« Vegan et fière de l’être », mais en fait non

C’est un exemple anecdotique, mais qui révèle la tendance de fond : le véganisme disparaît au profit d’un « antispécisme » qui se veut une philosophie de la « déconstruction », et non pas une morale avec des valeurs bien précises.

C’est un glissement insidieux qui se fait, à partir des bobos et au moyen de leurs médias. En l’occurrence, il s’agit de ChEEk magazine (cheek signifiant la joue en anglais, avec un jeu de mot avec « chic »), qui titre son article :

Nili Hadida: la voix de Lilly Wood And The Prick est vegan et fière de l’être

Nili Hadida, la voix du duo Lilly Wood and the Prick, est marraine du festival vegan Smmmile, qui se déroulera à Paris du 16 au 18 septembre. On a parlé avec elle de son engagement.

Nous avons déjà parlé de ce festival parisien qui se tient la semaine prochaine et qui est un divertissement exotique pour bobos, le véganisme faisant office de nouveauté à la mode, pseudo-alternative, prétexte à un nouveau style, etc.

Voici donc ce qu’explique la chanteuse :

À quand remonte ton veganisme? Quel a été le déclic?

J’ai toujours eu une très grande sensibilité pour les animaux, mais surtout une compassion envers les plus faibles et les injustices en général. Je suis devenue végétarienne d’abord. Puis, en me renseignant sur la façon dont sont obtenus les produits dérivés des animaux, je me suis rendu compte que les raisons qui m’avaient poussée à arrêter la viande s’appliquaient d’autant plus à ces produits. Je me suis sentie hypocrite et j’ai horreur de ça. J’ai donc sauté le pas il y a un an et demi.

Et voilà que deux questions plus loin, cela donne ça :

Au niveau vestimentaire, appliques-tu aussi les préceptes vegan, notamment pour les chaussures?

Je n’achète quasiment plus de cuir. Il m’est arrivé de craquer et d’acheter une paire de chaussures en cuir l’année passée. J’espère ne pas re-craquer.

C’est très, très dur pour moi car j’ai un goût assez prononcé pour les objets de luxe ou la mode.

Mais je refuse de faire passer ces goûts avant la vie d’un animal. C’est super égoïste si on y pense.

Je porte encore les chaussures en cuir que je me suis offertes avant mon changement de vie.

Dire tout et son contraire : voilà qui est tellement middle class! Cette chanteuse refuse de « faire passer ces goûts avant la vie d’un animal », tout en expliquant qu’elle a acheté du cuir, qu’elle en porte encore…

Cela rejoint ce courant libéral – libertaire du « je suis vegan tout en ne l’étant pas », et c’est bien à cela que sert la généralisation du mot « antispéciste » : masquer l’incohérence.

C’est du tout bonnement n’importe quoi… à moins que ce soit la faute de la revue, puisque vegan en anglais signifie végétalien et vegan à la fois, ce qui pose un vrai souci. Sauf que la chanteuse est parisienne depuis bien longtemps.

Voici même comment la décrit Libération :

« Vegan et «antispéciste», elle est porte-parole de l’association L214 qui dénonce les mauvais traitements faits aux animaux dans les abattoirs. »

Tout se rejoint immanquablement, dans le cercle vicieux de la « tendance » qui n’est qu’une bulle. Cette vague « antispéciste » est simplement portée par des couches sociales liées à la petite-bourgeoisie des centre-villes et aux entrepreneurs avides de nouveaux marchés « hyper », ainsi que par des gens fuyant la réalité et trouvant un moyen idéal de le faire et de devenir à la fois misanthrope et valorisable.

Il y a fort à parier que leur véganisme soit souvent à la carte, car quand on professe le libéralisme ou l’égocentrisme aboutissant à l’égoïsme, on l’applique.

Et on peut légitimement penser que c’est un pur effet de mode. Jamais les gens ayant rejoint le véganisme sur une telle base ne le resteront. Soit ils le restent s’ils ciblent un secteur capitaliste de « niche », et là il faut en être… Soit cela tournera en flexitarien.

Le capitalisme cannibalise tout et cible le véganisme… Mais il ne réussira pas dans sa tentative de phagocytage!