Grippe aviaire : les oiseaux migrateurs une fois de plus incriminés à tort

Alors que 1,3 million de canards ont été assassinés en raison de l’épizootie frappant les élevages de la filière du foie gras, on vient d’apprendre qu’il y a encore 360 000 autres canards qui vont être tués afin de tenter de stopper la propagation du virus H5N8.

573 communes de la Haute-Garonne vont devoir pratiquer un « vide sanitaire », alors qu’il y a eu officiellement 373 foyers de contamination.

Les éleveurs sont bien entendu furieux, malgré que l’État leur ait débloqué 120 millions d’euros… On reconnaît le fonctionnement de l’exploitation animale et le soutien permanent de l’Etat à son égard.

Ce qui n’empêche pas le populisme outrancier des éleveurs : à Pau des « canards en colère » ont déversé des plumes de canards, de la paille, du maïs et des pneus devant la MSA, sécurité sociale des agriculteurs…

Et un aspect inévitable est l’accusation faite à la Nature d’être la « cause » de tous les problèmes. La Ligue de Protection des Oiseaux a publié un intéressant document à ce sujet.

Grippe aviaire : les oiseaux migrateurs une fois de plus incriminés à tort.

La LPO dénonce le détournement des causes réelles de cette épizootie. Explications !

Le 23 février 2017, après avoir découvert que des Tourterelles turques avaient été victimes du H5N8 dans le Lot et Garonne et supposant qu’elles étaient à l’origine de la contamination des élevages, une battue administrative a été organisée dans ce même département.

Face à cette nouvelle contamination des volailles domestiques, les oiseaux sauvages sont une fois de plus incriminés comme étant les vecteurs essentiels du virus.

Il n’est pas question de nier que l’oiseau sauvage peut être porteur. La question est de savoir s’il est à l’origine ou s’il subit le virus.

La LPO tient à soulever des incohérences face à ces conclusions qu’elle estime fausses :

Les Tourterelles turques victimes du H5N8 et supposées être à l’origine de la contamination sont sédentaires. De fait, la probabilité d’être contaminées vient donc davantage de la fréquentation d’un élevage du sud-ouest que d’un voyage vers les contrées asiatiques.
Les oiseaux hivernant en France ne croisent pas de région d’élevages industriels de plein air, sauf… dans le sud-ouest de la France, et ponctuellement depuis les élevages de l’Europe centrale et de l’ouest.

Il n’existe pas d’oiseau migrateur reliant l’Asie du sud-est et la France. La seule espèce « long courrier » est la Sterne arctique qui effectue un déplacement vertical de 40 000 km, entre la Scandinavie et l’Antarctique.

Les seuls oiseaux qui nous arrivent en masse d’Extrême-Orient sont des volailles domestiques qui prennent l’avion !

Ce n’est pas un hasard si la flambée du H5N8 est apparue en France en particulier durant les fêtes de fin d’année, pendant que la filière palmipèdes (78% des foyers recensés dans cette filière, notamment celle des canards gras) s’affairait dans les opérations de négoce.

Et c’est encore moins un hasard si la région Nouvelle Aquitaine est particulièrement affectée par cette flambée du H5N8 puisqu’elle assure à elle seule plus de 57% de la production française et près de 43% de la production mondiale de foie gras.

Ce n’est pas un hasard non plus si le département des Landes est le plus impacté : avec une production de 11 millions de palmipèdes en élevage, dont 8 en gavage.

La concentration des élevages sur de petites surfaces, l’augmentation considérable du nombre d’exploitations et de leur taille durant ces dernières années (multipliées par 6 en 30 ans !) nécessite en particulier des règles d’hygiène intra et inter-élevages très strictes qui ne sont manifestement pas toujours bien appliquées.

Une enquête a d’ailleurs été ouverte début février afin de vérifier si les conditions d’hygiènes ont été respectées par les divers maillons de la chaine industrielle lors des transports d’animaux.

La LPO s’étonne que l’on ait continué à autoriser l’usage « d’appelants » (canards domestique destinés à attirer les canards sauvages) pour les chasses à la hutte, alors que le H5N8 est apparu dans le Pas-de-calais, à partir « d’appelants », et tandis que tous les éleveurs ont eu l’interdiction de transporter leurs volatiles, y compris au Salon de l’Agriculture.

La LPO surveillera de près les résultats de l’enquête ouverte début février et devant mettre en lumière le respect ou non des conditions d’hygiènes par les divers maillons de la chaine industrielle lors des transports d’animaux.