Théorie du genre et « véganisme » individualiste

«Je n’imaginais pas que le Pape se laisserait embarquer par des intégristes et leur folie mensongère. Ça me met en colère. »

Voici l’expression feinte de colère de la ministre de l’Education, Najat Vallaud-Belkacem, invitée hier sur France Inter, à la suite des propos du pape François.

Voici ce que ce dernier avait dit :

«Ce que j’ai critiqué [samedi, ndlr] a dit François, est le mal qu’il y a dans le fait d’ériger la théorie du genre en doctrine. Un papa français m’a raconté qu’un soir, en famille (…).

Il demande à son fils de 10 ans: « que veux-tu faire quand tu seras grand?». «Etre une fille!» lui répond l’enfant.

Le papa s’était alors rendu compte que dans les livres du collège, on enseignait la théorie du genre. Ceci est contre les choses naturelles!

Pour une personne, une chose est d’avoir cette tendance, cette option, et même de changer de sexe, autre chose est de faire l’enseignement dans les écoles sur cette ligne, pour changer la mentalité. C’est cela que j’appelle la colonisation idéologique.»

Alors, existe-t-il vraiment une « théorie du genre » ? Bien sûr qu’elle existe. Développée dans les facultés américaines, avec comme base la théorie « queer », le mouvement de la « théorie du genre » nie la Nature et considère que toute définition est « normée ».

Il faudrait donc tout déconstruire. Ce courant de pensée est totalement dominant dans les milieux « antispécistes » liés à l’anarchisme, au point que certains d’entre eux avaient même fait une vidéo pornographique signée « Terre déviante », pour dénoncer La Terre d’abord ! qui pour ces gens est totalement réactionnaire, anti-trans, etc.

En effet, à partir du moment où nous reconnaissons la Nature, nous reconnaissons forcément la division hommes-femmes. Cela ne veut pas dire du tout que nous voulons, comme le pape, que les hommes et les femmes en restent à des rôles sociaux réactionnaires, n’ayant d’ailleurs rien du tout de naturel.

Mais, pour nous, le rapport au corps est celui de l’être, non de l’avoir. On « est » son corps, alors que les gens aliénés ou religieux (ce qui revient au même) pensent avoir un corps.

Le pape fait une critique hypocrite : lorsqu’il parle de choses naturelles, il veut dire naturelles selon Dieu, sauf que son Dieu n’existe tout simplement pas, n’ayant été qu’un prétexte masquant des intérêts humains.

Et dans cette domination de l’esprit chrétien où chacun à son « âme » et d’individualisme consumériste forcené, il y a des gens pour fantasmer que leur esprit se serait trompé de corps, qu’ils ne sont pas leur corps, que tous leurs problèmes viennent de là. Finies les questions sociales : tout passe par l’individu.

Tout partirait de l’individu, tout arriverait à lui. Tous les problèmes ne sont plus que personnels. Toute la société doit devenir une proposition d’offre et de demande.

Crowdfunding, prêts entre particuliers, burkini, Uber, livreurs à vélo, discours sur la légalisation du cannabis et de la GPA, définition des prostituées comme « travailleurs du sexe » : la tendance est à l’ultra-individualisme, à la négation de tout ce qui est universel.

Pour cette raison, le véganisme universel est combattu de manière frénétique, alors que le « véganisme » individualiste est hyper médiatisé, célébré depuis Madame Figaro jusqu’à Grazia, en passant par Le Monde ou Libération.

Il ne faut pas se voiler la face : si des projets comme L214 sont acceptés socialement, c’est qu’ils participent à la fragmentation de la société. Le capitalisme rêve de se développer au moyen de nouvelles consommations et que celles-ci relèvent du bouddhisme, de l’Islam ou de véganisme lui est totalement secondaire.

Le véganisme comme universalisme, voilà ce qui lui poserait un réel problème. Mais l’universalisme n’existe pas dans le véganisme actuellement, car ce sont les bobos, les hipsters, les bourgeois universitaires, la petite-bourgeoisie adeptes de modes faussement rebelles qui ont le dessus.

Voici ce que dit par exemple Antoine Comiti, président de l’association L214 Éthique et animaux, lors de son audition par la « Commission d’enquête parlementaire » dont nous parlions ces derniers jours.

« M. Antoine Comiti. S’agissant de la reconversion, nous le regrettons, mais nous ne serons pas tous végétariens demain : ce sont des évolutions qui se font sur un temps long – ce sont des évolutions culturelles. »

Le capitalisme adore ce principe de longueur, car comme il contrôle ce qui est produit, comme les institutions sont à son service, il peut profiter de toutes les tendances pour se renforcer, se réaménager.

L’antispécisme apparaît ici comme absolument rien d’autre qu’un individualisme de plus et au-delà du fait que cela n’arrivera à rien, il y a surtout le risque de plus en plus concret que les secteurs populaires rejettent le véganisme, n’apparaissant que comme un phénomène « mondialiste » de plus, que comme une contribution à la fragmentation de la société, à la dispersion par rapport aux vrais problèmes, etc.

Cela serait alors une double catastrophe : le véganisme serait un simple secteur de consommation et de distraction, et les gens à convaincre le mépriseraient en le réduisant à une aventure particulière, totalement éloigné de leur besoin d’universel, qu’ils trouveraient alors notamment dans la religion…