Articles sur la vivisection en France

Le Journal du dimanche a publié des articles sur la vivisection, et cela de manière sérieuse. C’est assez rare pour être remarqué, de par le silence total qui règne à ce sujet, de peur que l’opinion publique ne réagisse trop négativement. Il y a donc là quelque chose qui s’est passé pour que de tels articles soient publiés, quelque chose d’historique pourrait-on dire parce que, de manière inévitable, la vivisection va devenir un thème de société et de lutte en son sein.

D’ailleurs, les chiffres sont devenus tellement important, qu’il est impossible de passer totalement cela sous silence. La vivisection, idéologie de la légitimation de tellement de produits et de tellement de recherches, est un business qui marche très bien… Le Journal du Dimanche raconte ainsi que: « un rapport de la Commission, paru le 5 décembre, confirme que la France est le pays de l’Union utilisant le plus d’animaux à des fins de recherche (2,2 millions en 2010) ».

Le but est bien entendu le profit, jamais la science, car si c’était pour la science, les résultats des tests seraient partagés, or ils ne le sont pas, les mêmes tests étant reproduits, pour « rien » à part pour justifier des recherches et les financements, pour « valider » des produits, pour faire patauger la science dans des conceptions archaïques mécanistes…

La publication d’articles informatifs par le Journal du Dimanche annonce pratiquement une nouvelle époque: celle de la vérité qui se voit, et des actes de justice qui en découlent.

Six questions clés sur l’expérimentation animale

DECRYPTAGE – En quelques années, le nombre d’animaux utilisés pour la recherche a été démultiplié. Quels sont les raisons de cette inflation? Eléments de réponse.

Combien de cobayes ?

En 2010, 2,2 millions d’animaux ont été utilisés pour la recherche (100.000 de moins qu’en 2007). Soit plus de quatre animaux par minute ! « En France, la formation scientifique repose sur l’expérimentation animale. Les chercheurs ont du mal à remettre en cause ce modèle », déplore Christophe Marie, porte-parole de la Fondation Brigitte Bardot. La France, répliquent les scientifiques, fait partie des pays leaders en matière de recherche, rien d’étonnant donc à ce qu’elle figure en tête de peloton. Depuis 1990, le nombre d’animaux utilisés a tout de même baissé de 40%.

Et depuis 2000, les chiffres restent stables alors que le nombre de publications a doublé tous les trois ans. « On utilise mieux les animaux, notamment grâce aux progrès de l’imagerie médicale. Pour suivre l’évolution d’une tumeur dans le cerveau, on n’est plus obligés d’euthanasier différents animaux à plusieurs stades de la maladie. On en observe un seul, par IRM ou scanner », explique Bruno Verschuere, consultant auprès du Gircor, groupement des établissements de recherche biologique et médicale.

Quelles espèces trouve-t-on dans les labos?

Les souris restent les animaux les plus utilisés (60%). « Au niveau génétique, elles ont 95% d’homologie avec l’homme, contre 50% chez la mouche », explique Bruno Verschuere. Viennent ensuite les animaux à sang froid (16%). « On utilise beaucoup le poisson zèbre ou le Médaka. Ces petits poissons ressentent moins l’anxiété ou la douleur que les mammifères. Ils se reproduisent vite et sont à moitié transparents, ce qui facilite les expériences », précise François Lachapelle, président du Gircor. « Ils permettent d’étudier la biologie du développement, la génétique, le système nerveux », ajoute Bruno Verschuere. On trouve ensuite les rats (en baisse), les lapins (en hausse), les oiseaux… Les autres espèces représentent très peu en pourcentage. Les chiens (3.032 en 2010) servent encore à tester des médicaments ou à étudier des maladies comme les myopathies. Les labos utilisent aussi des chats (569), des chevaux ou des ânes (373), des primates (1.810). Tous ces animaux naissent et sont élevés dans quelque 600 établissements agréés par le ministère de l’Agriculture.

A quoi servent-ils?

Pour un tiers, à la recherche fondamentale. Un autre tiers concerne la médecine humaine et animale, afin de comprendre les mécanismes des maladies et tester des stratégies thérapeutiques. Des souris servent à évaluer des thérapies ciblées contre le cancer ; d’autres sont génétiquement modifiées pour étudier la maladie d’Alzheimer ou la mucoviscidose…

Le dernier tiers des expériences regroupe la production et le contrôle des médicaments. La législation impose en effet des tests animaux pour tous les produits « biologiques » (vaccins et sérums) avant leur injection à l’homme. Des animaux produisent aussi des substances destinées à l’homme : en injectant, par exemple, une forte dose de vaccin à un cheval, on récupère ses anticorps par prélèvement sanguin et on peut fabriquer du sérum. « Avec un cheval, on obtient 30.000 doses antirabiques ou 60.000 doses antitétaniques »,selon Bruno Verschuere.

