Un « éternel Treblinka » s’est exprimé à Nantes

Ce qui s’est passé à Nantes avec les ragondins (Massacre de ragondins devant la préfecture de NantesDe nouveau sur les barbares de Nantes) mérite vraiment qu’on s’y attarde. C’est un phénomène, en effet, très particulier que de voir un tel événement. Ce n’est pas rien, on ne peut pas se dire simplement : ces gens sont des idiots.

Car ce fut assurément extrêmement bien organisé et les gens y participant ont été très contents. Ils étaient totalement motivés, prenant des photos et riant, criant, n’hésitant pas à frapper les ragondins, etc.

Un tel événement relève d’une culture : essayons de voir laquelle. Déjà, on doit s’attarder sur la dimension publique de cet acte. Les ragondins étaient amenés comme des prisonniers, alors regardons ce que dit le droit international à ce sujet.

Convention (III) de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre, 12 août 1949.
Traitement humain des prisonniers

ARTICLE 13. – Les prisonniers de guerre doivent être traités en tout temps avec humanité. Tout acte ou omission illicite de la part de la Puissance détentrice entraînant la mort ou mettant gravement en danger la santé d’un prisonnier de guerre en son pouvoir est interdit et sera considéré comme une grave infraction à la présente Convention. En particulier, aucun prisonnier de guerre ne pourra être soumis à une mutilation physique ou à une expérience médicale ou scientifique de quelque nature qu’elle soit qui ne serait pas justifiée par le traitement médical du prisonnier intéressé et qui ne serait pas dans son intérêt.

Les prisonniers de guerre doivent de même être protégés en tout temps, notamment contre tout acte de violence ou d’intimidation, contre les insultes et la curiosité publique.
Les mesures de représailles à leur égard sont interdites.

Un contre-exemple connu de présentation au public, datant d’avant la convention d’ailleurs, fut la marche de plus de 50 000 prisonniers de guerre allemand à Moscou, en juillet 1944. Mais cette « marche des vaincus » se fit dans le silence.

Non, pour retrouver une telle furie, avec une plèbe entourant des êtres vivants pour les vilipender, les frapper, il faut aller chercher chez les nazis, comme lorsqu’à Vienne en 1938 après l’invasion allemande des personnes juives furent forcées par la « populace » à nettoyer les rues à la brosse à dents.


Toutes proportions gardées, on retrouve les mêmes postures dans les bizutages ou tout autre acte sadique fait en collectif. Et on retrouve toujours des hommes, pratiquement aucune femme. On est là dans une démarche foncièrement primitive, où la raison disparaît, où ne règne plus que des sortes de pulsions malsaines.

Et ces pulsions sont-elles naturelles ? Bien sûr que non. Il n’y a rien de naturel à enfermer des ragondins dans des caddies, pour les exposer sur la place publique afin de les maltraiter. On est là dans le raffinement destructeur, dans l’idéologie de l’oppression. Tout cela est terriblement malsain.

Et il ne pouvait y avoir qu’une époque malsaine comme en ce moment pour que ces gens osent étaler au grand jour leur volonté ignoble de faire mal, d’humilier, de détruire.

En pensée, Herman fit l’oraison funèbre de la souris qui avait partagé une partie de sa vie et qui, à cause de lui, avait quitté cette terre.

« Tous ces érudits, tous ces philosophes, les dirigeants de la planète, que savent-ils de quelqu’un comme toi ? Ils se sont persuadés que l’homme, espèce pécheresse entre toutes, domine la création. Toutes les autres créatures n’auraient été créées que pour lui procurer de la nourriture, des fourrures, pour être martyrisées, exterminées.

Pour ces créatures, tous les humains sont des nazis ; pour les animaux, c’est un éternel Treblinka. » (Isaac Bashevis Singer, The Letter Writer)