« Le Scénario 3 : le développement durable anime la filière »

Lorsqu’il a été parlé hier des œufs bios et de Monoprix, il y avait une ambiguïté, une erreur, dans ce qui a été dit, car on pouvait comprendre que Monoprix ne fait plus que des œufs bios. En fait, Monoprix vend des œufs de toutes sortes, mais elle a sa propre marque et celle-ci ne vend plus des œufs dits de batterie.

C’est bien entendu différent. Autant revenir brièvement sur cette question, à l’arrière-plan compliqué. Par exemple, voici un aperçu de la grande distribution en parts de marché. On a ainsi Carrefour, qui a 21 % des parts de marché, Leclerc qui en a 17 %, Intermarché qui fait 14 %, Casino qui fait 10 %, Système U 9 %, Auchan 8 %, Lidl 6 % et Aldi 3 %.

Comme on le sait, ces distributeurs se font une guerre totale. On ne voit pas trop comment l’un d’entre eux pourrait supprimer un produit de ses rayons, alors qu’un autre continuerait à le vendre.

Et où est Monoprix dans cette histoire ? Eh bien Monoprix est une marque du groupe Casino, tout comme Casino, Franprix et Leader price. Donc même une campagne sur Monoprix ne représente qu’un aspect d’un distributeur, qui de toutes manières peut se rattraper ailleurs…

Qui plus est Monoprix est une marque ici assez « haut de gamme ». Les bobos et les riches vont à Monoprix, pas à Leader price, bien sûr. Ils peuvent assumer un choix « éthique » pour leur marque, car ils ne sont pas à un euro près lorsqu’ils achètent des œufs…

C’est peut-être pour cela que l’association L214 vise désormais Système U. Mais dans tous les cas donc, comme dit hier, il n’existe pas de distributeur refusant les œufs de batterie, et on voit mal comment dans un contexte de concurrence, qui plus est exacerbée, cela pourrait être le cas.

De manière plus intéressante par contre, voici ce que dit un document de 2011, tiré des « Journées de Recherche avicole ». C’est un peu vieux et donc moins actuel que le document dont il était parlé hier, néanmoins le principe était déjà le même : à quoi ressemblerait la production en 2025 ? Et là où c’est intéressant, c’est qu’il y a des scénarios.

Le document d’hier consistait en effet en des directives, des choix, ici on est dans des hypothèses de travail, et justement, le scénario 3 correspond à ce qu’espère le réformisme du bien-être animal. Il faut bien faire attention : ce n’est pas ce scénario que l’Etat a choisi pour la filière, ni d’ailleurs donc ce qu’a voulu la filière car c’est elle qui décide en réalité.

Mais cela permet de voir : que se passerait-il, si….

« Le Scénario 3 : le développement durable anime la filière

En 2025, l’Europe mise sur ses atouts en matière de développement durable pour faire face à la concurrence internationale et développer une production agricole de qualité sur son territoire.

La sortie de la crise économique et la progression du pouvoir d’achat des consommateurs ont permis l’expression d’un niveau d’exigence élevé en matière de préservation de l’environnement et de qualité des produits.

La baisse de la consommation de viandes profite largement à la consommation d’œufs qui augmente fortement. Les consommateurs privilégient des produits frais, de proximité, à faible impact environnemental et respectant le bien-être des animaux. La part des ovoproduits recule à 30 %. Les attentes de santé, respect de l’environnement et du bien-être animal, sont relayées par la grande distribution, qui n’offre plus à la vente que des œufs alternatifs.

Différents systèmes d’élevage coexistent pour des débouchés spécifiques : 20 % de la production sont produits par des poules élevées en cages et sont destinés quasi exclusivement à l’industrie de transformation. 30 % sont produits par des poules élevées en volières en claustration et sont destinés au hard discount et aux gammes premier prix de la GMS [les grandes et moyennes surfaces – ltd].

Enfin, 50 % de la production sont issus d’élevages alternatifs bénéficiant d’un accès à un parcours (plein air ou bio) ; ils alimentent à la fois les circuits courts, la GMS mais aussi l’industrie de transformation qui absorbe 30 % d’oeufs produits dans des systèmes alternatifs.

Des fermes de ponte importantes coexistent avec des élevages familiaux alternatifs dont la taille moyene varie de 5 000 à 30 000 poules. Le maillage territorial est assez dense et les élevages assez bien répartis sur la territoire. »

Des politiques facilitant les démarches de création et d’installation des élevages sont mises en place.

Donc, acceptons que ce scénario soit vrai. Que voit-on ? Tout d’abord, qu’il y a une production à deux vitesses, et que comme dit hier, il y a forcément le maintien d’une production à bas coûts, parce que c’est un impératif.

Mais ce n’est pas tout. De quelle manière est-il parlé des œufs des élevages alternatifs ? Eh bien comme de produits de qualité, comme des marchandises de qualité, avec un petit capitalisme devenu extrêmement fort.

Et qui paiera le prix de cela ? Pas seulement les poules devant « produire » donc les 50 % des œufs ne valant que très peu de choses financièrement. Mais inévitablement d’autres animaux, dans un autre secteur de l’exploitation animale…

Exploitation animale qui, les faits sont là, sortirait renforcée des « réformes » préconisées par les partisans du « bien-être animal », par un maillage encore meilleur sur le territoire, par des petites productions intégrant encore plus de gens, par une « excuse » renforcée de l’exploitation animale, devenue subitement « humaine », acceptable…