Nous avons déjà parlé de « 269 », un mouvement à nos yeux irrationnel et irrespectueux (Se marquer au fer rouge pour aider les animaux?!, Happening irrespectueux avec des têtes d’animaux morts).
Le Nouvel Observateur a publié au sujet de celui-ci un article très documenté intitulé Fer rouge, faux sang, « shoah » et poussins morts : 269Life, les pro-animaux de l’extrême.
Le voici ici pour archives, et une réflexion doit également être faite ici. 269Life est un mouvement israélien qui rue dans les brancards et assimile la condition animale dans l’industrie à la Shoah. C’est certainement discutable, mais c’est un positionnement moral radical.
Alors comment en arrive-t-on encore une fois en France à des gens interprétant une telle radicalité… dans un sens réformiste, en acceptant qui plus est que des nazis soient dans leurs rangs?
2 octobre 2012. Enchaînés aux piquets qui forment autour d’eux un enclos de fil barbelé, trois hommes à demi-nu attendent en silence, assis sur les pavés de la place Rabin à Tel Aviv.
Un groupe d’individus encagoulés et vêtus de noir vient interrompre l’étrange tranquillité de la scène et s’empare un à un des hommes pour les immobiliser au sol. Un mètre plus loin, le souffle d’un chalumeau caresse une pièce d’acier sur laquelle est inscrit le numéro 269. Tour à tour et dans une violence orchestrée, les trois hommes vont se faire marquer le corps au fer rouge devant les visages choqués des badauds.
Cette première action-choc marque la naissance de 269Life en Israël et à travers le monde. À l’origine du mouvement, un jeune Israélien de 29 ans, Sasha Boojor, qui explique que son mouvement demande « la libération inconditionnelle des animaux ».
Le numéro 269 appartient à un veau que les activistes ont sauvé de l’abattoir dans une ferme laitière de la campagne israélienne. Le bovin est devenu le symbole du mouvement tant son utilisation dans la production de lait, de cuir et de viande est emblématique de l’exploitation animale.
Selon un manifeste publié sur leur site web:
« Il n’existe pas de cage assez grande, de lame assez bien aiguisée pour justifier l’exploitation industrielle des animaux […] La manière dont notre espèce traite les animaux prouve la complète contradiction avec la manière dont nous nous percevons, comme entité d’une société progressiste, juste et morale. »
Du militantisme à l’activisme
Pour Sasha, le végétalisme qu’il pratique depuis plus de dix ans n’est qu’une première étape essentielle « que toute personne responsable devrait effectuer », mais elle n’est pas suffisante.
Après des années de militantisme « traditionnel », le jeune homme décide de passer à l’action. Il ne croit plus aux méthodes de sensibilisation des autres associations et au végétalisme « trop passif ». Sasha organise une série d’événements destinés à choquer et à « utiliser sur les humains, la violence imposée aux animaux ».
Démarrage réussi pour 269Life avec le marquage au fer rouge de Sasha et de deux autres activistes en octobre 2012. Une vidéo visionnée plus de 340.000 fois sur YouTube, partagée par des milliers de personnes sur les réseaux sociaux, et de nombreux autres « marquages » en République tchèque, aux Etats-Unis ou en France.
En Israël, des activistes militent de façon inédite pour le végétalisme et la libération des animaux. Fédérés au sein du mouvement 269Life, ils multiplient actions-chocs et inondent les réseaux sociaux.Depuis, le groupe alimente plusieurs fois par jour sa page Facebook et organise d’autres mises en scène dans les rues de Tel Aviv ainsi que des expéditions de libération dans des fermes du pays.
Plusieurs milliers de militants se sont fait tatouer « 269 » sur le corps pour afficher leur soutien à la cause animale.
Plusieurs fois arrêté et placé en garde à vue, Sasha réplique : « Aller en prison ne me dérange pas, c’est la manière dont les animaux sont emprisonnés qui me dérange ».
Lors de leur dernière action, qui les a conduits a déverser du faux sang et des poussins morts dans les bureaux d’une entreprise gestionnaire de fermes avicoles, les participants ont tous été placés en garde à vue par la police et relâchés le lendemain.
« Shoah animale » ?
Quid du caractère extrême de ces actions ? Selon Sasha, il n’y a « aucune autre alternative pour réveiller les consciences ».
Pourtant des voix s’élèvent contre 269, leur actions et leur discours, même au sein des sympathisants de la cause animale. Les premières critiques sont apparues lorsque le mouvement a décidé de joindre la parole aux actes et a qualifié l’industrie de la viande d’« holocauste animal » en écho aux déclarations d’écrivains et de survivants de la Shoah devenus végétariens.
Isaac Bashevis Singer, auteur juif et prix Nobel de littérature en 1978 a été l’un des premiers à faire cette analogie dans l’un de ses romans. Ainsi, il écrit dans « The Letter Writter » :
« Dans les relations avec les animaux, tous les gens sont des nazis ; pour les animaux, c’est un éternel Treblinka. »
Pour les activistes de 269, les similitudes avec la Shoah sont frappantes (transports, logistique des abattoirs, tatouages). Ces déclarations ont fait l’effet d’une bombe dans l’état hébreu où les questions relatives à la Shoah sont, encore aujourd’hui, sur toutes les lèvres.
Une version française du mouvement
269 a fait des émules dans plus de 40 pays à travers le monde et notamment en France où l’on comptabilise plusieurs centaines de sympathisants.
Philippe (Le prénom a été modifié) est porte-parole et initiateur du collectif français depuis février 2013 : « Sasha et ses amis nous conseillent et nous soutiennent. Nous travaillons en collaboration avec les Israéliens pour développer nos actions ». Philippe a été séduit par la façon innovante de parler de la protection animale et, selon lui, la violence des actions permet de toucher une nouvelle frange de militants qui n’a plus confiance en la méthode douce.
Contrairement au positionnement de Sasha, la déclinaison française se focalise sur la protection des animaux et non pas sur leur libération inconditionnelle car « la puissance des lobbies est trop importante en France » selon Philippe.
Dès sa création, 269Life France a été épaulé par d’autres associations emblématiques comme L214, qui lui ont apporté soutien et crédibilité. Pour Philippe : « En France, on a décidé d’éduquer les animaux humains pour sauver un maximum d’animaux non humains sur le long terme. »
La dernière sortie des activistes français date du 1er février, lorsqu’ils ont organisé un simulacre de banquet, place de la Bastille, à Paris, au cours duquel étaient présentées au public des têtes, respectivement de mouton, d’agneau, de porc, et en bonne place, une tête humaine.
Le storytelling, les mises en scène et la communication bien huilées de 269 semblent fonctionner, mais jusqu’où les activistes sont-ils prêts à aller pour faire entendre leur cause ? À cette question, Sasha répond : « Mon dévouement pour les animaux est tout pour moi, il n’y a que ça qui compte et je donnerai ma vie pour eux « .