100 tonnes de neige « de production » par hélicoptère à Sainte-Foy-Tarentaise

Si vous avez eu des illusions quelconques sur la COP 21, voici qu’avant la fin de l’année, la station de ski de Sainte-Foy-Tarentaise vient les enlever.

Afin de satisfaire l’infime minorité aisée de France qui va au ski, cette station près du Mont Blanc a décidé de transporter une centaine de tonnes de neige par hélicoptère.

On a en quelque sorte un résumé de ce qui ne va pas : une minorité qui profite, dont le style de vie est destructeur, des gens qui travaillent et qui sont otages de cette minorité par conséquent, avec entre les deux une administration permettant que tout fonctionne comme il se doit.

Quand on pense que la station en question revendique sa démarche « développement durable », on voit la dimension barbare de cette hypocrisie.

Voici d’ailleurs la justification, on ne peut plus capitaliste, donnée par la station et qu’on pouvait lire dans Le Parisien :

« On a déposé cette neige de culture produite en novembre, à 2 200 m d’altitude, sur la piste de l’Aiguille qui est un secteur très important de la station avec trois télésièges et neuf pistes de tout niveau.

Si la piste de l’Aiguille ferme, tout s’arrête. Il fallait donc faire quelque chose pour satisfaire notre clientèle et préserver l’emploi des professionnels de la station. Il a fallu 80 rotations d’hélicoptère pour monter la neige. Cela a coûté entre 5 000 et 10 000 euros », explique François Piquet, directeur du domaine skiable.

Il ne faut pas cependant s’arrêter là! La neige amenée était considérée par la station comme… du « stock »! Il s’agit même de « neige de production », réalisée au moyen de « canons à neige », comme on l’apprend sur Francetvinfo!

Jointe par francetv info, Anne Marmottan, directrice de l’Office du tourisme de cette station de ski de la Tarentaise, affirme que « le débat est clos » et « ne souhaite pas alimenter la polémique ».

« Amener la neige par chenillettes plutôt que par hélicoptère aurait demandé trop de rotations », explique-t-elle. L’opération visait « à réeneiger une piste tout en haut qui risquait de ne plus être praticable dans sa partie du milieu. A force de passer dessus, les skieurs usent la neige, les cailloux affleurent. Si nous ne faisons rien, nous sommes obligés de fermer cette piste qui maintient l’axe du sommet à l’arrivée ».

Elle précise qu’il s’agissait d’une « neige de production déplacée d’un point à un autre en hélicoptère ». Plus précisément, d’eau transformée en neige, en novembre, avec des canons à neige, et stockée au cas où l’or blanc viendrait à manquer.

Toujours prêt à se lancer dans l’obséquiosité, voici encore ce que dit la responsable au sujet des hélicoptères, qui sont là pour le confort!

La responsable tient à pointer un émoi qu’elle juge hors de propos : « L’hélicoptère, c’est un moyen de transport qu’on utilise beaucoup en montagne, pour les secours, les refuges … On s’en sert quand on en a besoin. »

Elle note qu’on s’interroge moins sur les pratiques d’héliski (où l’hélicoptère emmène le skieur jusqu’au sommet d’une pente), théoriquement interdites, mais autorisées par des pays voisins, ou sur la façon dont les sodas servis frais en terrasse sont amenés aux skieurs, dans ces stations d’altitude. « Les touristes sont habitués au confort ».

Elle précise également, dans son grand élan de générosité pour le droit des bourgeois à skier :

« Spontanément, nous n’avons pas eu de remarques [des vacanciers]. Mais il y a des répercussions de cette affaire montée en épingle par les médias sur les réseaux sociaux, sur Facebook. Loin, dans les villes, les gens face à leur ordinateur y vont de leurs commentaires. »

Voilà au moins qui est franc ; la minorité aisée de ce pays peut lui remettre la médaille du dévouement. On peut difficilement faire pire dans le réactionnaire, le beauf, l’anti-Nature.

De manière plus intéressante, voici le point de vue à ce sujet du facebook Humans of Chamonix qui a été créé il y a quelques mois par une personne habitant là-bas et qui raconte la vie des gens, ce qui se passe, etc.

Je suis guide de haute-montagne et fondateur de TVMountain, une chaine de télévision spécialisée dans les reportages montagne. J’aime aussi dire ce que je pense et même si cela ne plait pas toujours à tout le monde, dans ce microcosme qu’est Chamonix, je continue de m’exprimer.

Hier après-midi, j’étais dans la benne du Prarion quand on m’a dit qu’il y avait des rotations d’hélicoptère pour transporter la neige sur les pistes des Houches. Les gens parlaient de ca et cela les révoltait.

Après les visites de nos ministres sur le glacier de la Mer de Glace, après la COP 21, après des dizaines de manifestations contre la pollution dans la vallée, nous, les Chamoniards, les professionnels de cette vallée, les montagnards amoureux de notre air pur, on accepte qu’on transporte la neige par hélicoptère au mépris de toute éthique écologique ? On soutient cette image de la montagne bling-bling, agenouillée devant les dollars ? Si nous ne défendons pas notre environnement et notre qualité de vie, personne ne le fera à notre place.

Bien-sûr, j’entends déjà les contre-arguments : « ce n’est pas quelques heures d’hélicoptère qui vont changer le taux de gaz carbonique » ou alors « il y va de l’emploi de nos professionnels ». Mais le changement climatique n’est-il pas l’affaire de tous ?

N’est-il pas la somme des efforts particuliers pour obtenir un résultat commun ?

Cet « or blanc » transporté à prix d’or ne donne t-il pas la pire des images de notre vallée ? Comment est ce que les gens d’ici vont encore pouvoir avoir confiance dans les politiques en place quand de tels agissements sont possibles ?

Comment vont-ils pouvoir rester motivés à faire des efforts écologiques quand d’un autre côté, on démarre l’hélicoptère quand la neige ne vient pas ?

Peut-être qu’on a là déjà un effet de la COP 21. Avant ce qui n’était pas écolo apparaissait comme non conforme à la Nature. Aujourd’hui, les gens les plus conscients comprennent, peut-être enfin, que c’est anti-Nature.

C’est peut-être une nouvelle époque qui s’ouvre, enfin! La planète n’attend que cela : que le bleu et le vert reprennent leurs droits, que l’humanité brise l’anthropocentrisme et assume le mot d’ordre « la Terre d’abord! », dans une vie collective pacifiée, faisant du véganisme une valeur universelle.