L’extension du business des drogues en France

L’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice a rendu public une synthèse sur la valeur financière des trafics de drogues en 2010.

On peut se demander pourquoi il faut tellement de temps pour avoir les chiffres! En tout cas le business des drogues (interdites) serait de l’ordre de 1,5 à 3,2 milliards d’euros, la synthèse penchant pour le chiffre de 2,3 milliards d’euros, soit 36 euros par personne.

Et certains points du rapport sont très marquants. Voici d’abord ce qu’on apprend concernant l’importance des drogues concernant le crime en général :

« S’il est utile de rappeler que l’économie souterraine est principalement alimentée par la fraude (travail dissimulé, fraude fiscale, etc.), ce qu’on nomme l’économie du crime provient en grande partie du commerce de drogues illicites.

Différentes sources comme le rapport du CHEMI [Ourgaud, 2014] et l’origine des saisies recensées par l’AGRASC indiqueraient que l’argent de la drogue alimenterait pour plus de la moitié de la totalité de l’argent généré par le crime. »

Le lien entre crime et drogues et évident. Il s’agit d’un business, aux dépens de la santé et des paradis artificiels recherchés pour fuir…

On découvre d’ailleurs une chose effarante : le cannabis a doublé sa valeur financière en quelques années, avec la même quantité mais une évolution quantitative concernant le THC. Le business joue sur la dépendance.

« Le chiffre d’affaires du cannabis en France en 2010 est estimé entre 810 et 1425 millions d’euros pour une moyenne de 1117 millions d’euros et un volume moyen de transactions de 154 tonnes. Le cannabis reste en volume et en valeur le premier marché des drogues illicites en France.

L’augmentation de la taille du marché du cannabis en valeur entre 2005 et 2010 (de 832 à 1117 millions d’euros) est principalement du fait de l’augmentation du prix du cannabis. Tenant compte de l’augmentation de la teneur en THC, le marché du cannabis en volume et en valeur apparaît être stable.

Autrement dit, il n’a pas été vendu plus de quantité de cannabis en France entre 2005 et 2010, mais les consommateurs se procurent du cannabis plus cher et plus dosé en THC. L’augmentation du prix du cannabis a eu pour effet de faire augmenter le chiffre d’affaires du cannabis de 33%. »

Le marché du cannabis a donc progressé sur le plan financier, et c’est le cas bien entendu du marché de la cocaïne, comme on a pu aisément le constater ces dernières années. Là par contre c’est quantitativement qu’il y a changement.

« Le marché de la cocaïne a, quant à lui, significativement évolué entre 2005 et 2010. Il atteint en 2010, selon nos estimations, un chiffre d’affaires de 902 millions d’euros pour 15 tonnes consommées.

Si l’on se réfère à une estimation antérieure réalisée par des chercheurs américains, Beau Kilmer et Rosalie Pacula [2009], nous passons de 8,3 tonnes en moyenne en 2005 à 15 tonnes en 2010 pour une valeur de 488 millions d’euros en 2005 à plus de 900 millions d’euros en 2010.

Ces estimations suivent en cela l’augmentation des prévalences constatée par les Baromètres santé sur la décennie 2000, lesquelles ont été multipliées par trois.

Ici, la loi de la demande apparaît avoir joué à plein puisque le prix de détail de la cocaïne a quasiment été divisé par trois entre 1990 et le milieu des années 2000, passant de 150 euros le gramme à 60 euros, voire moins en fonction du lieu de vente et de la qualité du produit [Lahaie, 2012]. »

Le marché de la cocaïne a ni plus ni moins que doublé… Pour l’héroïne, la synthèse montre la difficulté à évaluer car cette drogue est souvent « coupée ». Voici ce qui est également remarqué à ce sujet…

« A l’instar de la cocaïne, on peut s’interroger sur les quantités de produits de coupe retrouvées dans l’héroïne en France. Comme Lahaie, Cadet-Taïrou et Jensen [2010] le soulignent, caféine et paracétamol sont retrouvés dans 9 échantillons sur 10 analysés par la Police Scientifique ou le dispositif SINTES de l’OFDT. Ainsi, selon nos estimations, plus de 2 tonnes de paracétamol seraient utilisées. »

Concernant les drogues de synthèse, les estimations sont considérées pareillement comme difficiles. Voici les chiffres donnés.

« Le chiffre d’affaires en 2010 de la vente d’Ecstasy/MDMA serait compris entre 13,2 et 71,6 millions d’euros et entre 3,7 et 42 millions d’euros pour les amphétamines.

Les quantités consommées, exprimés en nombre de comprimés, seraient comprises entre 3,6 et 19 millions pour les premiers, quant aux amphétamines, les quantités exprimées en kilogrammes se situeraient entre 234 kilos et 1,4 tonne. »

Tout cela est un bien triste panorama, qui témoigne en tout cas d’une chose : prétendre que la situation ne change pas est illusoire. Il y a bien une progression des drogues. Il faut y faire face.