L’exploitation des animaux, une tradition des mines

Voici un très intéressant article concernant l’exploitation des animaux dans le bassin minier. Il est exactement à l’opposé de la démarche prônant les « droits des animaux » de manière abstraite, coupée de la réalité et de l’histoire, coupée de la vie quotidienne des gens et sombrant inéluctablement dans la misanthropie et le pessimisme.

L’article est également en ligne ici, mais provient du blog de « l’Action antifasciste Artois. »

Les violences faites aux animaux sont une tradition dans le bassin minier. Elles ont en commun, quelque soit l’espèce des animaux violentés, d’être liées à l’argent, aux gains que peut générer la naissance, l’exploitation, et la mort de l’animal.

1. L’animal-machine, le cheval de fond.

L’extraction du charbon nécessitait qu’une fois décroché de la terre, le minerai soit remonté à la surface. Très tôt dans l’hitoire du « bassin minier », le cheval, déjà largement utilisé aux champs, s’est imposé au fond pour sa puissance.

Ainsi, le « barritel » constitue la première machine d’extraction de charbon : le cheval est le moteur de cette machine. Condamné toute sa vie à tourner en rond autour d’un axe pour actionner les poulies qui permettaient de remonter les ascenceurs chargés de travailleurs, ou les berlines remplies de minerai, on peut imaginer la souffrance de cet animal travaillant loin de son milieu naturel, dans la chaleur et l’obscurité.

Au début du 20ème siècle, il n’était pas facile de descendre les chevaux au fond des mines, les cages d’ascenceur de l’époque, aux dimensions trop étroites, ne permettaient pas le transport des chevaux. Une fois administrés de puissants calmants, on sanglait l’animal avec de solides liens, les pattes attachées ensemble, on lui couvrait les yeux d’un bandage opaque, avant de l’accrocher sous le plancher de la cage pour le descendre jusquà l’étage où il était affecté.

A la fin des années 1940, les compagnies minières introduisent les berlines de 3000 litres qui nécessitent l’élargissement et le réhaussement des cages, ce n’est qu’alors que les conditions de descente des chevaux s’améliorent.

Des écuries spécifiques étaient aménagées, avec des boxes individuels. Un ouvrier est affecté à l’entretien de ces animaux, « le méneux d’quévaux » (conducteur de chevaux), en plus de le guider dans son travail de force.

Au début du 20ème siècle, les 7 mines de Bruay-en-Artois emloyaient 150 chevaux au fond et une trentaine « au jour ». Au cours du siècle, les techniques modernes, et notamment les machines automobiles, se généralisent. Néanmoins, le cheval reste un travailleur de fond, il est utilisé dans les galeries pour la manutention des ceintres d’étayage (poutres), là où le passage des locotracteurs était risqué, essentiellement en raison de présence de grisou (gaz explosif).

Après une dizaine d’années au fond, ceux de ces chevaux qui ne sont pas morts, d’épuisement ou d’accident, sont envoyés à l’abattoir, souvent proche de la mine, pour y être tués et vendus pour leur viande. Certains d’entre eux, devenus poussifs avant l’âge, sont vendus aux agricultueurs des communes voisines. Habitués à tracter de fortes charges, ils sont utilisés aux travaux de labours ou au tractage des charettes jusqu’à la fin de leur vie.

Le dernier cheval de fond est remonté en 1970, il est mort de vieillesse dans une ferme à Tilloy-les-Hermaville, après moins d’un an de retraite.

Les chevaux appartenaient et étaient exploités pour le profit des compagnies minières, ils partageaient donc le quotidien, et le destin, des travailleurs du fond. Les mineurs avaient un très grand respect pour ces animaux, comme en témoigne les vers du poète-mineur Henri Raimbaut :

« Il est noir, brave cheval
En galére au pied de la taille
Tirant les rames de charbon
Ca fait dix ans qu’il est au fond

La poussière, plein de sueur
Obscurité et la chaleur
Une existence pleine de peines
A charrier l’charbon de la veine

Dans tes yeux, une clarté
La lampe du « meneu d’bidet »
Une douceur du compagnon
Te v’là reparti pour les fronts

Quand il tire la rame
Et qui compte de tête
Une berline de plus
Le voila qui s’arrête

Pauvre cheval dans la misère
Pour le mineur tu es un frère

Parfois tu fermes les yeux
Tu dois songer aux jours heureux
Où tu étais dans la prairie
Au grand soleil, un paradis
Nous te savons condamné
Pourtant tu ne l’as pas mérité »


2. L’animal-évasion : le pigeon voyageur.

L’élevage, comme les compétitions de pigeon voyageurs étaient l’un des loisirs les plus populaires dans les mines, et, au delà, dans tout le Nord Pas-de-Calais. Au début des années 1980, la région compte 23000 « coulonneux ». Dans son livre « Gueules noires », Frédéric Denhez poétise : « Le pigeon était une promesse d’évasion spirituelle pour les mineurs (…) sortant de l’oscur monde souterrain, le mineur se progetait dans cet être blanc qui s’échappait à son gré… »

La réalité est que ce « sport » était largement encouragé par les compagnies minières qui voyaient dans ce loisir prenant un moyen de plus de garantir la paix sociale. Une saine occupation en somme. Les compagnies allaient même jusqu’à accepter que les mineurs construisent des pigeonniers, parfois monumentaux, dans le jardin de l’habitation qu’elles mettaient à disposition des mineurs.

