Vers « l’Agence nationale de la biodiversité »

Du 16 au 19 mars, l’assemblée nationale va étudier une loi sur la biodiversité, avec beaucoup de retard puisque la date prévue était la fin de l’année 2013…

L’objectif est de fonder une « Agence nationale de la biodiversité ». Hier, une conférence de presse s’est tenue, en présence des députés rapporteurs de la loi Biodiversité: Geneviève Gaillard rapporteur du projet (PS), Laurence Abeille (EELV) et Serge Grouard (UMP), mais également de Benoît Hartmann, porte-parole de FNE, Mathieu Orphelin, porte-parole de la FNH, Bernard Chevassus-au-Louis et Christophe Aubel, Président et Directeur d’Humanité & Biodiversité, et Philippe Germa, directeur général du WWF France.

On l’aura compris, il s’agit d’institutionnaliser une écologie dans une version totalement compatible avec les valeurs dominantes.

Il faudra étudier la loi quand elle sera passée, cependant en voici l’introduction, qui présente les points fondamentaux (dont les détails seront donc à étudier).

Mesdames, Messieurs,

L’état et les perspectives de conservation de la biodiversité restent préoccupants dans le monde à bien des niveaux : de l’espèce aux habitats, de la terre à la haute-mer… La France n’échappe pas à ce constat. Les derniers bilans montrent que 22 % des habitats d’intérêt communautaire en France seulement sont en bon état de conservation et que 28 % des espèces d’intérêt communautaire le sont (Rapportage à la commission européenne pour la directive habitats Faune Flore).

Les Français ont maintenant, grâce notamment aux efforts de communication menés en 2010 lors de l’année internationale de la biodiversité, une meilleure connaissance de ce qu’est la biodiversité ; d’après une étude du centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC / « Les français et la biodiversité » – Enquête CREDOC 2013), deux tiers d’entre eux déclarent ainsi savoir ce qu’est la biodiversité.

La même étude fait ressortir que nos concitoyens placent de plus en plus les questions de perte de biodiversité parmi les problèmes de dégradation de l’environnement les plus préoccupants.

Plus encore qu’une inquiétude, on note un changement perceptible dans la perception des conséquences de cette perte de biodiversité puisque plus d’un tiers des français déclarent que l’érosion de la biodiversité a déjà un impact sur leur quotidien, un chiffre en progression par rapport à 2010. Enfin, les questions de mode de production sont aussi de plus en plus citées parmi les causes de cette perte de biodiversité, invitant dès lors la puissance publique et les acteurs à questionner les modèles de production.

La biodiversité est aussi une force économique pour la France. D’une part, elle assure des services qui contribuent aux activités humaines, dit services écosystémiques. Si l’évaluation complète des services rendus et donc le coût de leur disparition ne sont pas encore connus, plusieurs études ont montré l’importance de la biodiversité en tant que capital économique extrêmement important. D’autre part, la biodiversité est une source d’innovation (biomimétisme, substances actives …) et représente dès une lors une valeur potentielle importante.

L’action publique s’est d’abord concentrée, en France, en Europe et dans le reste du monde, sur une politique de protection de la nature, marquée par la création d’espaces dédiés (création des parcs nationaux dans les années 60) ou la protection des espèces (loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages dite directive « Oiseaux »).

Le droit européen a été très moteur dans l’évolution de la protection de la biodiversité avec la directive habitats de 1992 qui a introduit une dimension plus large dépassant le cadre des espèces. L’action publique s’est ensuite diversifiée pour prendre en compte des aspects de plus en plus en complexes de la biodiversité tels que les continuités écologiques.

Cependant, au-delà d’un encadrement règlementaire des activités, la recherche d’une mobilisation des parties prenantes lancée par la convention sur la diversité biologique de 1992, prolongée lors de la conférence des parties de 2010 à Nagoya avec les objectifs d’Aïchi a été un tournant majeur. En France la stratégie nationale pour la biodiversité, révisée en 2011, s’inscrit complètement dans cette logique de mobilisation des acteurs avec un système d’adhésion et d’engagements volontaires (http://www. developpement-durable.gouv.fr/-Appel-a-reconnaissance-SNB-.html.)

