Le véganisme  » qui grignote du terrain »… commercial

Comme le véganisme – ou une forme de véganisme – est désormais à la mode, il arrive dans Le Figaro, où il occupait une page entière hier. Le titre de l’article central vise à être le plus clair possible pour les lecteurs et lectrices du Figaro, qui sont de droite et aisés financièrement :

Le véganisme, une pratique alimentaire qui grignote du terrain

Naturellement, le véganisme ce n’est pas une « pratique alimentaire » ou en tout cas pas seulement, mais c’est par ce prisme là qu’il est vu, puisqu’il est considéré comme une sorte de super végétarisme.

On lit ainsi :

« S’il est impossible de déterminer le nombre de personnes véganes en France, certains chiffres montrent l’essor du phénomène. Dans l’Hexagone, plus de 400 restaurants proposent désormais des plats compatibles avec cette pratique alimentaire.

«À Paris, il s’en crée un tous les deux mois», observe Élodie Vieille-Blanchard, présidente de l’association végétarienne de France. Au sein de cet organisme, le nombre d’adhérents a augmenté de 67 % en trois ans, passant de 2770 personnes en 2013 à 4628 en 2016.

Le nombre de groupes sur Facebook, de livres et blogs de conseils végans mais aussi d’événements liés à cette thématique ne cesse d’augmenter. »

C’est indubitablement un très bon résumé de la situation, quand on parvient à décoder.

Prenons par exemple cette affaire de restaurants. Dans un second article, intitulé « Algues et « vromages » au menu éthique », on lit aussi :

« Aujourd’hui, la capitale dénombre plus d’une centaine de lieux compatibles avec ce choix d’alimentation. (…)

Lorsque l’on sait qu’il y a 13 500 restaurants à Paris et qu’en moins de six mois une demi-douzaine de lieux végans vont ouvrir, on y voit un très bel avenir pour le véganisme. »

Tout cela, c’est de l’optimisme d’entrepreneur. Car le but du véganisme, normalement, c’est la libération animale. Qu’il y ait des restaurants végans, tant mieux, mais rien qu’avec un par mois, sur 13 500, cela signifierait que dans le meilleur des cas, Paris mangerait vegan dans ses restaurants dans mille ans.

Belle perspective pour les capitalistes vegans, mais cela n’a rien à voir avec l’objectif collectif du véganisme, ou ce qu’il devrait être.

Disons également que nous ne trouvons pas du tout réaliste les affirmations comme quoi il y aurait cent endroits pour manger vegan à Paris et 400 en France. Les auteurs doivent fantasmer sur les capitales allemande et autrichienne où l’existence d’au moins un plat végétalien devient de rigueur un peu partout.

Demandons-nous d’ailleurs une fois de plus pourquoi les médias mettent encore une fois en avant l’association végétarienne de France. Soit ces gens ne sont pas vegans et on ne voit pas le rapport, soit ils le sont, mais alors pourquoi se dire végétariens ?

Un autre aspect, qui rejoint celui-là d’ailleurs, est ce qu’explique Le Figaro sur la dimension industrielle. On apprend ici que :

« Même les grands groupes de distribution s’emparent du phénomène, puisque Carrefour, Danone et Herta, flairant la croissance de ce marcé de niche, proposent aujourd’hui des produits végans. »

Danone et Herta sont des monstres de l’exploitation animale : les gens qui apprécient qu’ils se tournent vers des produits végétaliens sont des égoïstes n’hésitant pas à soutenir financièrement et culturellement des ennemis jurés des animaux.

Ces entreprises ne changent pas leurs produits utilisant des animaux contre des produits végétaliens : ils élargissent seulement leur palette, pour avoir plus de profits. Croire qu’il y a un changement ici est un rêve de consommateur petit-bourgeois, qui bien souvent refuse la distinction entre végétarisme et véganisme au nom de son petit confort.

En tout cas, on voit ici que véganisme rime avec business. Le résultat principal de l’association militante Droit des animaux n’a-t-il d’ailleurs pas été un petit supermarché végan parisien aux excellents résultats commerciaux ?

Le Figaro raconte d’ailleurs :

« Dans le supermarché parisien Un monde vegan, situé dans le IIIe arrondissement, le boom remonte à quelques années déjà. Les employés du magasin, qui vendent au détail et en gros plus de 2 000 références, ont remarqué des évolutions de la clientèle.

« Aujourd’hui, nous voyons beaucoup de personnes « flexitariennes », des gens qui limitent leur consommation de viande mais qui font toujours quelques entorses. Des curieux viennent également poser des questions », témoigne Steve Parmentier, coresponsable de l’enseigne. »

Tout est vu par le prisme de l’individualisme et c’est pour cela également que Le Figaro mentionne Facebook, les événements autour de cette « thématique ». On est dans la consommation individuelle, il n’y a rien de collectif, c’est de la consommation personnelle et une aubaine pour les perspectives de business.

C’est en quelque sorte du « veganwashing », tout comme il y le « greenwashing » pour les entreprises cherchant à se donner une image plus écolo. Rien de plus odieux que de lire, de la part du chef d’un restaurant près de Bastille :

« Certaines saveurs véganes ressemblent à d’autres : les algues remplacent les poissons, par exemple. Nous montrons que nous pouvons très bien retrouver des goûts et des plaisirs tout en consommant avec éthique. »

Voilà le sens de ce véganisme à la mode : avoir bonne conscience individuellement, conserver son mode de vie et ses goûts « comme avant » (jusqu’à l’appréciation horrible de la saveur de la chair d’animaux assassinés), développer son business…

C’est le contraire du véganisme qui devrait être : celui qui  sait qu’il reste 99,9% de la population à convaincre, que les animaux dans les élevages mondiaux sont toujours plus nombreux, que les animaux sauvages subissent un écocide toujours plus sanglant…