« Le monde comme il va, 10 jours après la Cop 21 »

Gérard Le Puill est journaliste à l’Humanité depuis 30 ans, après avoir travaillé à la ferme dès l’âge de 14 ans et avoir été ouvrier caoutchoutier pendant quasiment vingt ans.

Il a écrit un billet intéressant sur ce qui se passe dans le monde considérant le réchauffement climatique, dix jours après la COP 21.

Le monde comme il va, 10 jours après la Cop 21

Une fois éteints le lampions du Bourget et passés les commentaires élogieux de certains médias sur le succès de la présidence française lors de la Conférence sur le climat, les mauvaises habitudes reprennent de manière accentuée dans toutes les régions du monde.

Dans le texte adopté en clôture de la Cop 21 est inscrit l’objectif de « contenir l’élévation de la température moyenne nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels et de poursuivre l’action menée pour limiter l’élévation des températures à 1,5°C ».

Dix jours plus tard, les nouvelles du monde nous montrent à quel point le climat devient secondaire sous toutes les latitudes en dépit de la douceur inhabituelle de cette fin d’automne.

Qu’on en juge : A Téhéran et dans trois autres grandes villes d’Iran, il a fallu fermer les écoles en raison de la pollution de l’air résultant du chauffage et surtout de la circulation automobile.

Dans la capitale iranienne, « la pollution est provoquée à 80% par les gaz d’échappement de cinq millions de véhicules et autant de motocyclettes circulant quotidiennement dans la capitale embouteillée de manière quasi permanente et dont les effets sont amplifiés en hiver », écrit l’Agencer France Presse(AFP). Ces vastes pollutions dans plusieurs villes iraniennes succèdent à celles qui ont frappé les villes chinoises et indiennes, dont Pékin et Delhi, ces dernières semaines.

Ce mardi matin, toujours selon l’AFP, l’Australie a approuvé le projet qui fera du port d’Abbot Point « l’un des plus grands ports charbonniers du monde, capable d’exporter jusqu’à 120 millions de tonnes chaque année, deux mois après avoir approuvé un projet de mine géante présentée par le géant indien Adani ».

Les opposant au projet faisaient notamment valoir que ce n’était pas le moment de relancer la production charbonnière et que les travaux d’agrandissement du port allaient détériorer le récif corallien.

Leurs arguments n’ont pas été retenus. L’Australie est, comme l’Iran, l’une des 195 «parties » qui on accepté l’accord de Paris pour freiner le réchauffement climatique.

En France aussi, on semble avoir oublié les conclusions de la Cop 21, y compris et surtout dans les médias. Ce mardi matin aussi, l’AFP s’est mise au diapason des télés, des journaux et des radios pour insister sur l’effet d’aubaine que constitue la chute des cours du pétrole et nous suggérer que le père Noël s’appelle « gazole». Dans une dépêche matinale, l’Agence nous dit que « c’est Noël avant l’heure pour les consommateurs français ».

Elle fait témoigner plusieurs automobilistes dont une lui dit « avec les baisse des prix, je vais en profiter pour sortir plus la voiture». Faut-il croire qu’il s’agit d’un besoin pour … la voiture ?

L’AFP recueille aussi le témoignage de François Carlier délégué général de l’association de consommateurs « Consommation, Logement et Cadre de Vie » (CLCV). « En termes de pouvoir d’achat , c’est probablement la meilleure nouvelle de ces 18 derniers mois » se réjouit -il , estimant qu’en dépit de la hausse prochaine des taxe de 3,5 centimes sur le litre de gazole et de 2 centimes sur le SP95 « le consommateur restera gagnant » en raison de la baisse prolongée du prix du brut.

Faut-il obligatoirement militer pour le réchauffement climatique au nom de la défense du consommateur ? Jusqu’à présent, c’est presque toujours le cas à la CLCV comme à l’UFC-Que Choisir.

On ne niera pas ici que la baisse du prix des carburants est un soulagement pour de nombreux ménages contraints d’utiliser la voiture pour se rendre au travail et pour d’autres usages.

Mais la question première du siècle en cours est d’éviter l’emballement climatique. Rappelons que pour contenir le réchauffement à plus 2°C d’ici la fin du siècle, il faudrait diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050.

Ce qui suppose d’en finir avec les villes embouteillée, de diviser par dix la consommation de charbon de diviser par quatre celle des produits pétroliers.

Le texte de la Cop 21 a été accepté par toutes les parties parce qu’il n’avance aucune contrainte pour atteindre un objectif de réchauffement inférieur à +2°C. La réunion finie, on continue d’agir comme avant. En France, en Australie et ailleurs.

Gérard Le Puill est journaliste et auteur, de « L’écologie peut encore sauver l’économie », mai 2015, une coédition de Pascal Galodé et de l’Humanité