Plus de trente ans après la loi de 1976 précitée, après de telles évolutions conceptuelles et sociales et compte-tenu de l’urgence à agir, l’action publique doit être renouvelée. C’est l’objet de cette loi entièrement consacrée à la biodiversité, prise dans son ensemble : depuis les gènes jusqu’au niveau le plus important d’organisation des écosystèmes que sont les paysages, sur terre comme en mer.

Cette loi a aussi pour ambition de s’intéresser aux différentes facettes de l’action publique : encadrement règlementaire, mais aussi organisation de l’État et des opérateurs, gouvernance…

La conférence environnementale de 2012 et les débats menés en région ont permis de retenir les axes de réforme. Ces axes forment les différents titres de la loi.

Compte-tenu des évolutions fortes rappelées précédemment, qu’elles soient scientifiques, sociales ou économiques, le titre Ier a pour ambition de renouveler la vision de la biodiversité et les principes d’action qui doivent permettre sa protection et sa restauration.

Le titre II est consacré à la gouvernance de la biodiversité, au niveau national et régional. L’objectif est de disposer d’une gouvernance claire venant en appui de l’action publique, tant sur des aspects scientifiques et technique que sociétaux. Cette gouvernance se veut ouverte sur les autres politiques sectorielles, les activités humaines contribuant largement à la gestion durable de cette biodiversité tout en étant sources de menaces sur celle-ci.

Le titre III vise à doter la France d’un grand opérateur public, l’agence française pour la biodiversité, qui permettra un regroupement et une meilleure diffusion et valorisation de la connaissance ainsi qu’un appui renforcé et unifié à la fois méthodologique et financier aux porteurs de projets en faveur de la biodiversité.

Cette agence permettra aussi d’accroître la sensibilisation de nos concitoyens et d’améliorer la formation des professionnels, aussi bien de l’État ou des collectivités, que d’autres employeurs concernés par cette politique. Elle aura vocation à appuyer la définition et le portage des positions françaises au plan international et au niveau européen et enfin à apporter son appui à la gestion des espaces naturels et à l’exercice de la police de l’eau et des milieux aquatiques.

Cette agence permettra en particulier de mobiliser les moyens nécessaires aux politiques de biodiversité et de développer les partenariats avec les collectivités, acteurs tout à fait essentiels pour la bonne mise en œuvre des politiques de biodiversité.

Les titres suivants s’intéressent à la mise en place d’outils permettant d’atteindre les objectifs fixés de reconquête de la biodiversité en mobilisant des outils innovants, comme le partage des avantages ou les obligations environnementales, en s’intéressant au milieu marin encore peu connu et peu protégé, ou en étendant des dispositifs éprouvés dans des cas particuliers à d’autres situations.

Le titre IV s’inscrit dans le contexte de l’entrée en vigueur à venir du protocole de Nagoya à la Convention sur la Diversité Biologique et de la proposition de règlement européen sur le même objet.

Il s’agit de garantir un cadre juridique clair à la recherche et développement (R&D) sur les ressources génétiques et les connaissances traditionnelles associées à ces ressources génétiques, sur le territoire français.

Ce cadre juridique s’applique à la fois aux acteurs français et internationaux.

Il prévoit des règles d’accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées à ces ressources génétiques, sur le territoire français, ainsi que des modalités de partage, avec l’État ou des communautés d’habitants, des bénéfices tirés de leur exploitation économique.

Ce partage doit contribuer à mettre en œuvre un cercle vertueux sur la valorisation de la biodiversité, un enjeu particulièrement important pour la France qui est à la fois riche de sa biodiversité et en pointe sur des secteurs qui recourent à la biodiversité comme source de production et d’innovation : il s’agit notamment des secteurs agro-alimentaire, cosmétique, et pharmaceutique.

Le titre V propose une palette d’outils gradués en fonction des enjeux pour renforcer l’action en faveur de la préservation et de la reconquête de la biodiversité des acteurs publics, État ou collectivités, ou privés. Ce titre comporte dès maintenant des dispositions de simplification des outils de protection des espaces et des espèces comprenant notamment des modifications de procédures ou de schémas.

Enfin, le titre VI concrétise le changement de paradigme de la politique des paysages initiée par la loi paysages de 1993 et renforcée par la Convention européenne du paysage qui passe d’une logique de protection des paysages remarquables vers une prise en compte de tous les paysages. Il introduit en outre une réforme des sites inscrits pour renforcer l’efficience de la politique des sites.