Le tracé de la partie principale du tronçon serait parallèle à l’autoroute A1. Douze trains par heure mettraient Hénin à une vingtaine de minutes de Lille, avec un arrêt de 45 secondes à chaque gare, dans des rames contenant 225 personnes et roulant à 160 km/h.

Le bassin minier est un ensemble de villes de taille moyenne aglutinées les unes aux autres. C’est une zone de constructions accumulées au fil du temps, sans organisation. C’est un croissant d’une soixantaine de kilomètre de long sur une trentaine de large composé de pavillons, de canaux, de champs, de corons, de zone d’activité, de routes, de centres commerciaux, de voies ferrées semés comme au hasard.

Cet étalement anarchique ni réellement de villes ni tout à fait de campagnes a rongé les plaines d’Artois au fil des décennies. Aujourd’hui, les habitants sont totalement dépendants de l’automobile qui est indispensable aux déplacements de la vie quotidienne.

L’autoroute A1 est un des axes routiers importants (avec la rocade minière) qui traverse le bassin minier. C’est l’axe qui mène à Paris au sud et permet l’accès aux ports et aux villes industrielles du Bénélux au nord. Le bassin « minier », dans lequel les industries ferment les unes après les autres, voit passer près de 40000 poids lourds chargés de marchandises sur l’autoroute A1.

Capitale régionale, l’agglomération de Lille est le lieu d’une activité économique intense si bien que chaque jour 430 000 véhicules entrent et sortent de la ville. Chaque matin, les travailleurs émigrent de toutes les villes du bassin minier pour rejoindre leur boulot. Près de 200 000 d’entre eux viennent par l’A1, ce qui occasionne des bouchons, souvent dès Dourges.

Chacun est dans sa voiture qui est immobilisée la plupart du temps. C’est la désorganisation totale. On perd un temps précieux qui pourrait être consacré aux loisirs, à la vie sociale ou au repos. Le temps de transport est du gâchis.

Le Conseil régional porte le projet de RER et d’après ses calculs, 50000 personnes l’utiliseront chaque jour. Bien sûr, moins il y aura de moteurs de voiture en marche pour rien, et moins il y aura de pollution. Ce qui est une bonne chose pour les humains comme pour le reste du vivant. Mais le projet de RER, est-ce que c’est seulement ça ?
L’enjeu est économique. L’avis du CESER (institution qui regroupe des associations, des syndicats et des entreprises régionales) rendu en avril 2013 est très clair :

« Il est inadmissible que la situation de thrombose de la métropole lilloise perdure. On estime aujourd’hui le coût de la congestion régiuonale à 1,5 % du PIB, soit 1,4 milliards d’euros. »

Le projet de RER est une solution pour accélérer la circulation des biens et des personnes qui les produisent et les consomment. Le RER, c’est une façon d’augmenter le débit du capitalisme.

Pour réaliser le projet, il faudra construire de nouvelles gares, dont certaines en sous-sol, comme à Lesquin par exemple. Il faudra évidemment tracer les voies et poser des rails, surplombées de lignes électriques. Il faudra construire des viaducs, des ponts, des tunnels, des parkings. Il faudra raser des talus, ravager des bosquets et assécher des mares. C’est donc encore un peu plus de béton, de métal et de goudron qui seront étalés dans le bassin minier.

Par endroit, les plaines et les bois, tous les lieux de vie des animaux non-humains seront coupés par l’autoroute, la ligne TGV Lille-Paris et le RER. Des frontières infranchissables, marquées par le passage d’un train toutes les cinq minutes : de véritables lignes de mort pour les espèces sauvages.

Par la réalisation de ce projet, c’est Lille qui sort de ses limites actuelles pour se répandre jusque dans le bassin minier. C’est une ville monstrueuse qui se développe. Tous ceux qui ont du vivre en région parisienne, pour y travailler par exemple, savent que ce genre de ville rend l’épanouissement difficile. Entourés de béton et d’asphalte, on est plongé dans une foule compacte d’individus qui s’ignorent entre eux.

Les portes s’ouvrent. On se bouscule les uns les autres pour monter et pour descendre. Pas un mot. Pas un sourire. Chacun va dans sa direction sans savoir où vont les autres. C’est un chaos inhumain dans le bruit du métal et sous la lumière des néons…

Le projet de RER, c’est encore plus de ville.

A ce titre, notons que les verts comme le front national bottent en touche sur la question. Pour les verts, en carricaturant un peu : le train, c’est mieux que la voiture. Ils montrent là qu’ils se fichent de l’impact qu’aura le RER sur de nombreuses espèces animales et végétales dans la région. Quant au FN, Steeve Briois se dit favorable au projet, à condition que les stations soient en centre ville.

Le FN veut bien du futur, mais à condition qu’il ressemble au passé. Briois croit que le projet de RER, qui sert au développement d’une métropole concentrant toute l’activité, laissera une place à une petite ville commerçante du 20ème siècle. Les fascistes ne comprennent rien à ce qu’il se joue.

Ce qu’il se joue, ce n’est pas qu’une question de transport, c’est une question de civilisation. Ce ne sont pas de trains qui nous mènent vers une ville qui bouffe tout qu’il nous faut. Nous ne voulons pas d’une campagne soit disant paisible qui vivrait au rythme des traditions éternelles à la mode bobo ou facho. Nous avons besoin d’une autre cité, rationnelle et organisée, dans laquelle les humains pourront vivre et travailler, en paix avec les autres espèces.