Les primitivistes chiliens et les anti-civilisation en France

L’article sur le primitivisme a mis en avant une perspective qui est importante, que l’on soit d’accord… ou pas. Il faut d’ailleurs savoir que dans certains pays cette tendance politique est forte, et touche même le veganisme; c’est le cas en Amérique latine (comme au Mexique mais surtout au Chili), mais aussi en Espagne.

Le principal pays où ce courant idéologique est extrêmement actif est donc le Chili, et il existe justement quelques documents en français. Il y a en effet un pack de documents récents – appelé Peste noire –  suite à la mort de Mauricio Morales, un vegan du Chili. Ce dernier a été tué par la bombe qu’il transportait.

Dans le pack il y a une partie intitulée « Bref aperçu de la situation avant la mort de Mauri » qui révèle l’ampleur, quasi inconnue en France, des pratiques illégales des primitivistes chiliens, dont les compte-rendus sont diffusés par le site Liberación Total por la destrucción de la civilización! (Mauricio Morales est également en photo dans la colonne de gauche sur ce site).

Et si ces primitivistes du Chili assument les positions du primitivisme (refus de la civilisation et de ses techniques), et veulent également l’anarchie (et récusent l’anarchisme dans sa forme organisée), ils assument en même temps la libération animale et la libération de la Terre.

C’est quelque chose de certainement très intéressant, et donc à connaître quand on est vegan. Toutefois, c’est une chose étrange aussi. Nous avions expliqué en parlant du primitivisme que le retour à la figure du « chasseur cueilleur » était incompatible avec les valeurs du veganisme.

C’est même évident. On en fait même l’expérience tous les jours, car à notre époque être vegan est de moins en moins malaisé sur le plan des moyens de se procurer une alimentation et de l’habillement vegan; retourner en arrière sur le plan technique ne nous aiderait en rien.

De plus, la position chilienne semble plus velléitaire qu’autre chose, car les primitivistes ne sont le plus souvent pas des vegans; en France il existe dans ce qu’on peut appeler au sens large les « autonomes » de nombreuses personnes très proches des thèses anti-civilisation, et elles ne sont pas proches du veganisme, très loin de là.

On peut même dire que les « anti-civilisation » en France sont absolument opposés non seulement au veganisme, mais aussi à l’écologie. Pour ce courant, tout ce qui traite de l’écologie est un vaste complot au service du capitalisme.

Il n’y a donc pas une critique de la fausse écologie, mais une critique de l’écologie tout court, considérée comme une nouvelle idéologie de domination.

Le site anarchiste Non Fides reprend ainsi un article du Collectif contre la société nucléaire intitulé Notes sur l’écologisme d’État et le capitalisme vert, où l’écologie est plus prétexte à une critique de la société qu’autre chose. La Terre ne compte pas. Sans parler des animaux.

Pareillement, tout récemment d’ailleurs le groupe grenoblois « Pièces et Main d’œuvre« , qu’on peut considérer comme « anti-technologie » et proche du primitivisme sous cet angle, publiait un ouvrage, où en présentation il est parlé de manière rapide et dédaigneuse de « l’écoterrorisme », ennemi à peu près imaginaire, produit du FBI et de l’écrivain Jean-Christophe Rufin (Le parfum d’Adam). »

Dit de cette manière, cela ne veut strictement rien dire, et si le FBI considère l’ALF et l’ELF comme l’ennemi intérieur numéro un, ce n’est pas pour rien et il s’agit peut-être de l’expliquer, à moins de voir des complots partout.

Pareillement, ce groupe grenoblois prône l’opposition au pucage des animaux (voir ici et ), en prenant les animaux simplement comme prétextes pour refuser le pucage des humains.

Bref, les primitivistes critiquent la civilisation, et apparemment au Chili ils assument le veganisme. Tant mieux à ce niveau, mais il est évident pour autant que le veganisme a besoin d’un projet de société, et ne peut pas être uniquement une expression négative.

Et on voit très bien qu’en France, les gens proches du primitivisme sont très loin du veganisme, tout comme d’ailleurs le plus souvent les vegans eux-mêmes, malheureusement… car à quoi sert de se dire vegan si c’est pour se désintéresser complètement non seulement de la vie animale, mais aussi de son habitat?

L’animal est abstrait, il sert de prétexte. Soyons bien conscients et conscientes qu’il existe une forme de veganisme (d’ailleurs plus orienté « végétalisme » qu’autre chose), ou encore « l’antispécisme », qui consiste à prendre les animaux « en otage » pour critiquer « radicalement » le monde, sans s’intéresser pour autant aux animaux.

C’est en quelque sorte un christianisme radical, où l’amour du prochain est maquillé en compassion pour les animaux. Sauf que les animaux restent à l’écart, il n’y a pas de bataille pour sauver leur environnement.

Il faut bien voir que pour critiquer radicalement le monde, il ne faut pas être abstrait, et être concret, c’est s’intéresser à la nature en général, aux animaux dans leur habitat. Sans cela, sans la participation à cette bataille, aucun projet « révolutionnaire » n’a de sens, et encore moins d’identité réelle.

Car ce n’est qu’avec la libération animale et la libération de la Terre que l’humanité peut être elle-même. L’humanité travaille et en ce sens choisit ce qu’elle fait – il ne reste plus qu’à choisir le meilleur! C’est le sens universel du veganisme et de la reconnaissance de Gaïa.