Au prix de quelles souffrances?

Toute expérimentation est soumise aux trois R : remplacement (par une autre méthode dès qu’on le peut), réduction (du nombre d’animaux utilisés) et raffinement (réduire le plus possible la douleur). Mais en pratique? « Des animaux sont toujours rendus malades artificiellement, ‘mutilés’, soumis à des ingestions forcées ou à des produits irritants », s’indigne Arnaud Gavard, porte-parole de l’ONG Pro Anima. Les scientifiques, eux, mettent en garde contre les images choc. Un exemple? Les « vaches hublot » qui permettent de scruter directement la digestibilité des aliments.

« Ces bovins supportent très bien l’appareillage et vivent même plus longtemps que les autres », assure Sandrine Bruyas, qui suit le dossier expérimentation animale au niveau européen pour le compte du ministère de l’Agriculture. Mais la douleur reste difficile à évaluer. Pour chaque espèce, les chercheurs recourent à des tableaux de scoring. « Pour la souris, par exemple, on regarde la position des moustaches, du pelage, du dos… « , décrit Mme Bruyas. Depuis le 1er février, les demandes d’expérimentation, soumises à des comités d’éthique, doivent mentionner la « sévérité » du test pour l’animal.

Combien en sortent vivants?

« Environ 90% des animaux sont euthanasiés ; c’est même parfois le protocole qui l’impose », estime Bruno Verschuere. Dix pour cent pourraient donc être placés. Mais on n’atteint même pas 1%! » Depuis 2005, le Graal (Groupement de réflexion et d’action pour l’animal) propose d’adopter toutes sortes d’animaux de labo -chiens, chevaux, primates, oiseaux, serpents…- Certains sont recueillis par des particuliers, d’autres dans des centres spécialisés. « Cette année, nous avons placé 250 chiens et une quinzaine de chats, soit 5 à 10% de ces deux espèces utilisées en labo », explique sa présidente Marie-Françoise Lheureux. « Nous ne réussirons sans doute pas à aller au-delà de 15% -trop d’expériences invasives rendent obligatoire l’euthanasie de l’animal-, mais on peut faire mieux si les établissements de recherche s’impliquent davantage. »

Peut-on s’en passer?

C’est déjà le cas pour les cosmétiques qui ne sont plus testés sur les animaux depuis mars dernier. Pour le reste? « On ne peut pas se passer de l’expérimentation animale », assure François Lachapelle, le président du Gircor. « C’est la seule façon d’étudier un organisme complet. Et les observations sont plus fiables : 40% des résultats obtenus sur les primates sont transposables à l’homme, 20% des études sur les rongeurs, contre moins de 1% des tests sur les cellules. » « Les résultats des expériences menées sur les animaux ne sont pas directement transposables à l’homme », conteste Christophe Marie, de la Fondation Brigitte Bardot.

« Il faut passer à des méthodes substitutives plus fiables. » Dans la recherche contre le cancer du poumon, l’ONG Pro Anima travaille par exemple sur la modélisation d’une tumeur en 3D. Qui sait… Des essais in vitro (dans un tube à essais) ou in silico (par ordinateur) permettront peut-être un jour de ne plus utiliser les animaux. « Ces dix dernières années, l’OCDE a validé une vingtaine de méthodes alternatives pour tester la toxicité des substances », précise Philippe Hubert, directeur de la plateforme française destinée à promouvoir ces méthodes. « Mais beaucoup reste à faire dans d’autres domaines, notamment l’enseignement et la recherche médicale. »

Ces chiens qui meurent pour nous

ENQUÊTE – Beagles, golden retrievers, briards… Chaque année, 3.000 chiens servent de cobayes dans les laboratoires français. Certains sont même programmés pour naître myopathes. Jusqu’où la science peut-elle aller?

