Que pouvait-on attendre de Nicolas Vanier?

Nicolas Vanier en prend littéralement plein la gueule en ce moment. Les chiens récupérés de son « camp » étant dans une situation de santé très mauvaise, les critiques fusent, et même les médias traditionnels y vont « cash ».

Même Le point y va carrément d’un :

L’odieux business canin de Nicolas Vanier

Le camp qui porte le nom du célèbre explorateur a fermé pour des raisons d’hygiène et de sécurité, laissant orphelins 61 chiens en mauvaise santé.

Mais comment être étonné ? Et en quoi d’ailleurs Nicolas Vanier est-il un « explorateur »? Est-il un scientifique? Non, justement, c’est un aventurier, un explorateur qu’on s’imagine qu’il y a en eu de par le passé. En fait, le fond du problème est qu’ici certains ont oublié trop vite l’idéologie typique du 19e siècle de l’explorateur – aventurier, dont « Indiana Jones » et « Lawrence d’Arabie » sont des exemples connus.

Nicolas Vanier ne doit même pas comprendre ce qu’on lui reproche. Car ce qui compte derrière, ce qui est essentiel, c’est la question de la Nature. Or, Nicolas Vanier en a une vision tout ce qu’il y a de plus traditionnel, avec en gros la conception selon laquelle la Nature est impitoyable, marquée par la loi du plus fort, etc. C’est d’ailleurs le point de vue typique du 19e siècle, de ces aventuriers et explorateurs…

Nicolas Vanier s’est toujours présenté ainsi comme un baroudeur, un aventurier, un « mec » qui va à l’extrême. Il a la même conception que tous les aventuriers, tous les gens qui font des sports extrêmes, etc. : il veut l’adrénaline, les « grands espaces », etc. Normalement il voudrait des « découvertes », mais désolé c’est trop scientifique tout de même, donc c’est mis de côté…

Ce n’est d’ailleurs pas pour rien si dans les pays nordiques on peut trouver des Français louant des chiens de traîneaux ! C’est ici l’aventure individuelle, associée à l’exotisme, marqué par un goût du pittoresque…

La Nature, d’ailleurs, pour tous ces gens, n’est intéressante que de manière pittoresque, le reste ne compte tout simplement pas.

C’est cela qui explique que Nicolas Vanier est un cynique, et qu’il ne comprend tout simplement rien. Il accuse par exemple les associations de « buzzer » pour se faire de l’argent. C’est pathétique quand on sait le temps et l’énergie qu’exigent de travailler dans un refuge, et cela montre qu’il assimile les refuges à une sorte de casino pour ses membres humains. Mais il est certainement sincère, c’est ça le pire !

Voici ce qu’il dit dans un message sur facebook :

« Ces fausses informations, immédiatement reprises et commentées sur les réseaux sociaux et dans les médias, ont atteint le seul but que s’était fixé cette association : faire parler d’elle et récupérer de l’argent en touchant la sensibilité des gens et en activant des réseaux d’associations et des médias qui auraient dû effectuer les vérifications nécessaires. »

Toute la vision social-darwiniste du monde se reflète ici. Comme chez Nietzsche, les « faibles » tentent d’escroquer les « forts »…

On a la même chose dans son texte « Le Camp Nicolas Vanier ferme ses portes » où il annonce la fermeture du camp.

A une vision « mystique » autour de ses aventures, il ajoute une vision du monde totalement libéral, totalement capitaliste. La Nature ? Il n’en parle même pas… Voici le texte en entier, parce qu’il est totalement représentatif de l’esprit qu’on peut résumer par la formule « aventure + business ».

« La fin d’une aventure …
Le Camp qui porte mon nom va fermer ses portes. Cette décision douloureuse était inévitable.

Je n’ai jamais dirigé cette structure auquel j’ai apporté mon âme, celle de mes voyages, à qui j’ai donné une vision avec le rêve d’en faire un lieu d’échanges, où je voulais que nous transmettions notre amour des chiens et de la nature.

Ceux qui se sont succédé à la direction de ce Camp étaient, comme moi, des passionnés, de chiens, de chevaux, de nature mais pas des gestionnaires.
Pendant cinq ans, le Camp n’a fait que perdre de l’argent, tout en offrant à ceux qui nous faisait l’amitié de venir nous voir du rêve, ce qui était une sorte de contrepartie au temps, à l’énergie, à tout l’argent que nous avons mis dans cette structure pour tenter de la faire vivre et durer.

Par ailleurs, nous étions loin d’imaginer nous retrouver victimes et dépendants de la rigidité des banques qui sont intraitables, ainsi que de l’administration française qui assomme les entreprises de taxes, d’impôts, de prélèvements tout en exigeant de se conformer à une réglementation coûteuse et insupportable pour les petites structures comme la nôtre.

Le gérant, en accord avec les associés dont je fais partie, a donc pris, la mort dans l’âme, la seule décision qui s’imposait : fermer et déposer le bilan.

Pour ma part, je poursuis mes aventures avec mes chiens qui ne sont pas impactés par cette décision sinon qu’ils seront entraînés ailleurs.
Les chiens du Camp, appartenant pour certains aux amis avec lequel nous avons monté ce Camp, seront replacés chez eux et pour quelques-uns dans des structures identiques à la nôtre ou chez des particuliers capables de bien s’en occuper.
Par ailleurs, le Camp indemnisera les clients qui ont déposé des acomptes. En dernier recours, je le ferai moi-même en leur disant combien je suis désolé pour ceux qui avaient prévu de venir nous voir prochainement.

Nous sommes très tristes de devoir abandonner ce rêve pour lequel, croyez-nous, nous avons tant, tant donné.

Je souhaite que dans cette affaire douloureuse, les esprits malveillants se taisent et nous laissent faire le deuil de cette aventure.
Et surtout un grand merci à tous ceux qui nous ont déjà exprimé leur sympathie et nous ont proposé leur aide. »

Rêve, aventure, argent, réglementation… Voilà à quoi le texte se résume. Quant à la Nature, elle est juste ici au mieux un lieu pittoresque où en profiter.

Et cela, il y en a plein des gens qui ont cette vision du monde. On peut même dire que la majorité des gens aisés ont exactement cette manière de voir les choses et de déconsidérer la Nature.

La chasse, le golf, la pêche, le polo, les traîneaux tirés par les chiens… Voilà ce qui intéresse ces gens ; la Nature c’est le lieu de cela, pour « ressentir » des sentiments forts.

Voilà pourquoi Nicolas Vanier peut prétendre aimer la Nature et dire que se préoccuper des phoques massacrés au Canada relève de la « sensiblerie ». C’est l’idéologie du trappeur. Nicolas Vanier témoigne du fait que les grands bourgeois et les décroissants ont, finalement, la même conception passéiste de la Nature…