Le « Prix Littéraire 30 Millions d’Amis » et le restaurant Drouant

Voici un exemple démontrant tout à fait la contradiction insoluble que pose la défense des animaux en restant dans le cadre de l’idéologie dominante.

La fondation 30 millions d’amis remet depuis 2004 un prix à un roman, cela s’appelle le « Prix Littéraire 30 Millions d’Amis ». Le gagnant se voit remettre 3 000 euros, qu’il doit reverser à une association de protection animale de son choix.

Le jury qui choisit le lauréat correspond à l’ambiance actuelle, où la cause animale relève d’un certain charity business, mêlant sincérité et conquête d’une certaine image.

On retrouve donc Reha Hutin, productrice et présidente de la Fondation 30 millions d’amis, mais également le misanthrope Michel Houellebecq.

A cela s’ajoutent Frédéric Vitoux, Marc Lambron et Jean-Loup Dabadie, qui sont membres de l’Académie française, les écrivains Irène Frain et Didier van Cauwelaert (qui a gagné le Goncourt en 1994), l’auteur mystico-religieux Frédéric Lenoir, l’ex-PDG de Flammarion Teresa Cremisi.

Comme il s’agit, dans cette perspective, de faire littéraire et chic, le prix est remis au restaurant Drouant, au centre de Paris.

C’est un restaurant chic, connu pour son « pâté en croûte de Drouant » ou encore son « foie gras de canard au Porto ».

Le soir, son « foie de veau poêlé, jus reduit » coûte 33 euros,tout comme son « épaule d’agneau confite ». Son « foie gras de canard aux douze épices, chutney à l’ananas » comme hors d’oeuvre 26 euros, sa « tourte de canard sauvage & au foie gras de canard » 39 euros, sa « ballotine de lièvre au foie gras de canard » 41 euros, ses « langoustines rôties » 52 euros.

Chic et traditionnel, on comprend tout de suite de quoi il en retourne. La présence significative du « foie gras » ne doit pas surprendre : le cuisinier Antoine Westermann est présenté comme le « plus méditerranéen des cuisiniers d’Alsace ».

Pourquoi choisir alors Drouant pour le prix littéraire de la fondation 30 millions d’amis ?

La raison est très simple : il s’agit du lieu historique de deux autres prix littéraires, le prix Goncourt et le prix Renaudot.

L’idée est, naturellement, de donner une sorte de légitimité, de s’insérer dans un patrimoine préexistant, de se positionner parallèlement à quelque chose de reconnu pour gagner en légitimité.

Sauf que c’est absurde, parce que la « tradition » n’est nullement démocratique et est parfaitement insérée dans un mode de vie grand bourgeois, décadent, n’en ayant rien à faire des animaux.

Les gens qui ont gagné le Goncourt gagnent d’ailleurs aussi le couvert à vie au restaurant Drouant ! Michel Houellebecq l’a par exemple gagné.

Il peut donc manger gratuitement du « foie gras », par exemple avec la fameuse Virginie Despentes (le roman Baise-moi, le documentaire Mutantes  – Féminisme Porno Punk, etc.), qui est devenue membre du jury du Goncourt !

Autant dire qu’un tel panorama ne donne pas envie et reflète bien que les moeurs, la vie quotidienne, la culture, que tout cela doit être passé au crible de la morale, des valeurs correctes, afin de faire le tri et de savoir se comporter de manière juste.

Célébrer un livre en faveur des animaux – encore faudrait-il d’ailleurs que le critère de l’ouvrage choisi ait un sens bien défini – dans un endroit comme le restaurant Drouant, c’est n’avoir rien compris à la réalité, c’est être hypocrite.