La COP22

Du 7 au 18 novembre s’est tenue à Marrakech la 22ème « Conférence des parties à la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques », c’est-à-dire la COP22.

Le roi Mohammed VI a exprimé à cette occasion, dans une longue phrase :

« ses remerciements et sa Haute considération, pour les efforts louables entrepris par le Comité d’organisation et le Comité de pilotage, ainsi que par les différentes autorités locales et territoriales, la sûreté nationale, les forces militaires et auxiliaires, les acteurs du secteur privé, les organisations de la société civile et les habitants de la ville de Marrakech en général ».

La COP22 a salué dans le même esprit le roi Mohammed VI, dans une longue phrase également :

« Nous, Chefs d’États, de Gouvernements, et Délégations, rassemblés à Marrakech, en sol Africain, pour la Vingt-deuxième session de la Conférence des Parties, la douzième session de la Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties au Protocole de Kyoto et la Première session de la Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties à l’Accord de Paris, à la gracieuse invitation de Sa Majesté le Roi du Maroc, Mohammed VI, prononçons cette proclamation afin de signaler un changement vers une nouvelle ère de mise en œuvre et d’action en faveur du climat et du développement durable. »

Bref, on a compris qu’on était dans un environnement très feutré, très aseptisé, très technocratique, avec une dose énorme d’auto-satisfaction, perturbé il est vrai par l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis, celui-ci étant un « climato-sceptique » notoire.

Voici un exemple de ce que celui-ci peut raconter :

« Je ne crois pas au changement climatique, c’est juste de la météo. Ça a toujours été comme ça, le temps change, il y a des tempêtes, de la pluie, et des belles journées. »

Cela donne le ton, mais cela n’empêche pas non plus le gouvernement américain d’annoncer à la COP22 qu’en 2050, les États-Unis produiront 80 % de CO2 en moins par rapport à 2005.

Une promesse donc entièrement gratuite, puisque Obama part et est remplacé par Trump… Mais les promesses n’engagent, on le sait bien, que ceux qui y croient.

D’ailleurs, Donald Trump a annoncé qu’il supprimerait l’Agence de protection de l’environnement américaine. Et en attendant, il a nommé à sa tête Myron Ebell, qui dirige depuis 1997 une coalition de groupes et de réseaux combattant le « mythe du réchauffement climatique ».

De toutes manières, Donald Trump a également raconté que les Etats-Unis devaient sortir des COP. Alors, quand on voit cela, les promesses américaines…

Mais les autres pays riches sont de toutes façons également sur la même longueur d’onde, avec plus d’hypocrisie, un style différent.

Par exemple, chaque année, de 142 à 178 milliards d’euros sont donnés comme aides publiques pour l’usage des énergies fossiles par les 34 pays les plus riches.

C’est une somme gigantesque, qui montre bien que les priorités restent économiques.

Rappelons au passage que les mesures de la COP21 ne sont nullement obligatoires pour les pays l’ayant signé. Cela en dit long sur l’authenticité de l’engagement dans la COP21. En fait, tant qu’il y a un semblant d’unité, il y a quelques pas en avant, mais dans le fond la démarche n’est pas nécessaire et à la première grande occasion, ce sera le chacun pour soi.

Les mentalités sont déjà prêtes, d’ailleurs, vu le succès des populistes nationalistes, de Trump à Poutine ou Marine Le Pen ici, qui prône le refus de voir les choses autrement que de manière la plus étroite, dans le respect des « traditions », du conservatisme, etc.

Cette ambiance n’empêche pas la « déclaration de Marrakech » de faire dans le satisfecit complet :

« Cette année, nous avons assisté, à un élan extraordinaire en matière de lutte contre les changements climatiques, partout dans le monde, ainsi que dans de nombreux fora multilatéraux.

