COP 21 : le troisième jour

« Mon message est tout à fait clair : il faut accélérer le processus parce qu’il nous reste beaucoup de travail » : c’est ce qu’a dit hier le président de la COP 21, Laurent Fabius, également ministre des affaires étrangères. En effet, samedi midi, les « copies » doivent être remises, avant que les ministres n’arrivent deux jours après…

Le processus existe en deux temps : il y a des « contact groups » qui discutent thème par thème, puis après un premier debriefing, des « spin off » négocient au mot près. C’est un processus douloureux pour aboutir à quelque chose et l’Américain Daniel Reifsnyder, l’un des deux présidents du groupe de travail, de son côté, a déclaré que « Sur aucun point, nous ne faisons les progrès qui seraient nécessaires ».

Surtout que, pour ce que l’on sait de ce qui a filtré, il apparaît que les contributions publiées par 183 pays ne permettraient que d’arriver à 3°C de plus entre 1880 et 2100, alors qu’on est censé viser 2°C, et que Hollande parlait même de 1,5°C seulement…

Le G77 a également publié un communiqué hier qui a encore accentué la pression. Le G77 regroupent 134 pays du tiers-monde ; à la base, dans les années 1960, il y en avait 77, d’où le nom. On y retrouve des pays comme l’Inde, l’Indonésie, l’Argentine, l’Algérie, etc.

Ce communiqué des G77 a également été signé par la Chine – c’est dire l’importance de ce qui est dit. On y lit surtout un appel à la clarification des soutiens financiers que recevront les « pays en voie de développement » après 2020. Jusqu’à présent, il avait été prévu que 100 milliards de dollars seraient versés chaque année : il est désormais expliqué que ce n’est pas assez.

Il est expliqué également, en filigrane en quelque sorte, qu’il est hors de question que les « pays en voie de développement » paient quoi que ce soit, tout étant de la faute des pays ayant connu la première révolution industrielle.

On lit donc dans le document :

« Le soutien financier des pays développés est lié aux impacts (du changement climatique) dus aux émissions historiques (de gaz à effet de serre). »

C’est grosso modo ce que disait le premier ministre indien dans l’article de lundi du journal britannique le Financial Times. Et l’Inde compte d’ailleurs doubler puis tripler sa production de charbon dans les prochaines années…

Un autre pays s’est exprimé complètement en faveur du refus de la suppression totale des énergies fossiles : le Brésil. L’Arabie Saoudite est naturellement sur une position similaire.

On peut résumer la problématique qui est apparue à la surface ce troisième jour de manière aisée. Si l’on veut que le réchauffement climatique reste à 2°C entre 1880 et 2100, il faut que 80% des réserves connues de pétrole, charbon et gaz ne soient pas utilisées.

Les pays développés s’imaginent pouvoir s’en passer, notamment à coups d’énergie solaire ou hydraulique (comme l’Autriche qui a aboli l’énergie nucléaire dans sa constitution), ou surtout avec l’énergie nucléaire, comme la France.

Hier, à l’université de la Sorbonne, il y avait d’ailleurs une conférence d’Elon Musk, fondateur de Paypal, s’occupant depuis de l’entreprise Space X (une entreprise de vol spatial) et de Tesla (constructeur d’automobiles de luxe 100 % électriques). Il y a fait l’éloge du nucléaire, surtout dans un pays stable pour l’environnement comme la France, à l’opposé donc de la Californie ou du Japon, en raison des tremblements de terre.

Il a bien entendu soulevé l’idée de la taxe carbone… dont justement les « pays en voie de développement » ne veulent pas entendre parler et encore moins ceux qui ont précisément du pétrole, du charbon, du gaz.

C’est également vrai pour des pays comme le Canada ou les Etats-Unis, notamment avec le fameux gaz de schiste. Symboliquement, car la Maison-Blanche pourra faire un veto, la chambre américaine des représentants a voté contre deux nouvelles réglementations de l’agence de protection de l’environnement. La première visait à réduire de 30 % le CO2 produit d’ici 2030, la seconde à instaurer des normes de pollution sévères pour les centrales thermiques à venir.

La France a toujours été un pays qui se voulait une sorte d’impérialisme sympathique, « pas pareil » que les Etats-Unis. Cela permet une diplomatie avec l’apparence de la « juste mesure ». C’est le jeu joué à cette COP 21 et pour l’instant, c’est loin d’être gagné, ne serait-ce qu’à court terme. Car tout le monde sait bien qu’à un moment de toutes façons il y aura rupture et les pays feront chacun pour soi.