« Kio murgee maarai? »

Restons en Inde pour porter notre attention sur cette merveilleuse chanson relevant de la culture sikh. Celle-ci naît dans une forme de syncrétisme de l’hindouisme et de l’Islam, cherchant à les dépasser dans une perspective positive.

L’un des précurseurs de cela fut Bhagat Kabir, qui vécut juste avant la fondation du sikhisme et dont certains écrits ont été repris par elle. La chanson qu’on trouve ici reprend ses paroles faites à un cadi, qui est un juge musulman des affaires civiles et religieuses.

Le refrain est le suivant : « Tu dis que le Seigneur unique est en tout, alors pourquoi tues-tu les poulets? » et on remarquera que les images où un animal est tué sont floutées, par respect pour l’être vivant et la raison, ce qui est tout à fait appréciable.

Voici quelques extraits des paroles, avec la translittération et notons que deux choses sont à comprendre pour saisir vraiment le texte.

La défense des animaux s’exprime à l’époque par le panthéisme : tout participe à Dieu. Kabir entend donc montrer que l’univers divin est inattaquable et qu’il est vain de prétendre vraiment tuer.

L’amour pour le divin, inversement, s’exprime dans l’amour pour la vie de tout être et Kabir a même une interprétation mystique de Mahomet, au point qu’il pense que celui-ci n’a jamais mangé de « viande ».

L’autre question est celle du rapport du sikhisme aux animaux. Au sens strict, les points de la culture straight edge sont assumés par les Sikhs et il existe de nombreux éléments en faveur des animaux traversant leur religion, comme en témoigne cette chanson.

Toutefois, la défense des animaux n’est pas reconnue comme devant être obligatoire dans le sikhisme, à part par quelques courants. Théoriquement, l’utilisation des animaux comme nourriture n’est justifiable que dans des cas extrêmes (être assiégé, n’avoir rien d’autre pour survivre, devoir devenir plus fort, etc.).

En pratique, tout est accepté, du moment que l’animal ait été tué selon le mode « Jhatka », c’est-à-dire décapité, par opposition au halal qui est le mode employé par les musulmans.

Les religions ont été quelque chose de très bien… dans la mesure seulement où elles ont transporté la compassion en se rapprochant du panthéisme.

baedh kathaeb kehahu math jhoot(h)ae jhoot(h)aa jo n bichaarai
Ne dis pas que les Védas, la Bible et le Coran sont faux. Ceux qui ne les contemplent pas sont faux.

jo sabh mehi eaek khudhaae kehath ho tho kio murgee maarai
Tu dis que le Seigneur unique est en tout, alors pourquoi tues-tu les poulets?

mulaa(n) kehahu niaao khudhaaee
O Mullah, dis-moi : est-cela la justice de Dieu?

thaerae man kaa bharam n jaaee rehaao
Les doutes de ton esprit n’ont pas été dissipés.

pakar jeeo aaniaa dhaeh binaasee maattee ko bisamil keeaa
Tu saisis une créature vivante, et ensuite l’amène à la maison et tu tues son corps, tu as tué seulement l’argile.

joth saroop anaahath laagee kahu halaal kiaa keeaa
La lumière de l’esprit passe dans une autre forme. Alors dis-moi, qu’as-tu tué?

kiaa oujoo paak keeaa muhu dhhoeiaa kiaa maseeth sir laaeiaa
A quoi sont bonnes tes purifications? Pourquoi t’ennuies-tu à laver ton visage? Et pourquoi t’ennuies tu à te courber à la mosquée?

jo dhil mehi kapatt nivaaj gujaarahu kiaa haj kaabai jaaeiaa
Ton coeur est plein d’hypocrisie; à quoi bon tes prières ou ton pélerinage à la Mecque?

thoo(n) naapaak paak nehee soojhiaa this kaa maram n jaaniaa
Tu est impur, tu ne comprends pas le Seigneur pur. Tu ne connais pas Son Mystère.

kehi kabeer bhisath thae chookaa dhojak sio man maaniaa
Dit Kabir. Tu as raté le paradis, ton esprit est prêt pour l’enfer.