Cet élan est irréversible – il est guidé non seulement par les gouvernements, mais également par la science, par le monde des entreprises ainsi que par une action mondiale de tous types et à tous niveaux. »

Ce qui est absolument fascinant dans cette explication, c’est que la population n’est pas mentionnée. On a les gouvernements, les scientifiques, les entreprises, une bien mystérieuse « action mondiale de tous types et à tous niveaux ».

Mais on n’a pas les gens. La population est totalement laissée à l’écart, ce qui est logique : si le refus du réchauffement climatique était populaire, alors ce serait la révolution, car les gens verraient qui est qui, qui fait quoi.

On l’a bien vu avec la COP21 à Paris : la population est restée à l’écart. On l’a mise à l’écart, mais il n’y a également eu aucune mobilisation populaire, dans le sens d’une lutte sérieuse.

Le contexte des attentats n’explique pas tout et après tout la mobilisation contre la loi travail a bien eu lieu. Non, le fait est que les gens font confiance aux dominants, tout comme à l’arrière-plan ils acceptent le principe comme quoi les intérêts de son propre pays doivent être privilégiées.

L’égoïsme de Marine Le Pen est ici le pendant de l’hypocrisie de François Hollande pendant la COP21. Ce dernier était d’ailleurs à Marrakech, pour la COP22… Mais en même temps pour le sommet des chefs d’État et de gouvernement Africains !

On reconnaît ici le sens des priorités, l’horrible pragmatisme des dominants, qui ne font même pas vraiment semblant…

Voici également ce que François Hollande a entre autres expliqué :

« La France, vous le savez, avait présidé la COP21 et avait été très fière qu’à Paris, il puisse y avoir un accord universel contraignant qui engage le monde.

Donc, venant ici à Marrakech dans un contexte que chacun connait, où il pouvait y avoir à la fois de l’espoir et des doutes, il était très important qu’au nom de la France, mais aussi au nom des 110 pays qui ont ratifié l’Accord de Paris, je puisse affirmer que cet Accord est irréversible.

Il est irréversible en droit, parce qu’en moins d’un an il a pu entrer en vigueur, irréversible dans les faits, parce qu’il y a un mouvement, une mobilisation des acteurs privés, publics, gouvernements, entreprises, organisations non gouvernementales qui fait que ce mouvement est irrépressible, inarrêtable et inaltérable.

Et puis, il est irrépressible aussi parce que dans les consciences, il est maintenant acté que l’enjeu climatique est un enjeu commun et qu’il concerne aussi bien des îles qui sont menacées pour leur propre survie que des grands continents, des pays immenses qui sont touchés par des catastrophes. »

C’est naturellement de la poudre aux yeux, car il n’y a rien de contraignant. Mais voici également ce qu’il précise, et qui montre très bien ce que signifie la COP21 pour la France : une manière de se renforcer économiquement en Afrique…

« Nous sommes à Marrakech, au Maroc, il y aura d’autres rendez-vous avec l’Afrique mais ici l’Afrique était représentée au plus haut niveau parce qu’elle avait compris qu’elle était au cœur du projet climatique.

C’est également notre intérêt commun. Pas simplement un acte de solidarité, pas simplement une volonté -qui suffirait d’ailleurs- de préserver la planète, mais parce que c’est aussi la sécurité de nos deux continents qui est en cause.

Si nous voulons limiter ou réduire ou empêcher l’immigration c’est en luttant contre le réchauffement climatique et en assurant la sécurité du continent. Si nous voulons qu’il y ait un développement en Afrique qui puisse être une source de croissance en Europe c’est à travers le plan que nous pouvons lancer aujourd’hui.

Si nous voulons qu’il y ait ce partage des technologies, c’est avec l’Afrique que nous devons l’engager et la France est particulièrement bien placée pour jouer ce rôle. »

La France est « particulièrement bien placée » : voilà ce qui compte. L’écologie n’est qu’un faire-valoir économique, permettant de se donner une bonne image (comme souvent aux dépens des Etats-Unis), d’organiser des investissements nouveaux, d’élargir son influence…

Une écologie néo-coloniale, opportuniste, sans contenu, ce qui ne doit pas nous étonner !