La commission d’enquête parlementaire et les associations

Maintenant que la commission d’enquête parlementaire « sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français » a rendu son rapport public, on peut enfin voir ses propositions.

Une lecture de celles-ci fait qu’on comprend vite pourquoi rien n’a été public et pourquoi ce sont les médias qui se sont chargés d’encadrer leur présentation.

Commençons par exemple par la partie sur les associations. Ce qu’on y lit est très clair et n’a pas besoin de commentaires : la commission d’enquête parlementaire, qui précise bien qu’elle est née directement des vidéos rendues publiques par l’association L214, concerne que les associations doivent participer à la régulation des abattoirs, à leur encadrement.

Les personnes aimant les animaux devraient donc non pas être d’une morale végane intransigeante, mais être une composante d’une exploitation animale « moderne »…

A. RENFORCER LE RÔLE DES ASSOCIATIONS DE PROTECTION ANIMALE

La commission d’enquête a été créée suite à la diffusion de vidéos réalisées par l’association de protection animale L214 éthique et animaux, qui a joué son rôle de lanceur d’alerte. Il est donc nécessaire de reconnaître la légitimité des associations de protection animale et la qualité de leur travail pour le respect du bien-être animal en abattoir, distinction nécessairement faite de la part militante de certaines associations contre l’abattage des animaux.

1. La légitimité des associations

Nombreux sont les professionnels de la filière qui ont souligné devant la commission d’enquête la qualité du travail des associations de protection animale et la légitimité de leur action en matière de bien-être animal.

En effet, certaines associations de protection animale coopèrent directement et depuis longtemps avec les éleveurs et les exploitants d’abattoirs afin d’améliorer leurs pratiques en matière de bien-être animal.

Mme Christiane Lambert, première vice-présidente de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), a confirmé ce travail commun : « […] Nous avons à cœur de dialoguer avec certaines autres [associations] pour expliquer quelle est la nouvelle attente et pourquoi elle se manifeste. Nous travaillons avec d’autres organisations comme CIWF, qui visite des élevages et contribue à écrire des cahiers des charges, et qui est intervenue devant la FNSEA. Nous travaillons également avec l’association Welfarm, qui visite aussi des exploitations et avec laquelle nous avons projeté plusieurs réunions de travail thématiques pour entrer dans le détail de ce que l’on peut faire ou pas dans l’intérêt des animaux. » (409)

M. Laurent Pinatel, porte-parole de la Confédération paysanne, a confirmé que son organisation collaborait avec de telles associations : « Comme la FNSEA, la Confédération paysanne travaille avec des associations tel que CIWF : c’est le signe que certains militants du bien-être animal ont réellement la volonté d’être les interlocuteurs de l’ensemble des professionnels agricoles. C’est avec ces gens-là que l’on pourra travailler en toute objectivité pour trouver des pistes d’amélioration entre les éleveurs et les abattoirs ». (410)

Plusieurs intervenants qui se sont exprimés devant la commission d’enquête ont également souligné le rôle historique de l’association Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA).

M. Patrick Dehaumont, directeur général de l’alimentation (DGAL), a ainsi déclaré : « Pour ce qui est de nos relations avec les associations, elles me paraissent bonnes. Du reste, un certain nombre d’associations de protection animale, dont l’OABA, sont parties prenantes du Conseil national d’orientation de la politique sanitaire animale et végétale, au cours duquel sont abordées les questions de bien-être animal. Le travail avec les associations est donc constructif. […]

Cette mise au point ne remet nullement en cause l’action de l’OABA, qui réalise un travail extrêmement efficace dans les abattoirs depuis des décennies. D’ailleurs, lors du dernier CNOPSAV, nous avons rappelé, et le ministre l’a également souligné, que nous sommes très favorables à des conventionnements entre les professionnels de l’abattage et des associations comme l’OABA pour assurer plus de transparence, renforcer la vigilance et sensibiliser les différents acteurs. » (411)

M. Max Roustan, maire de la ville d’Alès, dont l’abattoir a fait l’objet d’une vidéo très médiatisée par l’association L214, a indiqué : « Par ailleurs, l’OABA, que vous avez reçue, a validé en 2011 et en 2016 les procédures mises en œuvre par l’abattoir d’Alès. » (412)

Il faut également préciser que l’OABA a rédigé des guides de recommandations sur les pratiques d’abattage, qu’elle a ensuite distribués dans de nombreux abattoirs français.

Ces associations qui travaillent en commun avec les professionnels du secteur de l’élevage et de l’abattage tirent leur légitimité de leur volonté et de leurs actions pour garantir le respect du bien-être des animaux d’élevage et améliorer les pratiques de ces professionnels.

Les professionnels du secteur rejettent en revanche les associations de protection animale qui ont un message promouvant l’abolition de la consommation de produits d’origine animale.

