Le « jus de viande » « viandox »

Lorsque la viande est devenue une production industrielle, au fur et à mesure du 19ème siècle, il est apparu des entreprises proposant des « extraits » de viande. L’une d’elle, très connue, est la « Liebig’s Extract of Meat Company », fondée en 1865 en Angleterre.

Le Liebig en question est Justus Liebig, un chimiste allemand qui participe de plain-pied à l’agriculture nouvelle qui s’élance. Voici quelques publicités typiques du genre pour les « extraits de viande »…



Ces images sont frappantes d’irrationnel… Et c’est tout un arrière-plan.

Prenons par exemple le « bovril ». C’est un « extrait de boeuf » produit par Unilever, et l’origine du nom est tout un symbole. Si « bov » fait penser au bœuf, le terme « vril » fait référence à un roman de science-fiction où une race humanoïde supérieure utilise une énergie magique, appelé justement « vril ».

Le succès du roman d’Edward Bulwer-Lytton, « Vril, le pouvoir de la race à venir », fut énorme dans les milieux mystiques d’extrême-droite, et ceux jusqu’à aujourd’hui… On est dans la logique de la « viande » comme moyen de se dépasser physiquement…

On notera qu’Unilever possède, en plus de Bovril, également la « Marmite » (prononcer « marmaïte »), cette pâte à tartiner végétalienne très connue en Angleterre, et par ailleurs également inventée par Liebig, à partir de levures de bière.

Et Unilever possède aussi, par l’intermédiaire de Knorr, le fameux « Viandox ».

Il s’agit d’une sauce salée avec notamment des exhausteurs de goût (glutamate monosodique etc.) et justement de « l’extrait de viande ».

Voici les conseils « officiels » d’utilisation :

« Pour la cuisson des pâtes, du riz, des pommes de terre et des légumes : versez 2 cuillères à soupe d’assaisonnement Viandox dans l’eau de cuisson.
Pour vos soupes et vos plats de viande ou poisson, versez quelques gouttes d’assaisonnement Viandox pendant la cuisson ou directement dans l’assiette.
Pour une boisson chaude réconfortante : versez 2 cuillères à café d’assaisonnement Viandox dans 20 cl d’eau bouillante. »

Car le viandox, c’est un ancien « classique » du bistro, au point d’avoir été immortalisé dans une chanson de Renaud décrivant cette ambiance « blouson de cuir » :

« Un p’tit Rocky barjo
Le genre qui s’est gouré d’trottoir
Est v’nu jouer les Marlon Brando
Dans mon saloon
J’ai dit à Bob qu’avait fait tilt
Arrête j’ai peur c’est un blouson noir
J’veux pas d’histoires
Avec ce clown

Derrière ses pauv’ Raybane
J’vois pas ses yeux
Et ça m’énerve
Si ça s’trouve i’m regarde
Faut qu’il arrête sinon j’le crève
Non mais qu’est ce que c’est qu’ce mec
Qui vient user mon comptoir
L’a qu’à r’tourner chez les Grecs
Se faire voir

Avant qu’il ait bu son viandox
J’l’ai chopé contre l’juke-box
Et j’lui ai dit
Toi tu m’fous les glandes
Pis t’as rien à foutre dans mon monde
Arrache toi d’là t’es pas d’ma bande
Casse toi tu pues
Et marche à l’ombre »

Voici des images typiques de l’esprit « viandox », encore une fois assez terrible…






Tout cela relève de la logique du « pour avoir du muscle il faut manger du muscle » propre à l’idéologie de la viande. Et on peut être bien heureux que le viandox se soit totalement ringardisé, et même c’est un bon exemple à utiliser pour se moquer de tout cela !