Tugdual Derville : « Le Temps de l’Homme »

Tugdual Derville est une figure intellectuelle qui a émergé de la vague catholique de ces dernières années.

Lui-même a été délégué général d’Alliance Vita et c’est l’ancien porte-parole de La Manif pour tous, il a six enfants, son frère est directeur spirituel de l’Opus Dei, il a fait Sciences-Po et la prestigieuse école de commerce ESSEC, etc. : un profil facile à comprendre.

Son objectif est de voir les failles de l’écologie dominante, qui rejette la Nature, pour récupérer ceux et celles qui voient qu’il y a des manques, pour rediriger vers l’Eglise catholique. On se rappelle que le pape François a engagé un processus en ce sens avec son encyclique « Laudato si ».

Par exemple, l’écologie dominante ne parle jamais des animaux : Tugdual Derville en parle alors, avec un bestiaire illustré intitulé « Animaux dans l’Évangile », expliquant qu’il faut être bienveillant envers les animaux, mais les utiliser quand même, les respecter car on se respecte soi-même (la même chose que ce que dit Kant dans le sujet de philosophie du bac de cette année à Pondichéry), etc.

Voici la présentation de son ouvrage venant d’être publié : « Le temps de l’ Homme« . On peut y voir qu’il pense comme nous énormément de mal des bobos branchés d’esprit libéral-libertaire, niant la différence homme-femme au nom du « queer », etc., mais que lui ne le fait pas au nom de la Nature, mais de Dieu.

L’avenir de l’homme est la grande question de notre temps.

Fragilisée par cinquante ans de déconstruction libertaire, l’humanité va-t-elle s’engouffrer dans la promesse du transhumanisme, de l’homme sans limites, unisexe, invulnérable et immortel ? C’est le nouveau fantasme totalitaire. Le défi du millénaire.

Pour Tugdual Derville, il est temps pour l’homme de préserver sa liberté d’une dissolution dans l’absolutisme technologique, la vacuité consumériste et le déni de ses repères culturels et naturels.

La solution ? L’écologie humaine, qui propose de revenir au réel – celui d’un homme fragile, sexué, enraciné corps et âme – et considère « tout l’homme et tous les hommes » comme critère de chaque décision.

Là où nous disons : « la Terre d’abord », l’humanité n’étant qu’une composante de la planète, de « Gaïa » comme métaphore de l’athéisme le plus complet où il faut prendre la Terre comme un grand ensemble, lui maintient coûte que coûte l’anthropocentrisme.

On a ici la même idéologique que les zadistes, mais en mode religieux : il faut rejeter le « monde moderne » en étant solidaires, par le « don ». Ce n’est pas seulement de la proximité intellectuelle : c’est exactement la même conception.

Voici ce que dit par exemple la revue ultra-conservatrice Valeurs Actuelles au sujet de l’ouvrage :

« La vertu du mouvement qui s’est levé en 2012 contre la loi Taubira est d’avoir démontré qu’audelà du “mariage pour tous” c’est à une véritable révolution anthropologique, issue de la “société liquide”, qu’il s’agit de résister. Négation du caractère fondateur de l’altérité sexuelle et du rôle social de la famille ; dématérialisation du processus reproductif ; marchandisation du corps de la femme ; instrumentalisation de l’enfant au service d’une parentalité réduite à un désir consumériste : tout cela était en jeu dans le sillage du mariage homosexuel. (…)

C’est contre cette « tyrannie du possible » — “puisque c’est possible, faisons-le”, devise éternelle de la science sans conscience —, qui aboutit à déconstruire les fondements anthropologiques de la civilisation, et à détruire notre humanité en voulant la libérer, que Tugdual Derville, dans un essai limpide et étayé, appelle à une « révolution de l’écologie humaine ».

Celui qui fut l’un des principaux porte-parole de La Manif pour tous voit dans le mouvement social qui en est issu la première étape d’une résistance visant à « préserver l’humanité de la dissolution dans l’absolutisme technologique ».

Car, se refusant à en rester au stade de la déploration catastrophiste, il définit les voies d’une nouvelle espérance : la restauration d’une « anthropologie du don » selon laquelle l’homme n’est pas fait pour se réinventer en permanence, mais pour se donner.

Cette révolution de l’écologie humaine, qui ne pourra se faire que sur un vaste terreau associatif formant ce que Václav Benda a appelé une “polis parallèle”, Tugdual Derville en définit les trois axes : le parti pris de la bienveillance, qui cherche avant tout le bien supérieur de l’homme et s’interdit de le considérer comme un objet ; le retour aux “communs”, qui consiste à privilégier ce qui nous réunit dans un même dessein plutôt que ce qui nous singularise ; une culture de la vulnérabilité, qui invite chacun à reconnaître sa propre fragilité et sa propre dépendance, condition sine qua non pour reconnaître la dignité de l’autre.

Quand l’écologie politique a trahi sa propre cause « en soutenant les réformes portant atteinte à l’écosystème familial naturel et à l’embryon humain », l’écologie humaine sait, comme l’écrit Benoît XVI, que « l’homme possède une nature qu’il doit respecter et qu’il ne peut manipuler à volonté ».

Elle vise à le replacer au centre, à retrouver le sens de l’homme pour sauver notre humanité menacée par des mirages d’autoengendrement. En cherchant ce sens du côté du don plutôt que de l’accomplissement personnel, elle ne vise en fait à rien d’autre qu’à sauver l’amour des fantasmes individualistes et technologiques.

Avec son ton tranquille et mesuré, c’est finalement comme une nouvelle version de la France contre les robots que nous offre Tugdual Derville. »

La « France contre les robots » est une allusion à un texte du très « zadiste » avant l’heure Georges Bernanos, dans l’esprit des fachos des années 1930 et de leur « retour à la terre ».

Voilà bien ce qui définit notre époque : nous sommes coincés entre les libéraux-libertaires et leur déconstruction d’un côté, les fachos voulant revenir aux années 1960 de l’autre !