Que veut dire l’expression « Charity business », bien connue aux Etats-Unis ? Que des gens pratiquent la charité, en obtenant quelque chose en retour : une bonne image dans le public, une notoriété plus grande, etc.
C’est exactement le fond de la démarche de Rémi Gaillard qui, comme le constate Midi Libre, a été « surmédiatisé pendant quatre jours ».
Du grand spectacle, du jeu sur les émotions, dans le mépris de la rationalité, dans le refus de l’universalisme au sens où la compassion doit aller à tous les animaux…
Cela a été un véritable exemple de ce qu’on peut appeler l’américanisation de la société française (non pas qu’il faille, bien sûr, réduire l’Amérique à ce type de travers).
Car Rémi Gaillard n’est pas un amateur du genre : ses vidéos fonctionnent sur le principe de la provocation.
Voici un exemple, avec une vidéo entièrement anti-animaux, en l’occurrence anti-pigeons. 17 millions de personnes ont pu voir Rémi Gaillard déguisé en pigeon géant salissant une voiture venant d’être lavée…
Rien que cette vidéo est moralement intolérable et inacceptable. Notre morale n’est pas divisible et malléable selon l’opportunisme du moment.
Chez Rémi Gaillard, le style consiste d’ailleurs justement en des vidéos agressives et gratuites dans la provocation, avec des dérapages ignobles, comme en 2014 lorsqu’il a mimé des actes sexuels sur des femmes.
Rémi Gaillard n’est donc nullement un progressiste : c’est un de ces « humoristes » qui sont le produit du relativisme général, du divertissement gratuit.
C’est le sens de son opération de charity business : prétendre donner du sens. Il s’est enfermé pendant 86 heures dans une cage de la SPA de Montpellier, appelant à soutenir financièrement la SPA locale (liée à la SPA dite de Lyon, et non pas de Paris) et à adopter les 300 chiens présents.
150 chiens ont été adoptés, 200 000 euros récoltés. C’est le point positif.
Mais à quel prix ? Car là où c’est pervers, c’est que la bataille est bien plus grande.
Au niveau des refuges, déjà : au lieu de valoriser les anonymes, qui travaillent tout le temps, au lieu de mobiliser de manière rationnelle et prolongée, Rémi Gaillard joue sur les sentiments pour le coup d’éclat.
Or, la cause animale paie un prix énorme à ce type d’actions, qui empêche un mouvement rationnel, dans la durée, sur des valeurs claires.
Les fait sont là : les refuges tiennent à bout de bras et ce ne sont pas des aides médiatisées ponctuelles qui changent la réalité.
Le système français des refuges est au bord de l’effondrement et il y a un besoin de soutien pratique, organisé et surtout… fiable, dans la durée !
Ce n’est pas la démarche de Rémi Gaillard, qui ne fait que prolonger sa démarche « vidéo ».
Voici quelques uns de ses propos, larmoyants et émotionnels, à mille lieux des exigences de lutte pour la planète et les animaux :
« Des gens sont venus m’accompagner la nuit, un boulanger m’a apporté des croissants tous les matins, un gars de la sécurité a pleuré en voyant une gamine m’offrir sa tirelire, d’autres m’ont offert leur doudou…
La cagnotte a avancé à coup de centimes même si nous avons eu plusieurs gros donateurs comme Louis Nicollin ou le groupe Shaka Ponk. Des gens sont venus de Nantes, Strasbourg, Melun en train.
Cette chaleur humaine m’a aidé à supporter les nuits. Cette expérience m’a réconcilié avec le genre humain. »
C’est bien beau, mais le genre humain n’est pas la question ici. Il faudrait justement qu’il sache s’effacer !
Et cet anthropocentrisme révèle, c’est le second aspect, qu’il n’y a ici rien pour les animaux en général. Rémi Gaillard n’est pas végan et l’assume clairement, comme ici dans Paris Match :
En juin 2016, vous étiez la voix de la vidéo choc de L214 à propos de l’abattoir de Pézenas et de celui du Mercantour, épinglés pour maltraitance. Depuis, êtes-vous devenu végétarien ?
J’ai arrêté le poulet, le cochon, mais je mange encore du bœuf de temps en temps. J’ai une copine végane qui m’initie. Je n’ai pas encore trop fouillé le sujet pour remplacer totalement la viande.
On retrouve la démarche « animaliste », « antispéciste », etc. qui nie la question du socle moral nécessaire à la cause, au nom d’un « progrès » aux contours flous.
Cependant, nous sommes en 2016 et l’humanité pratique un terrorisme général contre les animaux. C’est quelque chose qu’il faut comprendre rationnellement.
Il n’y a pas de place pour la manipulation des émotions, qui sort de la raison, de la morale.
Rémi Gaillard a payé le prix de cela, d’ailleurs. Le fait de rester quatre jours dans une cage est très dur, il a été sous le choc. Il a souffert notamment des aboiements des chiens : c’est un être sensible, il a compris la cause de l’adoption.
