A-t-on besoin d’une usine à pâtes?

On s’amuse bien dans la mouvance zadiste, squatter, teufer et intellectuels rebelles : on trouve quelque chose à faire pour ne pas avoir à assumer le véganisme. Le localisme contre l’universel: voilà leur mot d’ordre.

Voici un exemple d’une nouvelle lubie: l’usine à pâtes! Cela se passe à Rouen et en voici la présentation.

En route vers l’autonomie alimentaire.

Notre projet en quelques mots : fabriquer nos propres pâtes avec le blé que nous avons cultivé et transformé en semoule de blé dur, entre amis et pour nos amis, la famille, les amis d’amis, ceux qui se bougent et tous ceux qui seront intéressés.

Nous allons lancer un atelier de production locale et artisanale de pâtes sèches, que nous appelons ici « L’usine à pâtes ». Notre objectif n’est pas de faire des bénéfices mais d’alimenter un certain nombre d’amis, de lieux, de restaurants associatifs et autres cantines de luttes.

Avec des amis paysans, nous avons déjà planté deux hectares de blé dur.

Ils possèdent aussi un moulin et une bluterie pour transformer le blé en semoule de blé. Nous attendons deux tonnes en septembre et nous participerons tous aux moissons en juillet.

D’autres, versés dans l’art de la sérigraphie, prendront en charge le conditionnement et la décoration des paquets de pâtes.

Notre objectif est de produire deux tonnes de pâtes sèches la première année. A l’inverse des pâtes fraîches ou des légumes frais, leur durée de conservation est théoriquement infinie.

Il s’agit tout autant de déserter l’agro-industrie et de favoriser la production locale que de continuer à prendre en main nos existences et de rester attaché à l’ idée que nous nous faisons d’une vie bonne.

Laquelle réside bien plus dans la joie qu’éprouvent ceux qui cheminent ensemble que dans le triste avenir que nous promet l’économie marchande.

Tant d’abnégation pour un projet individualiste, c’est assez effarant. On ne peut pas dire non plus que ces gens ne savent pas ce que veut dire le mot révolution: le projet est lié à la Conjuration des fourneaux, qui organise régulièrement des repas, ainsi que des conférences où justement le thème de la révolte révolutionnaire revient souvent.

Cependant, et évidemment, organiser le soulèvement violent est plus fatiguant et universaliste que proposer des plats… Mieux vaut tenter un retour en arrière, version Pétain, que d’aller vers un futur où on devrait se remettre en cause…

Cette « conjuration des fourneaux », par exemple, ne connaît pas le véganisme. Elle propose des plats, le plus souvent en burger, avec en plus une variante végétarienne de proposée. Mais c’est pour la forme, car la logique générale est clairement liée à l’exploitation animale.

Faut-il être beauf pour, en effet, proposer une « semaine gastronomique consacrée aux abats », avec les plats suivants: « rognons de boeuf sautés », « langue de boeuf aux cornichons », « foies de génisse au beurre persillé et aillée », « Ris de veau comme en Normandie », « foies de volaille au bleu d’Auvergne »…

Cela ne les interpelle tellement pas, qu’il y a des alternatives comme un « steak de céleri accompagnés d’une purée de topinambour et de haricots verts »: en plus du mot « steak » (et de sa forme, peut-être du goût!) on a donc le « plaisir » de manger à côté, en face, de gens mangeant des « abats »… Quel bonheur « révolutionnaire »!

Mais ce qui compte surtout ici, c’est que ces gens ne veulent pas de la grande production, ils ont des rêves localistes, qui vont forcément de pair avec l’exploitation animale. Seuls des échanges à l’échelle de la planète permettent un mode de vie vegan pour tout un chacun.

S’il y a exploitation animale de la part de l’humanité jusqu’à présent, c’est pour des raisons pratiques: les besoins alimentaires devaient être trouvés dans l’entourage immédiat. Il s’agit d’abolir cela, pas d’y revenir!