Un chiot se blottit contre sa mère, puis est transféré vers le labo, et son cadavre est disséqué. C’est ainsi qu’est résumée la vie d’un beagle né au centre d’élevage de l’Yonne. Localement, un collectif se bat avec ces images chocs. « Dans cet élevage caché au fond des bois, on élève des chiens, en majorité des beagles, pour les envoyer en laboratoire, à l’âge de 5 mois, dénonce Michèle Scharapan, membre du collectif. Ces chiens, privés de tendresse, voient très peu la lumière du jour. On les prépare à la vivisection. »

En France, où l’on compte 8 millions de chiens de compagnie, 3.032 d’entre eux (en 2010) ont pris le chemin des laboratoires. « Les beagles sont une race ni trop grande, ni trop petite, et qui viendra vous lécher la main quoi que vous fassiez, explique le vétérinaire André Ménache, directeur d’Antidote Europe, un collectif qui milite pour une science responsable. La majorité des beagles sert à tester des médicaments. On leur en fait avaler deux ou trois fois par jour, en leur mettant une sonde dans l’estomac, sans analgésique, ni anesthésie. »

D’autres espèces servent aussi de cobaye. « On utilise des races qui présentent spontanément des maladies assez proches des nôtres, explique François Lachapelle, le président du Groupe interprofessionnel de réflexion et de communication sur la recherche (Gircor). Les golden retrievers, qui souffrent de la myopathie de Duchenne. Les briards frappés de rétinite pigmentaire qui les rend aveugles. Les boxers sujets aux maladies cardiovasculaires. »

Pour étudier les maladies héréditaires comme la myopathie du Duchenne, les chercheurs ont recours à des chiens obtenus en élevage, par « reproduction orientée », en croisant deux chiens porteurs du gène défectueux. Ils « fabriquent » ainsi des animaux malades pour tester les nouvelles thérapies.

Dans le cadre d’un mémoire en philosophie éthique sur l’expérimentation animale, Audrey Jougla s’est rendue dans un labo où étaient menées des recherches sur la maladie de Duchenne financées par l’AFM Téléthon. « Les chiens ne pouvaient plus s’alimenter, témoigne-t-elle. Ils étaient nourris par sonde, ils avaient des difficultés respiratoires et motrices très lourdes. Certains chiots ressemblaient déjà à des robots. J’ai demandé à un praticien s’ils souffraient, il m’a répondu sur le ton de l’humour qu’il n’aimerait pas être à leur place. »

Pourquoi utiliser un chien plutôt qu’une souris? « D’abord, parce que nous partageons avec lui une plus grande proximité génétique, répond François Lachapelle. Mais aussi parce que sa taille et son poids sont proches de ceux d’un enfant, sa fréquence cardiaque voisine de la nôtre. Et parce qu’on peut mener sur lui des études de long terme… La souris, elle, ne vit pas plus de 2 ans. » Les recherches sur les chiens, selon lui, ouvrent des pistes à des thérapeutiques fiables. Pour soigner la maladie de Duchenne, deux traitements ont été élaborés sur des golden retrievers. L’un, de médecine régénérative, est en cours d’expérimentation sur l’homme ; l’autre, génétique, le sera en 2015.

En 2006, une pétition demandant l’abolition des expérimentations sur les chiens et les chats avait recueilli quelque 350.000 signatures. Trois ans plus tard, l’association One Voice publiait une enquête sur « des expériences aberrantes sur les chiens et les chats conduites en France ». « En théorie, la directive sur l’expérimentation animale interdit tout test impliquant une douleur aiguë et prolongée. En faisant naître, à dessein, des animaux atteints de myopathie, on entraîne forcément ce type de souffrance, s’indigne Christophe Marie, porte-parole de la Fondation Brigitte Bardot. Cela montre bien les limites du discours actuel concernant l’encadrement des tests sur les animaux. »

Les chercheurs, eux, assurent qu’ils réfléchissent « en amont du protocole » : a-t-on besoin d’un animal? Comment leur éviter de souffrir? Et « en aval », certains offrent une seconde vie à leurs cobayes. Depuis 2005, l’association Groupement de réflexion et d’action pour l’animal (Graal) propose à l’adoption toutes sortes d’animaux de labo : « Cette année, nous avons placé 250 chiens et une quinzaine de chats, soit 5 à 10% de ces deux espèces, explique sa présidente Marie-Françoise Lheureux. Nous espérons faire mieux, mais nous ne réussirons sans doute pas à aller au-delà de 15%. » Dans les autres cas, les « expériences » rendent en général obligatoire l’euthanasie de l’animal…