Il s’est mis en jeu émotionnellement, clairement. Lui-même a salué de manière ininterrompue la mémoire de son ami canin qui l’a quitté en 2012. La dignité est réelle.
Toutefois, cette mise en jeu est aussi une mise en scène.
Car ce qu’il a fait est un témoignage typiquement chrétien, s’enserrant parfaitement dans sa stratégie médiatique.
Lui-même ne veut rien changer : il n’est pas devenu vegan, il ne prône pas la libération animale, il n’appelle pas à la bataille. Il témoigne.
C’est là du catholicisme, pas de la révolution.
Alors, évidemment, Rémi Gaillard ce n’est pas l’ALF. Mais posons la question : quelle crédibilité y a-t-il pour quelqu’un mangeant de la viande, portant du cuir, à jouer sur la corde sensible au sujet des animaux ?
Est-ce moral, ou de l’usurpation ?
Ce qui ramène à la question du charity-business.
La société Bravoloto a été un sponsor (il s’agit d’un loto en ligne gratuit pour gagner des bons d’achat, qui a d’ailleurs choqué il y a deux mois pour une publicité graveleuse).
Il y a des stars des NRJ music awards qui ont fait une vidéo de soutien à la va-vite et sans trop savoir vraiment de quoi il en retournait, il devait sortir de la cage en direct au 20h sur le Grand Journal de canal+, en profitant de cette occasion, pour pratiquer le populisme en demandant que Bolloré double la cagnotte pour qu’il sorte. Il n’est pas sorti, expliquant ensuite que les chiens adoptés ne sortent pas devant les caméras et expliquant : « la télé je les encule, ils peuvent pas m’acheter, je sortirai pas devant les caméras ».
Il a d’ailleurs traité avec la même vulgarité Elie Semoun qu’il a accusé de ne pas pouvoir le soutenir, recevant alors naturellement au passage le soutien de Dieudonné.
Parmi ses soutiens, notons Louis Nicollin, président du club de football de Montpellier connu pour ses dérapages verbaux agressifs et accessoirement 311e fortune de France…
On est ici en plein charity-business quasiment féodal… Sur un fond de jeu émotionnel, de pseudo rébellion populiste, avec aucun contenu rationnel…
Et à ce panorama il faut ajouter les comédiens Jérôme Commandeur et Jarry, Brigitte Bardot, les joueurs de football Geoffrey Jourdren, Laurent Pionnier et Hatem Ben Arfa, les chanteurs Soprano, Christophe Maé, LEJ, Shaka Ponk et Black M, Sylvie Tellier (ex miss france 2002)…
Faut-il être naïf ou faussement naïf pour croire ou faire croire que les beaufs et les riches vont aider à changer les choses…
Voici enfin, pour conclure, le communiqué final de la SPA de Montpellier, plein d’anthropocentrisme, au point qu’on a l’impression que c’est le communiqué de la fin d’une production de cinéma sur un ton un peu « simplet ».
Clap de fin pour Rémi en cage !
Après 4 jours passés en conditions réelles de vie de chien abandonné dans notre refuge, le box 612 est vide, fini la tristesse et l’ennui pour Rémi qui à été adopté ! Certainement un coup de pouce de « Titou » (son poilu disparu) qui veille de là haut sur lui! Car en ce soir de Super lune du 14 novembre 2016, certains vœux se réalisent…Comme tous nos loulous qui ont eu cette chance, il va pouvoir retrouver enfin une vie de chien normale: la chaleur d’un foyer, la liberté, une nouvelle vision sur le monde sans barreaux à l’horizon, de l’amour et de l’affection…
Merci à Rémi pour cette expérience humaine inédite et très touchante ! Des moments forts en émotions ! Merci pour eux qui ne parlent pas mais ressentent tout ! Merci à tous de l’avoir soutenu !
Les adoptions qui ont eu lieu durant cet évènement ont toutes été méticuleusement encadrées par les bénévoles puis validées par les responsables d’adoption par souhait de qualité des placements, tant pour les animaux que pour leurs futurs propriétaires. Les suivis des adoptions seront bien évidemment effectués comme habituellement. Merci aux adoptants ! Et merci pour les premières nouvelles parvenus.
Merci à chacun d’avoir apporté « sa petite pierre à l’édifice »; très touchante mobilisation et formidable chaîne de solidarité qui permettra d’améliorer les conditions de vie des animaux en détresse ou en transit dans le refuge.
Merci aussi aux sponsors, à l’équipe technique, aux vigiles, aux bénévoles, aux animaliers et personnels du refuge…
Téléchargez et jouez gratuitement sur l’appli bravoloto qui reverse 1 centime par grille pour vous.
http://bit.ly/SauvezRemi
Pour résumer, on a eu ici un refus de la raison, une célébration des attitudes régressives, une logique de témoignage chrétien, une pseudo hargne rebelle, une recherche du spectaculaire…
La société française est, tout simplement, infantile.