Les mafias des drogues en France

L’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies et Europol ont rendu public un document au sujet de la situation du trafic de drogues dans l’Union Européenne, représentant plus de 24 milliards d’euros.

Il y a en France 1,2 million d’usagers réguliers du cannabis, 8,8 millions d’usagers réguliers d’alcool, 400 000 usagers réguliers de la cocaïne, 500 000 personnes ayant expérimenté l’héroïne.

Voici toutefois un exposé au sujet des mafias des drogues en France.

La France, à l’instar du reste de l’Europe est, depuis quelques années, le théâtre d’un bouleversement du marché du cannabis qui voit de plus en plus l’herbe concurrencer la résine de cannabis produite au Maroc. Si le marché de la résine de cannabis conserve sa primauté, celui de l’herbe est de plus en plus dynamique et porté par des acteurs qui tranchent avec les profils habituels.

Ainsi, à côté des cultivateurs en placard dont le rôle est marginal sur le marché, sont apparus des « industriels » de l’herbe de cannabis à la tête de plantations (cannabis factories) pouvant atteindre des centaines voire des milliers de plants. Parmi ceux-ci, deux types de groupes sont à distinguer.

Des bandes criminelles d’origine vietnamienne, spécialisées de longue date dans ce segment illicite, notamment en Grande-Bretagne, qui s’implantent en France, attirées par le dynamisme du marché et les perspectives en termes de profit (Weinberger 2011), et des particuliers, a priori déconnectés du milieu criminel traditionnel, qui se lancent, pour les mêmes raisons, dans des cultures illicites commerciales de grande échelle.

Un troisième groupe est en train d’émerger, également constitué de trafiquants de « cités », spécialisés dans la revente de résine de cannabis et se reconvertissant dans une production plus adaptée aux nouvelles réalités de la demande.

Ces évolutions du marché du cannabis sont visibles dans les saisies réalisées par les services répressifs en France (police, douane, gendarmerie). Cette reconfiguration du marché français pourrait être une des explications de la tendance à l’augmentation des règlements de compte entre trafiquants de résine implantés dans les quartiers dits « populaires », confrontés à un marché en voie de rétrécissement ; cette tendance aggravant les phénomènes de concurrence bien connus entre points de vente rivaux.

Le deuxième grand marché illicite, celui de la cocaïne, est affecté également par les mutations de l’offre. Ces mutations ne concernent pas les acteurs de l’importation de cette substance en France, qu’ils relèvent du crime organisé traditionnel (corse et maghrébin) ou des sphères les plus basses du petit trafic, que les policiers dans leur jargon qualifient de trafic de « fourmis ».

Les mutations observées affecteraient plutôt les grandes voies du trafic avec notamment le rôle croissant joué par les départements français d’outre-mer
comme la Guyane et la Martinique, à la fois comme zone rebond et marché secondaire de la cocaïne produite en Colombie. Par ailleurs, le port du Havre constitue de plus en plus une porte d’entrée majeure de la cocaïne sur les marchés français et européen.

En 2014, la plus grande saisie de cocaïne jamais réalisée en France métropolitaine, avec 1,4 tonne, y a été faite. Ce phénomène, qui a commencé à prendre de l’ampleur à partir de 2011, est à relier à la réactivation récente des routes de la cocaïne dans la mer des Caraïbes en direction des États-Unis et de l’Europe, consécutive à la crise sécuritaire du Venezuela devenu une zone de transit majeure de la cocaïne produite en Colombie.

Enfin, le marché de la MDMA a renoué avec son dynamisme d’avant la pénurie de 2009. Les formes poudre et cristal ont vu leur disponibilité s’accroître avec des taux de pureté élevés, alors que depuis 2013 la forme comprimé fait son retour, notamment en milieu festif, avec des fortes teneurs en MDMA.

De plus, l’attention portée par les trafiquants à l’apparence des comprimés (couleurs vives, forme 3D,…) relancent leur attractivité auprès des jeunes usagers. (…)

Les marchés du cannabis et de la cocaïne sont les deux plus gros marchés de drogues illicites en France, avec un chiffre d’affaires autour de deux milliards d’euros pour ces deux substances réunies (Ben Lakhdar 2012; Ben Lakhdar et al. 2007). Le marché de ces drogues est contrôlé pour le stade du gros et du semi-gros par des organisations criminelles relevant du grand banditisme. En 2014, les services de police soulignent la main-mise du milieu maghrébin (spécialisé dans la résine de cannabis) sur le trafic de cocaïne, au détriment du milieu corso-marseillais.

L’explication réside dans le fait qu’une bonne partie de la cocaïne destinée aux marchés européen et français transite par l’Afrique de l’ouest et le Maghreb pour être stockée dans le sud de l’Espagne où les bandes criminelles françaises sont bien implantées. Le deuxième facteur tient dans la demande, en augmentation en France, et dans la pluralité des milieux sociaux qui consomment la cocaïne. Depuis quelques années, des réseaux implantés dans certains quartiers à forte proportion d’habitat social et spécialisés dans la résine de cannabis ciblent les milieux populaires.

À côté de ces « gros » réseaux existe une myriade de petites filières de trafic dirigées par des usagers-revendeurs, lesquels s’approvisionnent directement aux Pays-Bas et en Belgique. Les services répressifs notent une augmentation des trafics de cocaïne par voie postale avec comme zone source les territoires et départements d’outre-mer comme la Guyane et les Antilles (Guadeloupe et Martinique).

Le marché de l’héroïne est contrôlé en France par des organisations criminelles turques et albanaises. À l’instar de ce qui se passe pour la cocaïne, le rôle des micro-réseaux d’usagers-revendeurs, s’approvisionnant aux Pays-Bas et en Belgique, est important pour expliquer la disponibilité du produit en France.