Vers l’encyclique sur l’écologie

Il est fort probable, voire carrément certain que le pape sera à Paris lors de la conférence de l’ONU sur le climat à la fin de l’année. Ce sera le point d’orgue de la campagne catholique pour happer l’écologie, ce qui ne sera guère difficile en France puisque dans notre pays on ne reconnaît pas la Nature.

Le résultat sera simple: qui ne reconnaît pas la Nature devra reconnaître Dieu…

Voici un exemple de ce qui s’orchestre, avec un article tiré de La vie, qui fait partie du groupe Le Monde – Télérama – Courier International etc. (Le Monde Diplomatique y est en partie lié).

Que peut-on attendre de l’encyclique sur l’écologie ?

Lors d’un colloque organisé par l’Académie pontificale des sciences au Vatican qui s’est ouvert mardi 28 avril sur le thème « Protéger la planète, rendre digne l’humanité », Ban Ki-moon a déclaré attendre l’encyclique sur l’écologie avec impatience et a ajouté que le Pape François lui avait confié qu’elle était déjà écrite et serait publiée en juin. Que peut-on attendre de ce texte ? Plusieurs interventions du pape sur le sujet permettent d’envisager quelques pistes.

1. Dénonciation de la culture du déchet

Depuis le début de son pontificat, le Pape ne cesse de dénoncer la mentalité commune de la « culture du rebut » ou du « déchet » qui commence par le gaspillage des choses et finit par concerner les êtres humains, pris dans la même logique. Cette culture du déchet est pour lui l’héritage direct de la société de consommation qui, en stimulant la pulsion d’achat, renforce l’individualisme du consommateur en le déresponsabilisant.

Trois mois après son élection, il déclarait dans une Audience générale : « Jadis, nos grands-parents faisaient très attention à ne rien jeter de la nourriture qui restait. Le consumérisme nous a poussés à nous habituer au superflu et au gaspillage quotidien de nourriture, à laquelle parfois nous ne sommes plus capables de donner la juste valeur, qui va bien au-delà des simples paramètres économiques », expliquait-il.

Ainsi, un monde qui raisonne en terme d’utile/inutile en vient à nier la dignité humaine en méprisant la fragilité : « La vie humaine, la personne, ne sont plus considérées comme une valeur primaire à respecter et à garder, en particulier si elle est pauvre ou handicapée, si elle ne sert pas encore — comme l’enfant à naître — ou si elle ne sert plus — comme la personne âgée. Cette culture du rebut nous a rendus insensibles également aux gaspillages et aux déchets alimentaires, qui sont encore plus répréhensibles lorsque dans chaque partie du monde malheureusement, de nombreuses personnes et familles souffrent de la faim et de la malnutrition. »

2. Rompre avec une conception du droit égoïste

Comment expliquer cette « globalisation de l’indifférence » qui se traduit par une certaine aphasie face à la culture du déchet ? Devant le Conseil de l’Europe, François l’affirme : le problème c’est le passage d’une conception du « droit humain » guidée par la recherche du « bien commun », créatrice d’une liberté responsable à une conception du « droit individualiste » autocentrée où la liberté confine à l’égoïsme : les racines d’une société, affirme le Pape, s’aliment de « la vérité », qui constitue « la nourriture, la sève vitale de n’importe quelle société qui désire être vraiment libre, humaine et solidaire ».

En outre, « la vérité fait appel à la conscience, qui est irréductible aux conditionnements, et pour cela est capable de connaître sa propre dignité et de s’ouvrir à l’absolu, en devenant source des choix fondamentaux guidés par la recherche du bien pour les autres et pour soi et lieu d’une liberté responsable ». Sans cette recherche de vérité, poursuit le pape, « chacun devient la mesure de soi-même et de son propre agir, ouvrant la voie à l’affirmation subjective des droits, de sorte qu’à la conception de droit humain, qui a en soi une portée universelle, se substitue l’idée de droit individualiste.