Mme Christiane Lambert, première vice-présidente de la FNSEA, a ainsi déclaré : « En clair, nous faisons un net distinguo entre les objectifs poursuivis par certaines associations et par d’autres. » (413)

2. Les moyens d’actions des associations

Afin de renforcer le rôle des associations de protection animale, il est avant tout nécessaire de renforcer leurs moyens d’action qui sont notamment leur constitution partie civile et les visites en abattoir.

a. La constitution de partie civile par les associations

Aujourd’hui, les associations de protection animale peuvent se constituer partie civile pour des infractions pénales de mauvais traitements sur animaux si ces infractions relèvent du code pénal.

En effet, l’article 2-13 du code de procédure pénale dispose : « Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits et dont l’objet statutaire est la défense et la protection des animaux peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions réprimant l’abandon, les sévices graves ou de nature sexuelle, les actes de cruauté et les mauvais traitements envers les animaux ainsi que les atteintes volontaires à la vie d’un animal prévus par le code pénal. »

Cette disposition ne permet cependant pas aux associations de protection animale de se constituer partie civile pour des infractions relevant du code rural et de la pêche maritime.

Par conséquent, en l’état actuel de la réglementation, les associations de protection animale ne peuvent se constituer partie civile pour des mauvais traitements commis sur des animaux en abattoir ou lors de leur transport.

Cette impossibilité s’avère d’autant plus être défavorable au vu des évolutions législatives étendant le délit de maltraitance animale aux exploitants d’abattoirs et d’entreprises de transport (voir supra).

M. Frédéric Freund, directeur en charge des missions de visites des abattoirs de l’association Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA) regrette une telle impossibilité : « Vous avez donc devant vous une association reconnue d’utilité publique spécialisée dans la protection animale, de l’élevage à l’abattage, qui ne peut légalement se constituer partie civile pour toutes les infractions relatives aux règles d’élevage, de transport et d’abattage contenues dans le code rural… » (414)

Il est important de rappeler que la constitution de partie civile peut être indépendante de la plainte et qu’elle a pour objet de permettre d’obtenir la réparation du préjudice subi par l’infraction en devenant partie au procès. Elle permet le déclenchement des poursuites à l’encontre de l’auteur des faits en cas d’inertie du parquet.

La constitution de partie civile implique le versement d’une consignation dont le montant est fixé par le juge d’instruction. Si la plainte ne s’avère pas justifiée, ce montant n’est pas restitué.

Proposition n° 58 : Modifier l’article 2-13 du code de procédure pénale relatif à la constitution de partie civile des associations afin d’y inclure les infractions pénales relevant des dispositions du code rural.

b. La visite des abattoirs par les associations

Une des missions principales de l’association Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs est de visiter ces établissements afin de s’assurer du respect de la réglementation relative au bien-être animal, comme l’a déclaré M. Jean-Pierre Kiefer, président de l’OABA devant la commission d’enquête : « L’OABA a mené depuis les années soixante-dix une mission de visites des abattoirs, mettant à profit la présence traditionnellement forte de vétérinaires parmi ses membres […]. Depuis quelques années, elle rencontre toutefois des difficultés pour la mener à bien. » (415)

En effet, suite à la diffusion en 2012 du reportage réalisé par
Mme Anne de Loisy sur les abattoirs, qui a bénéficié d’une forte audience, auquel l’OABA a apporté son aide et expertise, les portes de certains abattoirs se sont fermées.

M. Kiefer déplore ainsi les « répercussions directes pour l’OABA car certains directeurs d’abattoir ont considéré que notre association avait trahi leur confiance. C’est une attitude regrettable : les professionnels auraient mieux fait de considérer qu’il leur fallait balayer devant leur porte, car nous n’avions dénoncé que de très, très mauvais élèves, et empêcher que les dysfonctionnements dénoncés à travers des cas extrêmes ne se reproduisent. » (416)

Les visites de l’OABA ne se font pourtant pas de façon inopinée, comme l’explique M. Kieffer : « Ces visites se font toujours après avoir pris rendez-vous avec le directeur de l’abattoir concerné et les services vétérinaires en charge du contrôle de cet abattoir : il n’est pas possible pour une association de venir à l’improviste pour voir ce qu’il s’y passe. Précisons que nos audits portent sur la seule protection des animaux et non sur l’aspect sanitaire. Sur place, nous adressons des remarques au directeur et aux professionnels sur les problèmes que nous relevons. Nous faisons même corriger les mauvaises pratiques en montrant les bons gestes, puisque nos enquêteurs sont soit des vétérinaires soit des professionnels des animaux et d’utilisation du matériel. » (417)

Toutes les visites de l’OABA font également l’objet d’un rapport remis a minima à l’exploitant de l’abattoir et aux services vétérinaires préfectoraux.

Votre rapporteur souhaite souligner la légitimité de l’OABA et la qualité de son travail, et incite par conséquent les exploitants d’abattoirs à accueillir cette association au sein de leur établissement.

Les autres associations de protection animale travaillant sur ce sujet – comme exposé plus haut – sont également légitimes à participer aux visites des abattoirs.