De nos jours, les colombophiles sont encore nombreux, nourrissant une réelle économie : un pigeon coûte entre 10 et 80 euros, il faut compter 150 euros par mois pour nourrir 120 pigeons. Dans les pigeonniers, en dépit du soin des éleveurs en matière d’hygiène, la promiscuité est source de maladies. Le vaccin « colombac » est obligatoire et coute 25 euros pour 50 pigeons. L’équipement de chronométrage, indispensable à la compétition, se vend entre 100 et 500 euros, selon les modèles. Les « champions » sont revendus pour la compétition ou la reproduction, à des coulonneux moins patients ou plus fortunés, et s’échangent parfois jusqu’à un millier d’euros.

Parallèlement, les bizets, les pigeons d’église, ou les pigeons des villes font l’objet d’une destruction massive, soit par l’emploi de produits toxiques, soit par la destruction de leur habitat traditionnel.

3. L’animal-compétition : le chien ratier.

Ces chiens donnaient lieu à des concours, dans les mines, et notamment dans la région de Bruay, Lens et Liévin. D’après Luc Delporte, il existait deux types de concours dans lesquels les amateurs engageaient leurs favoris. Les rats étaient dans les deux cas l’accessoire de ces jeux, et étaient voués à mourir. Ils étaient capturés dans les décharges environnantes quelques jours avant, et retenus captifs jusqu’à l’instant de la compétition.

– Le concours de vitesse : Deux rats sont placés dans une arène métallique d’environ deux mètres de long sur autant de large, pour un mètre de haut. Le chien est introduit dans la boite et, affamé, se rue sur les rongeurs pour les tuer. Les chronomètres ne s’arrêtent que lorsque les deux rats sont morts. La scène ne dure guère plus de quelques secondes et le record en la matière serait même inférieur à deux secondes.

– Le concours au pot : Le parc est le même que dans le concours de vitesse, mais le rat est caché sous un pot de fleurs retourné, et placé parmi une dizaine de pots semblables, vides. Le ratier doit ici, en un minimum de temps, retourner le bon pot et tuer le rongeur.

Ce genre de concours se déroulait en plein air le jour de la ducasse (fête populaire), au carrefour de deux rues, jusqu’en 1930 environ.

Un gallodrome dans le Nord

4. L’animal-meurtre : le coq de combat.

Les combats de coqs comptent parmi les loisirs les plus populaires de la région. Interdits en Belgique dès 1935, les combats sont limités en France aux « lieux à tradition locale ininterrompue » par un décret du 8 juillet 1964.

Les coqs « batillards » sont issus du croisement entre les faisans et les poules. Les propriétaires de ces animaux, les « coqueleux », les nourrisent d’avoine macérée dans la bière, de fèves et d’eau dans laquelle on a ajouté des clous rouillés (!) .

Les combats se déroulent dans un « gallodrome », parc de trois mètres sur deux. Les pattes armées d’éperons d’acier, pointus, de 5 cm de long, ces animaux s’affrontent, à mort.

Avant le combat, la tradition veut que les coqs ingèrent une gousse d’ail arrosée d’une giclée d’eau de vie, afin d’attiser l’aggressivité des « athlètes ».

Présentés face à face pendant quelques secondes, les animaux sont ensuite lachés dans le parc clos. Le combat ne dure souvent pas plus de 5 minutes. Le corps lacérés et troués, le vaincu meurt généralement le coeur transpercé par l’éperon de son adversaire.

Mais, bien souvent, le vainqueur s’écroule quelques dizaines de secondes après la mort de son congénère.

Dans ce cas, le combat est déclaré « nul ». Comme au casino, un préposé est affecté à collecter les mises des parieurs avant et pendant le combat. Les engagements sur les paris sont verbaux, une grande tension règne dans ce milieu d’initiés.

Vainqueur ou vaincu, les combattants terminent à la casserole, avec une sauce au vin ou à la bière, agrémenté de lardons, de champignons, et de carottes, suivant la recette locale.

Animal-machine, Animal-évasion, Animal-compétition, Animal-meurtre, tous sont utilisés par les hommes du Bassin minier dans un but qui touche toujours de près à l’enrichissement, à l’argent. Que ces pratiques existent toujours ou non, elles continuent à imprégner notre culture, notre quotidien.

Les chiens sont toujours domestiqués, et les agents de la fourrière de la Communaupôle de Lens Lièvin doivent intervenir fréquemment pour saisir des animaux qui, bléssés gravement lors de combat, doivent être euthanasiés. Certains chiens, souvent de type « chien d’attaque », ont les crocs remplacés par des crochets de métal, ou les dents plombées. Ils sont élevés pour les combats, pour parier.

La viande de cheval est toujours très populaire dans le Bassin Minier, qui compte un grand nombre de boucheries chevalines. La tradition perdure alors que les dernières mines ont fermé en 1990.

Pour l’Action Antifasciste Artois, la lutte contre le fascisme ne peut se faire sans la prise en considération de souffrance animale, qui répond toujours aux intérêts du capitalisme.

Le régime alimentaire strictement végétalien, et le mode de vie exempt de toute souffrance animale est une solution offerte à la classe ouvrière, au prolétariat, pour combattre les élèments de notre culture qui nous rendent complices des fascistes.

Be antifascist ! Go Vegan !

Action Antifasciste Artois