Cela conduit à être foncièrement insouciant des autres et à favoriser la globalisation de l’indifférence qui naît de l’égoïsme, fruit d’une conception de l’homme incapable d’accueillir la vérité et de vivre une authentique dimension sociale. » Or, conclut-il, un tel individualisme rend « humainement pauvre et culturellement stérile » : « De l’individualisme indifférent naît le culte de l’opulence, auquel correspond la culture de déchet dans laquelle nous sommes immergés. Nous avons, de fait, trop de choses, qui souvent ne servent pas, mais nous ne sommes plus en mesure de construire d’authentiques relations humaines, empreintes de vérité et de respect mutuel. »

Retrouver une conscience collective, voilà l’idée : « Rappelons-nous bien, cependant, que lorsque l’on jette de la nourriture, c’est comme si l’on volait la nourriture à la table du pauvre, à celui qui a faim ! », déclarait-il dès 2013.

3. La vocation particulière des chrétiens sur la question écologique

« Lorsque nous parlons d’environnement, de la création, ma pensée va aux premières pages de la Bible, au Livre de la Genèse, où l’on affirme que Dieu établit l’homme et la femme sur terre afin qu’ils la cultivent et qu’ils la gardent (cf. 2, 15). Cela suscite en moi les questions suivantes : Que signifie cultiver et garder la terre ? Cultivons-nous et gardons-nous vraiment la création ? Ou bien est-ce que nous l’exploitons et nous la négligeons ? », interrogeait François lors d’une audience générale en juin 2013.

Ainsi, les chrétiens ont une responsabilité plus grande en ce que cette question touche au plan de Dieu à travers la Création, comme il l’expliquait à des scouts italiens en novembre 2014 : « En tant que disciples du Christ, nous avons une raison de plus pour nous unir avec tous les hommes de bonne volonté pour la protection et la défense de la nature et de l’environnement. La création, en effet, est un don qui nous a été confié des mains du Créateur. Toute la nature qui nous entoure est une création comme nous, une création avec nous, et dans le destin commun elle tend à trouver en Dieu lui-même l’accomplissement et la finalité ultime — la Bible dit « des cieux nouveaux et une terre nouvelle » (cf. Is 65, 17 ; 2 P 3, 13 ; Ap 21, 1).

Cette doctrine de notre foi est pour nous une incitation encore plus forte à avoir une relation responsable et respectueuse avec la création : dans la nature inanimée, dans les plantes et dans les animaux, nous reconnaissons l’empreinte du Créateur, et dans nos semblables, son image elle-même. »

Plus que d’une responsabilité, pour les chrétiens il s’agit même d’un devoir, affirmait-il, se référant à Benoît XVI : « Nous sommes en train de perdre l’attitude de l’émerveillement, de la contemplation, de l’écoute de la création; et ainsi, nous ne sommes plus capables d’y lire ce que Benoît XVI appelle « le rythme de l’histoire d’amour de Dieu avec l’homme ». Pourquoi est-ce le cas ? Parce que nous pensons et vivons de façon horizontale, nous nous sommes éloignés de Dieu, nous ne lisons pas ses signes. »

4. L’écologie de l’environnement indissociable de l’écologie humaine

Sur ce point, l’audience générale du 5 juin 2013 fournit des indications fortes : « « Cultiver et garder », affirme François, ne comprend pas seulement le rapport entre nous et l’environnement, entre l’homme et la création, cela concerne également les relations humaines. Les Papes ont parlé d’écologie humaine, en étroite relation à l’écologie de l’environnement ». Ainsi, pour lutter contre la « culture du déchet », explique François, il est indispensable de considérer le système dans son ensemble et prendre le problème à la « racine » : défendre la vie dans ce qu’elle a de plus fragile, de « l’enfant à naître » à « la personne âgée ».

À ce sujet, il avait eu des mots très forts devant le Parlement européen, fustigeant les « styles de vie un peu égoïstes, caractérisés par une opulence désormais insoutenable et souvent indifférente au monde environnant, surtout aux plus pauvres » et regrettant « une prévalence des questions techniques et économiques au centre du débat politique, au détriment d’une authentique orientation anthropologique » : « L’être humain risque d’être réduit à un simple engrenage d’un mécanisme qui le traite à la manière d’un bien de consommation à utiliser, de sorte que – nous le remarquons malheureusement souvent – lorsque la vie n’est pas utile au fonctionnement de ce mécanisme elle est éliminée sans trop de scrupule, comme dans le cas des malades, des malades en phase terminale, des personnes âgées abandonnées et sans soin, ou des enfants tués avant de naître. »

Alors que la voix du Pape semble porter de plus en plus loin sur la scène internationale, la réflexion systémique proposée par cette encyclique qui sera publiée six mois environ avant la conférence pour le climat Cop 21 ne devrait pas passer inaperçue.