L’exploitation animale et le rôle des cadences

Le quotidien Libération a publié une interview d’un ex-inspecteur des services vétérinaires au sujet des abattoirs. En voici les extraits principaux, qui sont à la fois intéressants et problématiques.

En effet, cet ex-inspecteur ne considère pas que les cadences sont le problème essentiel de l’exploitation animale aujourd’hui. Il prétend que les conditions de travail des humains ont été améliorées, alors que pourtant rien n’a été fait pour les humains.

C’est là un point de vue totalement étranger au point de vue des gens qui travaillent, qui voient bien que les cadences sont encore plus grandes !

L’exploitation animale n’existe que comme machine à profit. Elle exploite les animaux, mais aussi les humains. Toujours plus les uns, toujours plus autres.

Ne pas voir cela c’est inventer un « antispécisme » qui se balade au-dessus de la réalité. Nier cela correspond à l’idéologie « antispéciste » qui considère que les humains se comporteraient « mal » avec les animaux et que cela ne dépend pas vraiment ou uniquement de la culture et de l’économie.

D’ailleurs, cet ex-inspecteur, Martial Albar, a été mis en avant par L214 et a même fondé une entreprise de « consultant », dont l’une des prestations a été le visionnage pour L214 d’une vidéo filmée dans un abattoir….

Cela participe à la petite bulle université – business qui s’est développée ces derniers temps et qui prend le véganisme non comme un appel à la révolution, mais à l’intégration dans les institutions.

Ces gens, qui veulent une bulle où vivre tranquille, masquent d’ailleurs le fait qu’à l’échelle mondiale, l’exploitation animale est en croissance exponentielle…

Avec des cadences, naturellement, toujours plus grandes… Qui sont le coeur du problème de la situation des animaux. Et les réformes de-ci de-là ne visent pas à améliorer la condition animale, mais à faire que ne subsistent que les entreprises toujours plus immenses du secteur, en coulant les petites entreprises qui ne peuvent pas suivre (et qu’on ne regrettera pas pour autant)…

Les vidéos diffusées par l’association L214 semblent montrer que l’étourdissement des animaux fonctionne mal. Comment cette étape se déroule-t-elle concrètement ?

Certains abattoirs utilisent des caissons de CO2 qui asphyxient les cochons. Mais généralement, pour eux comme pour les moutons et les chèvres, on utilise l’électronarcose. Deux pinces mécaniques sont appliquées par un opérateur sur les tempes des agneaux, des moutons, des chevreaux ou des chèvres, et envoient une décharge électrique à l’animal.

Pour les cochons, c’est le même système, mais automatique : une pince mécanique vient leur serrer la tête et envoie l’électricité.

Il n’y a pas à ma connaissance d’étude sur la perte de sensibilité à la douleur qu’induit l’électronarcose. Autrement dit, rien ne prouve que l’animal ne ressent pas ce qui se passe ensuite.

Ce système d’étourdissement, comme les autres procédés, est avant tout utilisé afin de favoriser le travail de l’homme pour la mise à mort car après avoir reçu la décharge, l’animal tombe à plat, inerte.

Comment se déroule cette mise à mort ?

Après avoir reçu le choc électrique, l’animal est suspendu par une patte arrière sur la chaîne d’abattage qui le transporte jusqu’au poste de saignée. Dans tous les abattoirs que j’ai connus, presque systématiquement, les animaux reprennent conscience avant d’être saignés car trop de temps s’est écoulé depuis le choc électrique. L’électronarcose, ce procédé franchement archaïque, provoque ainsi une souffrance supplémentaire et inutile à l’animal avant d’être tué…

Qu’en est-il pour les vaches et les veaux ?

On leur applique sur le front un pistolet à tige perforante qui perce l’os frontal et leur cerveau. C’est le seul procédé, peu coûteux et pratique, qui est utilisé pour faire tomber un animal de 800 kg. Car là encore, le but recherché n’est pas d’anesthésier l’animal, mais bien de l’immobiliser. Parler d’anesthésie est un pur mensonge, une tromperie. L’objectif n’est pas d’éviter de la douleur à l’animal, mais de ne pas abîmer le «produit» et de sécuriser le travail du tueur.

D’ailleurs, dans de nombreux abattoirs, du courant électrique est appliqué à l’aide de pinces sur les lèvres des bovins au moment de la saignée : ce choc les tétanise, limite le mouvement des pattes et permet donc d’éviter des accidents.

Comment se déroule la saignée ?

Cette opération consiste à trancher les carotides et les jugulaires pour que l’animal perde son sang. Les cochons sont saignés différemment : on ne laisse pas couler leur sang, on le pompe. On leur enfonce un trocart dans la gorge pour récupérer le sang qui servira à faire du boudin, des saucisses pour les hot-dogs ou même des produits cosmétiques. Ensuite, le cochon est échaudé : il est trempé dans l’eau bouillante pour préparer le brûlage des poils.

Pour les bovins, le tueur ouvre souvent complètement la gorge pour accélérer la perte de sang avant d’enlever le «masque», c’est-à-dire la peau de la tête de la vache. Ensuite on lui sectionne les extrémités des deux pattes avant. J’ai vu des vaches encore vivantes et donc parfaitement sensibles à ce stade-là.

Et après la saignée ?

Dans tous les cas, la mort met du temps à venir. Le tueur est censé attendre que cette mort arrive avant de continuer à «travailler le produit», mais ce n’est pas du tout ce qui se passe. J’ai vu des cochons encore conscients quand ils entraient dans l’échaudeuse, le bain d’eau bouillante.

Pareil pour les chèvres et les chevreaux, les agneaux et les moutons : après la saignée, on leur sectionne les quatre avant-pattes pour commencer à retirer leur peau, et bien souvent, quand l’opérateur attaque ça, l’animal n’est pas complètement mort.

Que faudrait-il faire selon vous pour éviter ces agonies ?

Sectionner la moelle épinière au niveau des premières vertèbres cervicales. Cela entraînerait une insensibilité totale de l’animal et permettrait une mise à mort par saignée sans souffrance. Mais en 2016, en France, on n’est toujours pas capables de tuer des animaux sans les faire souffrir. (…)

Les cadences imposées au personnel expliquent-elles en partie toute cette souffrance animale ?

Les cadences sont en effet élevées : par exemple, un bovin était abattu toutes les trois minutes à Bonneville, l’un des sites où j’ai travaillé… En Bretagne, dans certains grands établissements, un porc est abattu toutes les six secondes ! Pourtant, les cadences sont loin de tout expliquer.

Même si les métiers dans un abattoir restent durs, depuis vingt ans les conditions de travail se sont beaucoup améliorées, les étapes se sont mécanisées, les salariés sont davantage protégés, moins mis à l’épreuve. En revanche, rien n’a bougé pour les animaux. Rien n’est pensé pour leur éviter de souffrir. Mais ni les éleveurs ni les consommateurs ne veulent voir l’horreur, et au final, nous sommes tous complices de cette barbarie.