Le végétalisme des simili-carnés et des « ersatzs »

Quand on parle du véganisme et des animaux, il y a la question qui se pose de savoir ce qui doit primer : les animaux ou le véganisme. Nous, nous disons les animaux, et sommes bien minoritaires pour cela.

En effet, l’anthropocentrisme prime largement chez les personnes se tournant vers le véganisme et cela laisse, évidemment, de la place pour une contre-offensive très brutale sur les faiblesses d’une telle approche.

Voici quelques exemples de ces derniers jours. Commençons par la revue libérale Contrepoints, qui a publié un article intitulé « Antispécisme : doit-on prendre les droits des animaux au sérieux ?« .

Comprenant que la démarche anthropocentriste permet d’annuler le véganisme comme vision du monde universelle, l’article se concentre là-dessus, disant que le véganisme n’est pas naturel, qu’il n’y a pas de compassion naturelle (logique puisque pour les libéraux la concurrence prime).

Et, par conséquent, dit l’article, le véganisme est un produit du capitalisme, d’un choix relevant du « luxe » permis par le capitalisme :

Les normes végétariennes ou simplement « biologiques » valent surtout pour des personnes relativement confortables.

Ayant solutionné la plupart de leurs défis humains, elles en sont rendu à considérer les animaux. C’est bien, mais si elles veulent forcer d’autres êtres humains à les suivre, elles ne respectent plus la dignité de ceux-ci, rabaissant leur volonté au même niveau que celle des poulets et des vaches.

C’est probablement pourquoi d’ailleurs elles ne le font pas, ni même y pensent, se contentant de médire de l’alimentation des autres entre deux discussions philosophiques. (….)

Les abattoirs et la chasse aux éléphants d’Afrique sont des activités commerciales. Cependant, les zoos, les activités de plein air, les animaleries, les vétérinaires, l’alimentation biologique, la restauration et les livres de recettes végétariennes aussi.

En fait, la lutte pour reconnaître les droits animaux se fait sur les marchés et non au sein d’institutions politiques. À aucun moment, des élections se jouent sur cette question. Jamais un dirigeant ne va interdire à sa population de manger de la viande si celle-ci est à 96 % carnivore.

C’est le marché qui permet aux 4 % de marginaux de se déployer et de croître. Si l’alimentation était un bien public, ceux-ci auraient plutôt à craindre que la viande leur soit imposée comme source de protéine pour des « raisons budgétaires ».

Peut-être qu’une loi mineure concernant les conditions des animaux sur les fermes et dans les abattoirs peut légitimement être adoptée pour plaire à cette frange de l’électorat, mais jamais si elle implique une hausse significative du prix de la viande.

L’intérêt pour les chiens, les chats et les lapins de compagnie contribue pour beaucoup dans cette empathie croissante pour les animaux.

Avant d’accuser le capitalisme des maux qui les accablent, il est utile de se rappeler qu’un tel passe-temps est possible surtout parce que des hommes d’affaire soucieux de profits ont historiquement haussé nos standards de vies à un point tel où nous avons ce luxe. Un fonctionnaire de l’URSS n’aurait pas perdu son temps à concevoir des jouets pour chat ou des systèmes de toilettage de caniches. C’est vraiment très capitaliste d’offrir cela. »

C’est une logique implacable et, de fait, les mouvements « welfaristes » (comme L214) ou abolitionnistes (comme avec Aymeric Caron) se posent comme des gens entendant défendre leurs idées comme on achète et vend des actions à la bourse, sans jamais considérer les choses avec une vue d’ensemble.

Aucun ne répondrait à un libéral que c’est le peuple qui a produit les richesses et que les riches doivent rendre tout ce qu’ils ont, afin de permettre une autre société, généralisant la bienveillance et la compassion…

Un autre aspect de l’anthropocentrisme, ainsi que de l’individualisme, tient au « simili-carné », que nous rejetons formellement, et sommes biens seuls pour cela. Naturellement, les partisans de l’exploitation animale ont ainsi le champ totalement libre pour dénoncer les « ersatzs », appelant à se tourner vers « l’original », comme le fait M la revue « style » du Monde, dans l’article « Le végan, ou l’art de l’ersatz« .

On y lit notamment :

Dans un salon d’obédience strictement végétarienne, on pouvait s’attendre à une abondance de fruits et légumes, de denrées fraîchement sorties de la terre, si possible de proximité. Il n’en est rien. Les produits manufacturés règnent en maîtres dans les rayons, sous tous les emballages possibles  : plastique, carton, bocaux, tubes, sous vide, surgelés, etc. (…)

La nourriture végane est d’abord conçue comme une alimentation de substitution permettant la transition entre des pratiques carnivores coupables et un avenir radieux riche en protéines végétales. Elle doit faire oublier l’avant en montrant qu’on peut faire pareil, mais autrement, ce qui s’apparente à de la tromperie sur la marchandise. (…)

Une catastrophe à la dégustation de ces pâtes insipides, de consistance identique, évoquant furieusement les denrées industrielles propres à vous dégoûter du fromage. Mais n’est-ce pas justement le but recherché ? Hendrik Schellkes, directeur des Salons VeggieWorld, peut bien affirmer «  qu’être végan n’est pas impossible même au pays de la gastronomie  », il est permis d’en douter…

C’est inévitable : au pays du terroir, soit on assume la lutte contre les beaufs, soit on tente de faire du « foie gras végétalien » qui sera, immanquablement, décrédibilisé par rapport à « l’original »…

La revue Elle a également parlé récemment des « faux mages », les « fromages » végétaliens ; là aussi, l’exécution est sommaire, faire comme en passant…

Que l’on soit vegan, intolérant au lactose ou qu’on suive un régime alimentaire particulier, le fromage vegan est une alternative healthy intéressante. Facile à réaliser, à partir de lait végétal ou d’ oléagineux, ce fromage qui ressemble à s’y méprendre à un fromage frais, promet textures et saveurs originales loin d’être inintéressantes.

D’un côté, c’est apprécié, de l’autre cela reste anecdotique. Dans tous les exemples donnés ici, on voit les limites patentes du végétalisme qui ressemble à s’y méprendre à une alimentation omnivore sans viande avec des ersatzs sans compensés. On peut se douter que non seulement cela ne transformera pas la société, mais qui plus est une telle tendance va rapidement s’enliser et n’aboutir qu’à la capitulation de nombreuses personnes…