L’architecture vue par les pigeons, par Basile Plumagile

Basile Plumagile est un pigeon qui voyage et décrit des constructions humaines marquantes.

Il raconte ainsi le Taj Mahal, la tour Eiffel, le Colisée à Rome, la Maison sur la cascade de Frank Lloyd Wright, Beaubourg à Paris, des bâtiments publics de Brasilia, l’opéra de Sydney, la Sagrada Familia de Barcelone, la muraille de Chine…

L’auteur réel, l’américaine Stella Gurney, est allé jusqu’au bout de son raisonnement : c’est justement Basile Plumagile qui est l’auteur officiel de cet ouvrage destiné aux enfants autour de sept ans.

L’oiseau se présente même comme envoyé officiellement par la maison d’éditions Phaidon pour son enquête et réaliser l’ouvrage (qui coûte 19,95 euros).

Tout l’esprit de l’oeuvre rejoint cette excellente mise en perspective, Basile expliquant de manière fort sympathique que les pigeons sont des « animaux intelligents et doux » et qu’il va justement le montrer en donnant aux hommes un petit cours d’architecture.

L’approche est ouvertement engagée et dans sa présentation, Basile Plumagile raconte même :

« J’espère te transmettre, au fil de notre périple, ma passion pour les monuments, et que tu saches qu’il y a plus à découvrir sur les pigeons que tu n’aurais pu l’imaginer, beaucoup plus… »

Voilà une démarche excellente et on a donc Basile qui survole au fur et à mesure des bâtiments, les présentant de manière détailléeà chaque fois, le tout avec des dessins bien amenés de la japonaise Natsko Seki.

Voici un exemple, avec le « Patchwork aux merveilles », nom que Basile donne à la cathédrale de Canterbury.

« Ce matin, je me suis envolé, ailes déployées, pour la côte sud-est de l’Angleterre.

Malgré ma tristesse de quitter ma chère Elsa et mes amis, j’avais hâte d’entamer mon voyage. Et quoi de plus beau pour commencer que la cathédrale de Canterbury ?

Tout l’intérêt d’une cathédrale, vois-tu, est de faire en sorte que les visiteurs soient émerveillés par la gloire des cieux, et effrayés par les horreurs de l’enfer.

Une cathédrale est en fait une immense machine médiévale à effets spéciaux, un peu comme lorsque la scène la plus incroyable d’un film en 3D te cloue à ton fauteuil, sauf qu’il s’agit ici de pierre et de vitraux.

J’ai aperçu de loin les hautes flèches ornementées de l’imposante cathédrale. En m’approchant au-dessus de la ville, profitant d’une brise aux senteurs marines, alors que le soleil se réfléchissait sur les immenses vitraux, un frisson d’impatience m’a traversé.

Commencée en 597, la cathédrale a été de nombreuses fois reconstruite et agrandie au fil des siècles et dans de nombreux styles différents.

L’archevêque de la cathédrale est le chef de l’Église d’Angleterre. Pendant des centaines d’années, ce statut a représenté un pouvoir équivalent à celui du roi.

Chaque nouvel archevêque a voulu ainsi laisser sa propre empreinte sur l’édifice pour marquer son territoire, un peu comme les chiens font leurs besoins sur les lampadaires, mais de façon bien plus élégante.

Des centaines de touristes se pressent toujours dans la cathédrale. En sautillant, j’ai réussi à franchir les anciennes portes en bois de l’entrée avant de me cacher sous un banc.

Ouah ! Impressionnant ! Je peux te dire que les effets spéciaux fonctionnent ! Il y a tant de belles choses à voir que je ne savais plus où regarder…

Dans la crypte, je me suis retrouvé face à un monstre hideux. Heureusement, ce n’était qu’une statue très réaliste, façonnée par des tailleurs de pierre du Moyen Âge pour que les croyants aient peur de l’enfer.

Quand j’ai vu un énorme lutrin (un pupitre pour poser les livres) de bronze en forme d’aigle prêt à s’envoler, mon sang n’a fait qu’un tour.

Épuisé par tant d’émotions, je suis sorti, chancelant, pour me reposer sur la tombe d’une certaine Mme Spurgeon. Cette cathédrale est d’une beauté à couper le souffle, et de combien d’édifices peut-on dire cela ? »

Comme on le voit, Basile donne son avis et il n’hésite pas à constater que de prime abord, il a trouvé Beaubourg et ses tuyauteries bien affreux…

Mais il apprécie l’endroit, pour une raison pratique montrant la subtilité pro-pigeons de l’auteur :

« Sur la place, les passants et les pigeons peuvent s’asseoir ou se promener alors que le reste du quartier est très construit. »

Dans l’image suivante, qui montre la Sagrada Familia de Barcelone, on voit les oiseaux qui sont posés sur le bâtiment de manière symbolique, en train de discuter avec Basile : une belle manière de défendre les pigeons et leur droit à vivre en ville.

Lorsque Basile est au Colisée, il n’oublie pas de mentionner les animaux massacrés :

« Fascinant !

Mais je suis partagé.

D’un côté j’admire la taille colossale du Colisée et sa beauté. (….)

Mais de l’autre, je n’arrive pas à croire ce qui s’y passait !

Rou !

Pendant cinq siècles, des spectateurs se sont réjouis en regardant des gens s’entre-tuer et des hommes mettre en pièces des lions, des tigres et des éléphants. »

On notera que d’une certaine manière, l’ouvrage est une allusion à la belle fable des deux pigeons, car après avoir voyagé il s’empresse de retourner chez sa compagne Elsa, tout comme le pigeon de la fable retourne chez sa compagne après s’être imaginé qu’il avait besoin de davantage de choses à voir…

La conclusion est, par ailleurs, admirable. La voici, elle est très belle et rien qu’elle mérite la large promotion de l’ouvrage.

« Si tu ne devais retenir qu’une chose, sache que l’architecture est faite pour toi, que les édifices sont faits pour que tu les utilises et les admires, et que ce que tu en penses est important.

Bien sûr, ce que tu penses des pigeons est tout aussi important. J’espère que ton opinion aura changé depuis notre première rencontre.

La prochaine fois que tu vois un pigeon, fais-lui un petit clin d’oeil : il te répondra sûrement d’un petit hochement de tête.

Je ne porte pas toujours mon chapeau, tu sais… »

C’est donc un très bel ouvrage, indéniablement à conseiller, à acheter, à offrir!