L’entreprise Veganz, chaîne allemande de supermarchés vegans, est en faillite, en apparence. Les choses sont un peu plus compliquées que cela et voyons ce qu’il en est.
Il existe aujourd’hui huit supermarchés vegans Veganz : à Berlin (où il y en a trois), Leipzig, Hambourg, Essen, Cologne, à quoi s’ajoutent Prague et Vienne.
Plusieurs ont déjà fermé, comme celui de Munich il y a six mois ou encore de Francfort la semaine dernière, et sur les huit supermarchés n’en subsisteront plus que quatre. Le projet d’en ouvrir un à Portland, dans l’Oregon, la fameuse ville « alternative » aux Etats-Unis, a été repoussé.
Car le problème est le suivant : les supermarchés traditionnels proposent de plus en plus de produits vegans. En Allemagne et en Autriche, les restaurants tout comme les supermarchés ne peuvent pas ne pas proposer du vegan, c’est impossible.
Veganz le sait bien et cesse donc son projet d’ouvrir 60 supermarchés en Europe. Il n’y aura pas de Veganz en France…
Et, dans ce cadre, Veganz a en fait organisé sa propre faillite des supermarchés, afin de se concentrer sur la production de ses gammes de produits et la distribution de ceux-ci.
L’entreprise d’investissement vegan allemande Katjesgreenfood a dans la foulée renforcé sa position dans Veganz, passant de 5 % à 11 %.
Il est bien plus intéressant pour Veganz, d’un point de vue économique, de passer par des supermarchés traditionnels comme par exemple Edeka, leader en Allemagne, Kaufland, Netto, Müller ou encore Spar en Autriche.
Pourquoi s’ennuyer avec des supermarchés, si les profits peuvent être élargis à ceux d’un pays tout entier ?
Surtout que les supemarchés vegans dépendent d’une tendance.
Berlin et Vienne sont des villes où il existe une très forte scène alternative, avec une extrême-gauche très forte ne concevant pas que le véganisme ne soit pas une valeur reconnue.
Mais ce n’est pas le cas à Francfort, où Veganz vient de fermer. Dans cette ville le Café Edelkiosk qui avait ouvert en 2012 a fermé en novembre 2016, au même moment que le Wondergood. Le Café Extravegant et le bistro vegan d’une boucherie bio n’ont tenu que quelques mois en 2015.
Une ville comme Vienne peut avoir deux supermarchés vegans (Veganz et Maran Vegan), Berlin trois Veganz, mais ailleurs c’est un problème car la masse critique n’est pas atteinte et n’est pas prête de l’être si les supermarchés distribuent du vegan…
A Francfort, à deux pas de Veganz on trouvait ainsi plusieurs DM, qui distribuent des produits Veganz, par exemple.
Or, on sait bien que le capitalisme rime avec produire toujours plus. Comme Veganz espérait gagner l’année dernière 80 millions et n’en a eu que 56 (contre 25 il y a deux ans), le projet d’accumulation ne marche pas, donc les magasins rentables… ferment.
Car Veganz n’est pas un projet militant pour agglomérer les 900 000 végétaliens en Allemagne, mais une entreprise comme une autre…
Bien sûr, son facebook contient de nombreuses images pro-animaux. Mais ce n’est pas pour autant que Veganz se sent lié ou dépendant d’un mouvement : l’entreprise a ses propres priorités.
C’est en tout cas historique et cela montre bien une chose : le véganisme n’existe dans le cadre de cette société que comme petite minorité intégrée à la vaste tendance dominante de l’exploitation animale.
Si Herta et Fleury Michon se mettent au végétal, c’est pour s’occuper également de cette « niche », cette part de marché.
C’est bien la preuve que le véganisme n’existe que comme forme universelle et antagonique aux valeurs de cette société : quel est le sens d’un véganisme réduit à une consommation de produits d’un rayon au milieu de produits fondés sur l’exploitation animale ?
Cela peut satisfaire sa consommation personnelle, mais c’est bien tout sauf révolutionnaire.