Doit-être vegan pour parler des animaux?

Avec ce qui semble être une émergence de la question des animaux dans l’opinion publique, beaucoup de monde prend la parole. Forcément, on peut penser que plus il y a de gens qui la prennent, mieux c’est.

Le problème est de savoir quelle légitimité il y a, justement, à ce que ces gens prennent la parole. Ou, si l’on préfère, la question est la suivante : doit-être vegan pour parler des animaux ?

Historiquement, il y a dix ans, il y avait grosso modo deux camps : la protection animale disait que ce n’est pas le problème, les vegans pensaient par contre que c’était nécessaire, tout en étant la plupart du temps pas d’accord sur l’approche nécessaire.

Il y a eu depuis tout une bataille pour faire passer les vegans pour des sectaires, en faveur du « végata*isme », etc., et elle a gagné dans les mentalités. Avant, on était fier d’être vegan et cela en faisait une ligne de démarcation absolument nette.

Aujourd’hui, l’idée que le véganisme est un saut qualitatif a disparu. La question des animaux est censée en quelque sorte flotter au-dessus de la réalité.

Voici deux exemples représentatifs et d’une certaine manière sympathiques, ce qui souligne d’autant plus la complexité de la question.

Voici tout d’abord Clément s’emmêle, un youtubeur qui se lance et qui essaie de donner un contenu de réflexion, un peu comme Norman aurait dû le faire s’il ne préférait pas l’option apolitique et commerciale.

La vidéo « Le lait c’est pas bon » révèle un vrai travail de recherche, un vrai effort de présentation de la réalité… Mais à la fin, au lieu de réfuter entièrement le lait, il y a un appel à la « modération » et au libre-choix individuel…

Comment faut-il alors évaluer la vidéo ? Faut-il reprocher la fin ou bien penser que la personne deviendra inévitablement végane ?

Voici un autre exemple. Michel Fize a été sociologue au CNRS et un compagnon de route de Robert Hue, jusqu’à il y a peu de temps, au sein du Mouvement des progressistes.

Traumatisé par la mort du chien qui partageait sa vie, il a décidé d’exprimer ce qu’il a ressenti et compris, dans un ouvrage publié en juin de cette année : Merci Will, et à bientôt.

Fort de cette compréhension de la dignité, Michel Fize se rue dans les aspects de la question, devient végétarien, se dit antispéciste, prend la parole pour défendre les refuges, dénoncer l’exploitation animale.

De manière plus pertinente encore, il parle de la Nature, allant jusqu’à la conception comme quoi il faut vivre en harmonie avec tous les êtres vivants.

Dans sa lancée, il va jusqu’à vouloir se présenter aux présidentielles !

Faut-il le considérer comme un doux-dingue même pas vegan, comme un égocentrique mégalomane faisant fi de l’histoire de la libération animale, comme quelqu’un portant un vrai effort de dignité ?

D’un côté, il est évident que tant Michel Fize et « Clément s’emmêle » ne sont pas végans ils portent une hypocrisie, un décalage entre ce qu’ils disent et ce qu’ils font. On ne peut pas défendre les animaux et assumer de faire du mal au nom de son propre confort.

De l’autre, ils portent quelque chose. Mais de quelle manière leur reprocher de ne pas aller assez loin, dans quelle mesure faut-il considérer que le camp du « bien-être » animal les a freinés, comment chercher à tisser des liens (ou pas) avec eux ?